‘Fenêtre de fonctionnement’, les trois mots les plus importants du début de saison ?

Les Pirelli 2019, mystère et boule de gomme ?

Par Alexandre C.

19 mai 2019 - 10:12
‘Fenêtre de fonctionnement', (...)

Une fenêtre de fonctionnement plus étroite, voire inintelligible ?

Cette année encore, les pneus sont au centre de nombre de discussions dans le paddock. Les Pirelli nouveaux sont sous le feu des critiques pour deux raisons différentes : d’abord, ils sont accusés d’avoir une importance trop grande dans les résultats des écuries ; ensuite et peut-être surtout, leur « fenêtre de fonctionnement », selon l’expression consacrée, qui conditionne leur performance, serait trop étroite, voire incompréhensible…

Pour bien comprendre cette polémique, il faut tout d’abord rappeler que Pirelli a apporté deux changements notables cette année. Premièrement, afin de permettre aux pilotes de davantage s’attaquer en piste, les pneus sont un cran plus durs, plus conservateurs. Deuxièmement, dans le but de réduire la surchauffe et le graining, les pneus ont une bande semblable aux pneus qui avaient été utilisés à Barcelone ou au Paul Ricard, l’an dernier, avec une bande de roulement moins épaisse de 0,4 mm.

En l’espèce, l’objectif de réduire la surchauffe paraît avoir été atteint. Mais pour y arriver, Pirelli a du même coup complexifié la bonne mise en température des gommes…

Pour contrer ce nouveau problème, Pirelli comptait rendre plus large la fenêtre de fonctionnement des pneumatiques. Or, il semblerait, à entendre plusieurs pilotes ou directeurs d’écurie, que le manufacturier italo-chinois ait au contraire réduit cette fenêtre de fonctionnement…

C’est l’écurie Haas qui est la première à se plaindre de ces changements, au point que Günther Steiner et Romain Grosjean n’ont quasiment eu que trois mots à la bouche pour expliquer leurs variations de performance : « fenêtre de fonctionnement. »

Haas a en effet oscillé entre le meilleur (essais hivernaux à Barcelone, Grand Prix d’Espagne, Grand Prix d’Australie) et le pire cette saison (Bahreïn, Shanghai, Azerbaïdjan). La raison ? La fenêtre de fonctionnement ! Quand il fait plus froid, Haas n’arrive pas à mettre les pneus dans cette bonne fenêtre, et par conséquent, la performance de la voiture est en chute libre.

« Je ne comprends plus ce monde » pestait ainsi Günther Steiner après Bakou. « Ce n’est pas de la F1 quand les performances d’une équipe dépendent autant des pneus. »

« A quel point la fenêtre est-elle grande ? Comment rester dans la bonne fenêtre ? C’est difficile à définir. Nous ne sommes définitivement pas dans la bonne fenêtre. Le point sur un élément-clef de ce début d’année. »

Toujours chez Haas, Romain Grosjean confirmait le point de vue de son directeur d’écurie avant le Grand Prix d’Azerbaïdjan : « Nous allons encore parler des pneus tout le week-end, et cela ne s’applique pas qu’à nous. Malheureusement. Ces Pirelli sont beaucoup trop complexes. Les gommes sont extrêmement difficiles à faire fonctionner. Particulièrement cette année, où leur fenêtre d’utilisation est incroyablement réduite. »

Haas n’est pas la seule équipe à se plaindre de cet état de fait. Dès les essais hivernaux, Lewis Hamilton regrettait des pneus « plus difficiles à appréhender. » Avant Bakou, il confirmait le point de vue de Romain Grosjean : « Les pneus sont encore plus compliqués à comprendre cette année, leur fenêtre d’utilisation est encore plus étroite. »

De nombreux autres témoignages de pilotes ou responsables techniques pourraient être cités, comme ceux de Sebastian Vettel ou d’Andy Green. Le pilote Ferrari a ainsi estimé que les difficultés de la Scuderia, en ce début de saison, étaient surtout dues au comportement des pneus. « Je pense qu’on se bat un peu plus avec les pneus que les années précédentes. Globalement, le secret jusqu’ici, pour être juste, a été les pneus, et peut-être qu’il nous manque quelque chose. ».

Le directeur technique de Racing Point estime, de son côté, que le comportement des Pirelli « change de piste en piste » et que l’écurie doit recommencer son processus d’apprentissage des pneus à chaque course.

