Stoll : Renault a pris des risques consciemment

Il fait le bilan du début de saison de Renault

Par Emmanuel Touzot

10 mai 2019 - 10:22
Stoll : Renault a pris des risques (…)

Jérôme Stoll, président de Renault Sport, admet une certaine insatisfaction face au début de saison de l’équipe française, qui n’a pas inscrit les points voulus et navigue pour le moment à la septième place du classement des constructeurs. Un manque de performance est en cause, mais surtout des problèmes de fiabilité.

"Actuellement, on ne peut pas être satisfaits du début de la saison" confie-t-il à Ouest France. "Maintenant, il faut remettre ça en perspective avec le développement que l’on fait sur la voiture. Niveau performance, ce n’est pas si mal. À Shanghai, on met les deux voitures en Q3 et les écarts avec ceux de devant se sont réduits."

"Dans l’évolution de performance, il faut cocher quatre cases : les pilotes, le moteur, le châssis et le bon environnement général. Le moteur a beaucoup évolué cet hiver, et d’autres évolutions sont sur les bancs. Nous sommes confiants sur la performance. Sur la fiabilité, il faut absolument que nous progressions. Je ne veux pas me cacher derrière ça. Il faut tout maîtriser : équipes, fournisseurs, pour y arriver. Ce à quoi nous travaillons."

Il avoue aussi que la stratégie agressive choisie par Renault sur le plan du développement n’est pas étrangère à ces problèmes : "Absolument. On savait que l’on prenait des risques et que l’on pourrait faire face à une telle situation. Après, même les grandes équipes ne sont pas épargnées, regardez Ferrari. Ce qui n’est pas acceptable, c’est que les problèmes se répètent régulièrement."

En revanche, il refuse de blâmer ses pilotes qui, selon lui, font un excellent travail. Il compare leurs deux situations : "Pour les pilotes, on est bons. Nos pilotes sont sur deux trajectoires différentes. Nico Hülkenberg connaît la voiture, Daniel Ricciardo la découvre. Il avait encore, jusqu’ici, les réflexes de l’ancienne voiture."

"Mais, on a pu le voir, il progresse très bien. Il a besoin d’une voiture qui freine fort, de grande vitesse en sortie, de trajectoires comme sur la Red Bull, et c’est quelque chose qu’il nous apporte. Nico, lui, a une expérience de la voiture. Il sait déjà comment elle réagit, et comment s’adapter. Maintenant, voir un gars comme Daniel arriver dans l’équipe, ça le pousse à monter en puissance. Dans notre stratégie, ce sont les pilotes qu’il nous faut."

Il n’essaie pas de tourner autour du pot lorsque la question de la situation globale de Renault lui est posée, ainsi que celle du niveau de la monoplace : "Le châssis, on sait que nous sommes en retard. Pas par rapport à notre temps, mais par rapport aux autres. On a recruté massivement, en volume, mais en qualité, ça a pris plus de temps. Ce qui est encourageant, c’est que nous aurons des propositions d’amélioration très régulièrement. C’est encourageant, car pour moi, nous sommes dans le rythme."

"Côté environnement, nous sommes bien, mais nous devons encore nous améliorer sur les détails, pit-stop, logistique, gestion, stratégie… Tout cela fait que, quand tout fonctionne, cela forme une grande équipe. Nous ne le sommes pas encore, mais le contexte général est beaucoup plus favorable que les résultats ne le démontrent."

Après un Grand Prix d’Azerbaïdjan catastrophique sur le plan du rythme, il assure que l’équipe va faire mieux dans les prochaines courses, à commencer par ce week-end en Espagne : "Bakou, on peut le mettre entre parenthèses, mais c’est tellement spécifique que les résultats là-bas ne sont pas représentatifs. À partir de Barcelone, il faudra s’attendre à des progrès de l’équipe, en revanche."

De quoi viser un podium ? Il en doute...

"Si on fait un podium cette saison, on sera ravis. À la régulière, en revanche, cela me paraît peu probable. Si on signe une place dans le top 3, ce ne sera pas quelque chose de régulier, ensuite. Nous sommes encore un peu loin. De fait, si cela arrive, il ne faudra surtout pas se relâcher."

Dès lors, Renault pourrait être une des grandes bénéficiaires du règlement à venir en 2021, qui standardisera certaines pièces afin de réduire les budgets. L’équipe française a dit à plusieurs reprises depuis son retour qu’elle n’investirait pas autant que le font Mercedes ou Ferrari et vise la possibilité de dépenser moins pour réussir mieux.

"Côté moteur, nous allons rester une réglementation similaire à celle existante, c’est-à-dire des moteurs V6 turbo avec système hybride. Mais c’est la seule chose que l’on connaît pour le moment" poursuit-il.

"On est déjà sur 2021 même si on ne connaît pas le futur règlement. Le vrai sujet que l’on a à éclaircir d’ici 2021, ce sont ces évolutions avec la FOM (Formula One Management). Il y a trois points à discuter : le ’budget cap’ (les budgets limités), la redistribution des droits, et la gouvernance."

Il attend de voir à quel point Renault pourra profiter de ce budget plafonné : "Le budget cap, pour nous, c’est positif, car toutes les équipes y viennent. Il reste à s’accorder sur le niveau de celui-ci. Aux dernières nouvelles, les grandes équipes auraient à réduire la voilure, et nous progresser un peu."

Il avoue s’inquiéter de savoir ce qui pourrait se passer d’ici-là, car la Formule 1 pourrait voir la même hiérarchie cette année et l’année prochaine, et continuer à avoir un écart entre les top teams et le peloton. A la décharge des équipes, cet écart a tout de même nettement diminué cette année.

"La question, c’est de savoir c’est ce qu’il va passer d’ici 2020. Là, ça peut poser problème. Car les équipes devant pourront encore développer trois voitures en même temps, quand nous, nous sommes déjà dans une optique des budget cap. De fait, dès aujourd’hui, les écuries du Top 3 pourraient commencer le développement de leur voiture 2021, dès maintenant, alors que nous, non."

"C’est pour cela que l’on plaide pour relâcher la réglementation le plus tard possible. Cette situation est un peu paradoxale, vous imaginez. Mais pour les autres écuries, dessiner des nouvelles voitures en mettant en place, dans le même temps, une restructuration, ça peut aussi poser des problèmes. D’où les discussions."

Il explique enfin les demandes de Renault en termes de revenus commerciaux, alors que vont débuter les négociations pour les nouveaux Accords Concorde, qui expirent à la fin de l’année prochaine : "La réglementation actuelle des droits a été décidée sans nous. À l’époque, nous n’étions plus une équipe, juste des motoristes."

"Ce qui à l’époque, aux yeux de Bernie Ecclestone, ne représentait rien. Désormais, nous revendiquons un statut à la hauteur de notre histoire, soit 42 ans de présence et plusieurs titres de champion. Une demande qui est globalement acceptée par tout le monde."

Néanmoins, Liberty Media veut changer le rapport de force entre les équipes et les organismes gouvernants, ce qui lui convient très bien : "Enfin, côté gouvernance, nous sommes plutôt tous d’accord pour que les équipes prennent plus d’importance dans les discussions avec la FOM et la FIA. Si le contexte évolue dans ce sens, ça me va."

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