On a vu ‘F1, le film’ : très ou trop hollywoodien, notre verdict sans spoilers

Hollywoodien, un compliment plus qu’un reproche au final

19 juin 2025 - 07:00
On a vu ‘F1, le film' : très ou trop hollywoodien, notre verdict sans spoilers

Il était aussi attendu que redouté par les fans du sport : « F1, le Film », au budget mastodonte, au casting cinq étoiles (avec bien sûr Brad Pitt, mais aussi Damson Idris) et bénéficiant de Lewis Hamilton comme conseiller spécial, allait-il offrir un spectacle visuellement impressionnant... mais trop ‘hollywoodien’ et creux, au point de décevoir les fans de cinéma comme de F1 ? C’est la question à plus de 200 millions de dollars.

Après l’avant-première parisienne à laquelle nous avons assisté hier soir, il est possible de l’affirmer : oui, « F1 » est un film très hollywoodien. Mais finalement, malgré quelques clichés, facilités et arrangements, être « hollywoodien » est davantage un compliment qu’un reproche.

Le film met en scène Brad Pitt - dans le rôle de Sonny Hayes, un ancien pilote de Formule 1 des années 1990, qui courait avec Michael Schumacher ou Ayrton Senna… et qui sort de sa retraite pour affronter Charles Leclerc et Yuki Tsunoda.

Alors qu’il vient de remporter les 24 heures de Daytona (dans une première séquence assez réussie), Sonny est contacté par son ami Ruben Cervantes, propriétaire de l’écurie Apex Grand Prix (APXGP), une sorte de Caterham, pour encadrer et former un jeune pilote prometteur, Joshua « Noah » Pearce, incarné par Damson Idris.

« F1 » est donc un film très hollywoodien et c’est d’abord sa grande qualité. Car sa force visuelle – si l’on commence par le plus évident et frappant – est époustouflante. L’utilisation de caméras miniatures positionnées sur les monoplaces et la qualité de la photographie de Claudio Miranda offrent une immersion remarquable – on s’y croirait, vraiment. Les scènes de pilotage sont foncièrement réussies, l’impression de vitesse et d’intensité est bien présente… Au point qu’on se demande comment l’équipe de film est parvenue à ce résultat en n’ayant filmé que des tours de mise en grille, ou presque ! Chapeau les artistes.

Au-delà de la piste, le film s’attache à dépeindre les coulisses du sport, dans un mélange de pédagogie, d’application et de « fanboy-isme ». Durant les scènes de course, un effort pédagogique notable est également perceptible, visant à expliquer les subtilités de la gestion des pneus, de la stratégie et de l’aérodynamisme. Le paddock, les zones d’hospitalité, l’ambiance des usines et des souffleries, la présence des sponsors, les épées de Damoclès budgétaires, ainsi que l’omniprésence des médias, sont présentés de manière plutôt convaincante, malgré quelques inévitables raccourcis. Le spectateur est vraiment immergé dans l’environnement F1, néophyte comme hardcore.

Un scénario "Hollywoodien" dans ses qualités comme dans ses défauts

La patte d’Hollywood est clairement présente également dans le scénario, avec ses qualités et ses défauts. Le casting de stars est mené par Brad Pitt, qui apporte un charisme certain à l’écran, jusqu’à effacer Damson Idris. Même si Pitt a tendance à trop en rajouter sur le côté « vieille bête badasse blessée », devenant parfois la caricature de lui-même.

Et l’on en vient aux défauts du film, liés, comme ses qualités, à sa facture made in Hollywood. Le film intègre des clichés cinématographiques évitables : le vétéran hanté par ses démons qui fait son retour, le jeune prodige ambitieux mais trop pressé et couvé par sa maman-poule, ou encore le financier véreux. Facile et prévisible…

Le scénario, bien qu’il prenne quelques chemins inattendus par moments, reste globalement sans grande prise de risque, sans parler des inévitables romances que l’on voit venir dans nos rétros. Après une première partie bien plus dynamique voire jouissive, le film connaît d’ailleurs un certain coup de mou dans sa deuxième partie : sans aucun doute, une bonne vingtaine de minutes auraient pu être retirées sans trop de dommages (sur un total de… 155).

Il faudra tout de même noter une écriture souvent bien sentie, notamment lors de dialogues ciselés et qui nous font franchement sourire. On adore aussi l’autodérision de Liberty Media avec Netflix, et l’on ne privera pas de relever que la FOM a fait passer la FIA pour des incompétents ou des imbéciles par moments…

Précision vs. narration : le dilemme du film

Pour le puriste, et inévitablement, le film présente certaines incohérences et invraisemblances à parfois sauter au plafond. On peut citer, par exemple, des techniques de pilotage ou des stratégies peu orthodoxes, qui auraient même fait rougir un Flavio Briatore.

Relevons encore une directrice technique capable de concevoir (dans son petit coin et en deux semaines) des pièces améliorant d’une seconde la performance globale d’un Grand Prix à l’autre. Notons encore un pilote autorisé à courir malgré des contre-indications médicales flagrantes. Mais le must de l’invraisemblance est peut-être atteint avec le retour de Sonny Hayes après 30 ans d’absence : il retrouve instantanément son niveau en essais privés, sans nécessiter de moulage de baquet et sans passer par la phase apprentissage du volant, etc.

Et alors, serait-on tenté de dire ? Il est important de noter que le film n’a pas vocation à être un documentaire ; certaines simplifications, comme l’effectif réduit d’APXGP à une dizaine de personnes, sont compréhensibles pour faciliter l’identification aux personnages et la progression de l’intrigue.

Il faut aussi être honnête et relever que le film s’efforce de lancer quelques clins d’œil que seul un fan aguerri pourrait comprendre : comme le petit clin d’œil de Fernando Alonso à Pearce après un Grand Prix réussi grâce à une certaine stratégie (on ne vous en dit pas plus), ou encore certaines répliques (« and through goes Hamilton » ou la meilleure réplique du film, celle de la directrice technique : « Mon travail, c’est le vent »).

D’une manière générale, le fan ne pourra que vibrer au moment de découvrir les coulisses ou les sensations de ce sport – mais aussi son histoire, notamment le crash de Martin Donnelly. On s’amuse de quelques apparitions, finalement anecdotiques, de Frédéric Vasseur, Günther Steiner, Zak Brown ou Toto Wolff. Les pilotes ne jouent aucun rôle, ce qui peut se comprendre pour des raisons d’image notamment et l’intrigue se concentre sur le duo (duel) chez APXGP.

Un divertissement, et alors ?

En dépit des facilités scénaristiques et des libertés prises avec la réalité technique et sportive, « F1 » demeure donc un divertissement de qualité. Visuellement impressionnant, il réussit (sauf par moments dans la 2e partie du film) l’équilibre entre une immersion spectaculaire et une narration grand public.

Le néophyte sera sans doute conquis et attiré par la profondeur stratégique de ce sport (c’est le but). Tandis que le passionné pourra tiquer justement par manque de profondeur. Mais soyons clairs : on ne se moque pas du tout du monde, le film a produit des efforts considérables et vous en aurez pour votre argent.

« F1 » est ainsi une production qui, malgré ses imperfections, surprend par sa capacité à engager et à divertir : il est donc très hollywoodien dans le bon comme le mauvais du terme. Mais la balance penche du bon côté et à vrai dire, avant que les lumières vertes ne s’allument, nous craignions le contraire. En quelques mots donc : pas une victoire, mais un podium.


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