La F1 en Arabie saoudite ? Human Rights Watch juge l’hypothèse indigne…

Human Rights Watch estime que la F1 nuit aux droits humains en général

Par Franck Drui

11 février 2020 - 15:52
La F1 en Arabie saoudite ? Human (...)

La présentation du projet de Grand Prix en Arabie Saoudite a fait grand bruit le mois dernier. Le circuit, situé à Qiddiya, dans la banlieue de Riyad, s’annonce ultra-moderne, et son tracé, adapté aux désirs des pilotes après avoir été conçu par Alexander Wurz, promet d’être spectaculaire.

Les organisateurs visent officiellement un premier Grand Prix d’ici 2023, et les étoiles semblent en effet s’aligner pour eux. Les promoteurs des épreuves de Bahreïn et d’Abu Dhabi se sont prononcés pour l’organisation de cette épreuve qui aurait pu sembler concurrente (pour des motifs surtout géopolitiques) ; dans le même temps, l’Arabie saoudite serait prête à payer des sommes records à la FOM pour gagner le droit d’entrer au calendrier.

Un partenariat entre la F1 et la compagnie pétrolière d’État Aramco, récemment introduite en bourse, pourrait aussi être signé, à hauteur de 45 millions d’euros par an environ.

Mais ce projet pose évidemment des problèmes d’ordre éthique et politique. L’ONG Human Rights Watch est ainsi vent debout contre cette entreprise de ‘sportwash’ ainsi qu’elle l’a baptisé, faisant écho au ‘greenwashing’ dont les multinationales sont souvent friandes pour faire oublier leur bilan carbone.

Selon l’ONG, la F1 ne participera en rien à ouvrir davantage un royaume par essence totalitaire ; la F1 permettrait même de confirmer l’emprise du pouvoir sur le pays.

« Il n’y a aucune preuve que le fait que la F1 se rende dans un pays qui réprime sérieusement les droits de l’homme ait amélioré les conditions de vie là-bas » a ainsi lancé Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales au sein de Human Rights Watch.

« Au contraire, il y a de nombreuses preuves que la présence de la F1 a dégradé les conditions du respect des droits de l’homme. D’après nos recherches, au Bahreïn et en Azerbaïdjan, l’arrivée de la F1 a conduit à des abus et n’a pas amélioré la situation des droits de l’homme.

« Il est évident que la F1 a ignoré son propre engagement en faveur des droits de l’homme [pris en 1995] en se rendant dans ces pays et a négligé les violations des droits de l’homme, en ne prenant aucune mesure pour les améliorer. »

L’attaque, frontale, risque d’écorner l’image du sport au moment même où il vise à apparaître plus vert et plus moderne, pour notamment attirer une audience plus jeune.

C’est pourquoi un porte-parole de la F1 a réagi rapidement à ces accusations, accréditant ainsi l’idée que la FOM attache bel et bien de l’importance à ce projet saoudien.

« Pendant des décennies, la Formule 1 a travaillé dur pour laisser un impact positif partout où elle court, y compris des avantages économiques, sociaux et culturels. Nous prenons nos responsabilités en matière de droits de l’homme très au sérieux, et nous faisons clairement connaître cette position à chaque promoteur et à chaque pays hôte. Nous sommes convaincus que travailler avec les pays et donner à leurs citoyens la possibilité d’assister à des événements sportifs, diffusés mondialement, est une force pour le bien commun. »

Le porte-parole de la F1 pourrait prendre appui sur les récents allégements décidés par MBS (droit de vote des femmes aux municipales, droit donné aux femmes de passer leur permis de conduire…) pour justifier sa position – même si les ONG dénoncent régulièrement ces réformes comme des paravents cosmétiques.

Ainsi Minky Worden, la voix d’Human Rights Watch, a rappelé à la F1 en quoi le royaume wahhabite devrait rester infréquentable…

« Il y a de vraies réformes et HRW les reconnaît, mais elles masquent aussi la répression en cours et les grands événements sportifs masquent aussi cette répression. La F1 ne devrait pas conclure d’accord avec l’Arabie Saoudite tant qu’elle n’aura pas rencontré les militants des droits des femmes, qui sont emprisonnés et torturés en détention. »

« La F1, dans le cadre de sa visite d’inspection, devrait demander à rendre visite à ces femmes - Loujain al-Hathloul, Samar Badawi , Nassima al-Sadah et Nouf Abdulaziz - et demander leur libération. »

« La F1 doit se demander si le meurtre et le démembrement du journaliste Jamal Khashoggi par des agents saoudiens sont compatibles avec les valeurs de la liberté de la presse. C’est une question simple car l’Arabie Saoudite a admis le meurtre [sans que la responsabilité de MBS soit mise en cause]. »

L’intervention d’Human Rights Watch a le mérite de poser de vraies questions. La F1 doit-elle faire de la politique, et si oui à quelle intensité ? De plus, s’il faut conditionner la présence de la F1 au respect des droits humains, que faire alors des Grands Prix organisés en Chine, à Bahreïn, à Abu Dhabi, en Azerbaïdjan… ?

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