Sexisme et burn-out en F1 : l’ex-stratège d’Aston Martin se livre
Bernie Collins, l’autre Bernie de la F1 !
Outre Hannah Schmitz chez Red Bull et Ruth Bescombe chez Alfa Romeo, le paddock comptait une troisième figure féminine responsable, sur le muret des stands, des stratégies de son équipe : à savoir Bernie Collins, chez Aston Martin F1.
« Comptait » car Collins a en effet quitté son rôle – pour devenir consultante à la TV, afin d’apporter son expertise indéniable.
Contrairement à nombre de ses collègues, Collins cependant ne rêvait pas de F1 depuis toute jeune. Ce sont ses études d’ingénieure qui l’ont menée à la F1 comme débouché naturel, raconte-t-elle à Racefans.
« J’ai commencé par l’ingénierie et j’ai vraiment aimé ça, mais j’ai rejoint la F1 par accident »
« Enfin, pas par hasard, mais beaucoup de gens savent qu’ils veulent travailler dans la F1, ce que je ne savais pas. »
Collins, après avoir obtenu son diplôme, signa avec McLaren. Elle commença à travailler sur les suspensions avant de se spécialiser dans la conception de la boîte de vitesses.
Et ce faisant, Collins se heurtait à nombre de préjugés.
« Les gens trouvent incroyable que vous puissiez concevoir une boîte de vitesses en tant que femme. »
« Je me souviens qu’à un moment donné, quelqu’un m’a téléphoné à propos d’un dessin que j’avais fait chez McLaren et il était clair qu’ils s’attendaient à ce que ce soit un homme qui réponde. J’ai répondu, oui, c’est bien moi. »
Collins était même parfois confondue avec... une serveuse ou une hôtesse.
« Lorsque j’étais dans le paddock, on me demandait très régulièrement de faire une tasse de thé. Je me disais que ce n’était pas du tout mon travail. Mais parfois, je me disais que j’allais le faire parce que c’était plus facile dans la vie, vous voyez ? »
Collins gagna en responsabilités par la suite chez McLaren - étendant ses compétences à la pédale d’accélération, à la performance du freinage, aux réglages du différentiel.
Mais elle décidait de quitter McLaren, notamment parce que l’équipe, sous l’ère Ron Dennis, était encore "orientée vers la culture du blâme."
« À la fin de l’année 2014, il y avait beaucoup d’affaires politiques chez McLaren. Beaucoup de gens ont été déplacés. Beaucoup de gens ont été licenciés et on m’a dit que je ne voyagerais pas sur les courses en 2015, mais que je pouvais toujours travailler à l’usine. Ce n’était pas pour moi. »
Sa nouvelle équipe fut Force India - devenue Aston Martin F1 depuis. Collins répartit ses fonctions entre performance et stratégie. Mais remplaça bien vite Randep Singh comme ingénieur chargé de la stratégie (Singh rejoignit d’ailleurs... McLaren, aussi comme responsable de la stratégie).
« Lorsque je suis arrivée, je n’avais aucune connaissance en matière de stratégie. »
Et pourtant, Collins réussit brillamment chez Force India-Racing Point. Dès 2015 en Russie : l’équipe prit un pari en arrêtant tôt Sergio Pérez, au 12e tour, durant une période de voiture de sécurité. Le Mexicain dut et sut alors boucler un relais de 41 tours, pour décrocher un podium presque inespéré.
« La décision a été prise par moi, le responsable des pneus et Tom McCullough - c’était mon patron » confie l’ingénieure.
La stratégie permit aussi à Sergio Pérez de signer son incroyable succès à Sakhir, en 2020. Notamment avec un nouvel arrêt en tout début de Grand Prix (après la voiture de sécurité au premier tour).
« En fait, j’ai eu l’impression que c’était l’une des décisions les plus faciles à prendre parce que nous avions prévu à l’avance ce que nous ferions, s’il y avait un accident au premier tour... J’ai eu tout de même droit à la petite question du muret des stands : "Es-ce que tu es sûre ?’’. Et j’ai dit oui, à 100 %. »
Le risque du burn-out
Cependant si Collins a quitté la F1 aujourd’hui, c’est en raison de son rythme effarant.
Elle cite sans hésiter l’expérience des premiers triplés de courses en 2021. Des enchaînements trop éprouvants.
« Ensuite, nous avons fait nos premiers "triple-headers". J’ai fait celui du Brésil, du Mexique et du Qatar en 2021 et je me suis assise dans la voie des stands… et j’ai pleuré après les qualifications. »
« Ma moitié m’a demandé si ça allait, ce qui s’était passé pendant les qualifications. J’ai répondu que les qualifications s’étaient bien déroulées, mais que je n’avais plus rien. J’étais brisée, j’étais tellement fatiguée. »
« Dans une équipe, on se prépare la semaine précédente, on fait le week-end de course et on fait le point la semaine suivante. En tant qu’ingénieure, vous travaillez quatre semaines d’affilée sans aucune pause. Les mécaniciens essaient de prendre un jour de congé. La plus grande pause, c’est le vol long-courrier entre deux Grands Prix. Je me suis dit que ce n’était pas une vie. »
« J’ai demandé à en faire moins et ils n’étaient pas prêts à en faire moins - il y avait des rotations où je pouvais travailler à l’usine, mais comme je l’ai dit, ce n’est pas une option pour moi. »
« Vous faites toujours autant d’heures, vous travaillez toujours aussi dur, vous ne pouvez toujours pas aller au mariage ou à l’anniversaire de vos amis. Je me suis dit que c’était beaucoup. »
Cependant, Collins ne referme pas la porte aujourd’hui à un retour en F1. Chez Aston Martin F1 ?
« J’aimerais revenir, car j’ai adoré travailler pour Aston Martin. J’aime l’équipe et j’ai vraiment apprécié mon travail de stratège. Mais je ne voulais pas faire 23 courses. »
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