Grosjean, le bouc émissaire idéal chez Haas ?

Le Français a pourtant prouvé la valeur de son retour d’expérience à l’équipe

Par Alexandre C.

20 août 2019 - 17:11
Grosjean, le bouc émissaire idéal (...)

Alors que la silly season va battre son plein, le baquet de Romain Grosjean est aujourd’hui en danger. Le contrat du Français expire à la fin de cette année, tandis que le bail de Kevin Magnussen court jusqu’à la fin 2020. Si Haas devait se séparer d’un pilote, ce serait donc Romain Grosjean qui serait le premier visé.

L’avenir de Romain Grosjean s’écrit aujourd’hui en pointillés pour trois raisons principales (outre cette situation contractuelle fragile) : le manque de résultats, criant, au classement des pilotes ; son entente erratique avec Kevin Magnussen, qui a abouti à deux accrochages fratricides en piste ; enfin, les alternatives séduisantes qui existent sur le marché des pilotes. Mais Romain Grosjean mérite-t-il vraiment son éviction ?

Sur le plan des résultats purs, en effet, Romain Grosjean est en délicatesse. Le Français n’a marqué que 8 points, contre 18 du côté de son coéquipier. En qualifications, l’ancien pilote Lotus est également mené 7 à 5, même si sa pointe de vitesse fait partie de ses qualités premières. Notons tout de même que sur les trois dernières courses, Romain Grosjean était le pilote Haas le mieux qualifié.

Un autre point joue en défaveur de Romain Grosjean : les multiples accrochages en piste avec son coéquipier, Kevin Magnussen, qui ont eu le don d’agacer profondément Günther Steiner. A Barcelone, les deux pilotes avaient déjà croisé le fer de manière trop rugueuse en piste. A Silverstone surtout, alors que l’équipe devait mener des comparatifs aérodynamiques cruciaux, Romain Grosjean et Kevin Magnussen se sont touchés au premier tour, ce qui a résulté en un double abandon catastrophique. Malgré l’avertissement sévère de Günther Steiner, Grosjean et Magnussen, à Hockenheim, ont failli récidiver. Steiner, après ce dernier incident, a donc clairement laissé entendre que ces bisbilles inacceptables auraient potentiellement des conséquences sur le futur line-up de l’équipe : « Ils ne peuvent pas continuer à se toucher tous les week-ends. Nous devons voir avec l’équipe quelles décisions nous allons prendre, mais ça ne peut plus arriver. J’étais très en colère après Silverstone et j’avais des raisons de l’être. Mes pilotes n’ont pas agi comme nous l’avions souligné après l’incident de Barcelone. C’est pour cela que je surveille ce qui se passe, comme tous les patrons qui ont besoin de pilotes. »

Un troisième motif fragilise la position de Romain Grosjean : sur le marché des transferts, des remplaçants potentiels ont de quoi séduire par leur profil. Esteban Ocon ou Valtteri Bottas, en fonction du choix de Mercedes, pourraient être disponibles ; Sergio Pérez pourrait être également intéressé par le défi américain même s’il souhaite plutôt prolonger chez Racing Point ; l’avenir de Nico Hulkenberg est aussi entre parenthèses chez Renault. « Nous allons voir ce qui va se passer cet été sur le front des transferts. Pour moi, la clé, ça va être Esteban » a déjà annoncé Günther Steiner. Pas de quoi rassurer Romain Grosjean…

Pourtant, le Français peut faire valoir aujourd’hui toute une série d’arguments pour négocier une prolongation de contrat.

En course, il certes abandonné à six reprises (un Grand Prix sur deux), mais en aucun cas en raison d’une erreur de pilotage : c’est plutôt la fiabilité désastreuse de la Haas qui est ici à blâmer. Romain Grosjean a donc été bien plus malchanceux que son coéquipier depuis Melbourne.

Surtout, Romain Grosjean a prouvé à son équipe combien son retour d’expérience, son bagage technique, son intuition « aérodynamique », pouvaient avoir de la valeur. C’est lui qui a longtemps poussé pour revenir au package de Melbourne ; l’ancien pilote Renault pressentait que les dernières évolutions, apportées à Barcelone et à Hockenheim, ne donnaient pas satisfaction, et que la monoplace du début de saison procurait un meilleur ressenti. Haas a donc décidé de faire confiance à l’intuition du Français… et il s’est avéré que Romain Grosjean avait raison ! C’est pourquoi il s’est mieux qualifié que son coéquipier lors des trois dernières épreuves.

Romain Grosjean a conscience que la valeur de son retour d’expérience pourrait être décisive dans sa prolongation de contrat. « Quand nous avons apporté l’évolution le vendredi à Barcelone, j’ai demandé à l’équipe de revenir à l’ancienne spécification. J’ai tout de suite eu l’impression que ça ne marchait pas bien et je voulais vraiment revenir en arrière. Je suis assez content de ce que j’ai fait en course. Le travail est là. Je ne me suis pas trompé en disant que l’ancienne voiture était meilleure que la nouvelle. Une expérience comme la mienne, ce n’est pas facile à acheter. De ce côté-là, je suis content. »

Kevin Magnussen lui-même a avoué que Romain Grosjean avait eu raison sur le package de Melbourne : « La configuration utilisée par Romain est plus rapide. La voiture semble plus stable. » Un aveu d’échec pour le Danois…

Alors que la saison 2021 approche, et son lot de grands changements aérodynamiques et techniques avec elle, la petite équipe Haas peut-elle vraiment se passer d’un pilote qui a prouvé son mérite dans le développement – à l’inverse de Kevin Magnussen - ?

Le risque est que Günther Steiner décide de « faire un exemple » pour sauver sa propre peau face à Gene Haas, en faisant de Romain Grosjean le bouc émissaire de la situation catastrophique de l’écurie. Or, au sein de l’équipe américaine, le problème vient aujourd’hui bien moins du pilote français que d’une monoplace inconstante, incompréhensible, qui régresse à mesure qu’elle évolue.

Si Romain Grosjean paie pour tout le monde, il aura certainement des raisons valables de crier à l’injustice. Pour mettre toutes les chances de son côté, le Français sait ce qu’il lui reste à faire à la rentrée : devancer, sans ambiguïté, Kevin Magnussen sur la piste à Spa et Monza.

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