La faute de Pirelli ? Pas si vite : Mercedes a trouvé la clef, aux autres de travailler !

Faut-il s’arrêter à ce constat, en clamant que Pirelli a livré un mauvais produit, avec une fenêtre de fonctionnement plus étroite ? Ou est-ce que cette fenêtre de fonctionnement n’est pas forcément plus étroite, mais tout simplement mal comprise encore par les écuries ?

Le doute demeure en effet. Mario Isola, le responsable de Pirelli pour la F1, a ainsi renvoyé Günther Steiner et Haas à ses chères études. Selon lui, la fenêtre de fonctionnement n’est « pas plus étroite » que l’an dernier. « Elle a juste un peu bougé. »

« Nous sommes plus conservateurs avec notre sélection de composés afin de permettre aux pilotes d’attaquer davantage en course. Il y a plus de problèmes avec leur capacité à chauffer et le premier tour de sortie des stands est difficile, mais ensuite les pneus fonctionnent bien. Si vous regardez les données, vous ne verrez pas de signe de ce qui va mal. Les pneus sont encore nouveaux pour tout le monde. C’est pour cela qu’il est normal que certaines équipes aient plus de problèmes que d’autres. »

Ainsi, selon Mario Isola, si Haas n’arrive pas à trouver la bonne fenêtre de fonctionnement, c’est en raison des problèmes intrinsèques sur le châssis développé par Dallara.

Une équipe semble avoir parfaitement compris où se situait cette nouvelle fenêtre de fonctionnement : Mercedes. Voici ce qui expliquerait, aussi, la domination de l’écurie allemande cette année.

« Je pense qu’il y a une fenêtre de fonctionnement plus large et il faut s’y habituer » a ainsi déclaré récemment Toto Wolff.

Le directeur de Mercedes invite ses concurrents à faire ce que Mercedes aurait déjà fait : remettre en question leur compréhension des pneus.

« Quand vous avez un pneu depuis longtemps, toutes vos données et vos simulations sont basées sur un certain composé et une certaine structure. Et tout à coup, la bande de roulement change d’une année sur l’autre, tout ce que vous saviez n’est plus pertinent. Il faut aussi savoir s’adapter, et cela dépend de l’équipe qui apprend le plus vite à comprendre ces nouvelles données. Pour progresser entre les essais libres et les qualifications à Barcelone, nous n’avons rien fait de différent, les pneus n’étaient simplement pas dans la bonne fenêtre. »

Christian Horner, après le Grand Prix de Barcelone, a rejoint le point de vue de Toto Wolff : « Mercedes semble avoir trouvé le bon équilibre avec son concept aérodynamique et le fonctionnement des Pirelli. De notre côté, chez Red Bull, l’aileron avant et les pneus ne fonctionnent pas encore en harmonie. Nous avons des progrès à faire du côté de notre châssis afin de remonter au niveau de Mercedes. Avec autant de gommes en moins et une rigidité plus grande, nous sommes moins bons avec ces pneus que l’an dernier. L’aileron avant est la clé pour trouver le bon équilibre et c’est pourquoi vous voyez tout le monde se concentrer sur cette zone en ce moment. »

En substance, Christian Horner indique que Mercedes a fait du meilleur travail que les autres écuries avec son châssis, et il appartient désormais à Red Bull de faire de même…

Les propos de Toto Wolff, et de Christian Horner, comme la performance incroyable des Mercedes en ce début de saison, corroborent plutôt le point de Pirelli. Non, la fenêtre de fonctionnement ne serait pas plus étroite ; mais oui, elle serait plus complexe à déchiffrer. De là viennent les écarts massifs de performance entre chaque écurie et chaque Grand Prix…

C’est pourquoi les essais privés, les essais libres, les nombreuses données collectées par les équipes, sont cruciales en cette première moitié de saison : une fois que les Pirelli auront été mieux compris, ces variations inexplicables dans la hiérarchie pourraient être une histoire ancienne.

En attendant, une fois encore, c’est bien Mercedes qui, au lieu de se plaindre et se complaindre comme l’ont peut-être fait d’autres écuries, a travaillé pour tirer la substantifique moelle de ces nouveaux composés. Aux autres, désormais, d’en faire autant.

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