Critiqué par les équipes de F1, le fonds anti-dilution sera-t-il bientôt triplé ?
Les équipes craignent-elles une dilution financière… ou politique ?
Si la perspective de voir arriver Andretti en F1 est devenue plus probable ces derniers jours, notamment avec l’annonce d’un partenariat avec Cadillac, l’équipe américaine continue de se heurter à l’opposition des équipes de F1 (hors Alpine et McLaren), ce qu’a vertement dénoncé Mario Andretti (voir notre article).
Les équipes craignent en particulier la dilution de leurs revenus, puisque le gâteau à partager entre elles serait à diviser en 11 parts, et non plus en 10.
Cependant, pour atténuer cette perte de revenus, les Accords Concorde de 2020 ont prévu l’introduction d’un fonds anti-dilution. Le nouvel entrant doit payer une somme de 200 millions de dollars pour s’inscrire en F1. Cette somme est ensuite partagée aux autres équipes, chacune recevant donc 20 millions de dollars.
Mais cette somme, établie en 2020, est aujourd’hui jugée bien insuffisante par la majorité des équipes. Du reste, il ne s’agit que d’un versement ponctuel, alors même que la perte de revenus serait sur une base annuelle.
« Nous n’avons pas besoin d’accueillir une nouvelle équipe, pour mettre en danger deux ou trois équipes sur la grille » lançait ainsi Frédéric Vasseur, alors chez Alfa Romeo, en mai dernier.
Günther Steiner, chez Haas, posait lui ainsi les termes du débat : « Si une 11e équipe arrive et qu’elle apporte, disons 10% de revenus supplémentaires, pourquoi pas ? Mais si une onzième équipe arrive et enlève un onzième des revenus actuels, vous diluez les revenus de tous les autres ? Pourquoi feriez-vous cela ? »
L’argument d’une augmentation des revenus guère entendu par les équipes ?
Toutefois, Michael Andretti a d’autres arguments à faire valoir aux équipes de F1. Il leur rappelle régulièrement qu’il ne faut pas résonner en stock mais en flux : en clair, en permettant de participer à la croissance du sport aux USA, Andretti augmenterait la taille du gâteau des revenus à se partager. La perte de revenus serait ainsi bien atténuée pour les 10 autres équipes grâce à cette croissance.
« J’essaie de leur rappeler qu’il y a 350 millions de personnes dans ce pays, et que, oui, il y a eu un pic d’intérêt ici avec Drive to Survive, mais qu’ils ne devraient pas se contenter de ce qu’ils ont... Ils sont convaincus qu’ils ont le public américain maintenant. Mais vous avez besoin de quelque chose pour les garder pour l’avenir. Et nous pensons que nous pouvons être ce quelque chose d’accrocheur » évoquait à ce sujet, en juillet dernier, Michael Andretti, qui s’adressait aux autres directeurs d’équipe.
L’interprétation de la valeur ajoutée que pourra apporter Andretti à la F1, dépendra sans doute de l’implication réelle de Cadillac et donc de General Motors. S’agira-t-il d’un engagement cosmétique, comme Alfa Romeo le faisait avec Sauber ? D’une implication plus prononcée ? En cas d’investissement durable du plus grand constructeur américain, il est évident qu’Andretti aura d’autres arguments à faire valoir de son côté.
Michael Andretti a déjà commencé à hausser le ton et à rassurer sur ce point, en assurant que « Cadillac sera très impliqué dans la fabrication de la voiture. (…) Pour 2026, il y a différentes choses que nous pourrions faire avec un autre fabricant de moteurs. Ce ne serait pas un moteur badgé, car il y aurait une propriété intellectuelle de Cadillac dans ce moteur. »
De quoi répondre à ceux qui estiment qu’Andretti ne serait qu’une simple équipe-cliente, rebadgeant de manière purement cosmétique une unité de puissance Renault.
Mais – pourraient aussi arguer les directeurs d’équipe – la F1 en fait déjà assez pour la croissance du sport aux USA, avec l’organisation de Grands Prix à Austin, Miami et maintenant Las Vegas. L’ajout d’une équipe américaine serait ainsi peut-être moins indispensable…
Une dilution non seulement financière mais aussi… politique ?
Tous ces arguments financiers ne cachent-ils cependant pas quelque chose d’un peu moins avouable ?
En effet, Michael Andretti a dit, par le passé, que les oppositions de la plupart des équipes ne trouvaient pas leur première source dans le domaine budgétaire… la dilution des revenus serait en réalité le masque, le prétexte hypocrite d’un autre type d’argument.
S’exprimant à la même époque sur Toto Wolff en particulier, Andretti estimait ainsi que l’argument politique comptait en réalité plus que l’argument financier.
« Toto Wolff utilise cela [la dilution] comme une excuse. Mais vous pouvez voir qu’il regarde ça et il pense, ’Je vais avoir une voix de moins. Ce sera un vote de plus contre moi", c’est ainsi qu’il envisage les choses. Je savais à peu près dans quoi on s’embarquait ici. Vous nagez avec les requins. Donc, vous feriez mieux de vous assurer que vous ayez votre harpon sur vous. Je ne suis pas naïf à ce sujet » vitupérait ainsi Andretti à l’été dernier.
Vers un triplement du fonds anti-dilution ?
Une chose est entendue : le fonds anti-dilution ne bougera pas dans l’immédiat, puisque les Accords Concorde actuels courent jusqu’en 2026.
Mais pour la suite, et selon plusieurs informations venant de Reuters et de la presse britannique, les équipes de F1, échaudées par le précédent Andretti, jugeraient nécessaires d’augmenter le fonds à 500 ou 600 millions de dollars, soit un bon triplement.
Ce serait aussi la somme qu’aurait déboursé Audi pour s’associer à Sauber pour son projet F1. Enfin, cen triplement serait rendu d’autant plus nécessaire si la F1 comptait d’ici quelques années non plus 10, mais 11 ou 12 équipes !
Autre argument en faveur de ce triplement du fond : la MLS (foot américain) et la NHL (hockey sur glace) ont fixé leurs tickets d’entrée à des sommes aussi astronomiques, respectivement 325 millions de dollars et 650 millions de dollars.
Les 10 équipes de F1 actuelles voudraient également mieux prendre en compte l’inflation, ainsi que l’augmentation générale de la valorisation des équipes de F1 (Zak Brown, le PDG de McLaren Racing, a estimé qu’une équipe de F1 vaudrait bientôt un milliard).
En devant débourser une telle somme, un nouvel entrant en F1 serait enfin « obligé » de rester plus longtemps dans le sport – évitant ainsi un aller-retour préjudiciable à la stabilité de la discipline, et permettant de construire des infrastructures pour le long terme.
En somme, la bataille entre Andretti et les équipes de F1 ne fait peut-être que commencer, et pourrait avoir des répercussions durables sur le sport. Personne n’en sera surpris : la F1 n’est pas un troupeau d’agneaux, et chacun défendra ses intérêts becs et ongles…
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