L’énigme Enstone : énième transition ou perdition, l’avenir d’Alpine F1 en question

La seule marque de stabilité pour l’équipe ? L’instabilité !

7 mai 2025 - 18:20
L'énigme Enstone : énième transition ou perdition, l'avenir d'Alpine F1 en question

Hier, nous apprenions une nouvelle inattendue du côté d’Alpine F1 : Oliver Oakes a démissionné (officiellement) de son poste de directeur d’écurie avec effet immédiat, Flavio Briatore (jusqu’ici conseiller exécutif de Luca de Meo, le PDG de Renault) le remplaçant poste pour poste.

Ce matin, Alpine F1 officialisait une autre nouvelle, plus attendue cette fois-ci : le remplacement de Jack Doohan par Franco Colapinto. Mais comme Alpine F1 aime l’instabilité, l’Argentin n’a été confirmé que pour 5 Grands Prix.

Bien entendu, la démission d’Oakes a été immédiatement expliquée par un désaccord qu’il aurait eu sur le remplacement de Jack Doohan.

Face à la polémique qui montait, Flavio Briatore a publié un démenti cinglant, assurant que :

« Beaucoup de choses ont été dites dans les dernières 24 heures, associant incorrectement la décision d’Oli de démissionner à un potentiel désaccord, ou au fait que nous partageons des visions différentes. C’est complètement faux et loin de la vérité. »

« Oli et moi avons une très bonne relation et des ambitions à long terme de faire avancer cette équipe ensemble. Nous respectons la demande d’Oli de démissionner et avons donc accepté sa démission. Les raisons ne sont pas liées à l’équipe et sont d’une nature personnelle. »

« Je continuerai à être de plus en plus impliqué avec l’équipe, aux côtés d’un management solide qui est déjà en place. Nous travaillerons dur pour améliorer notre position cette saison et nous préparer pour 2026. Ci-joint, un message d’Oli à toute l’équipe. »

Dans un communiqué plus étrange encore, et qui respire plus l’opportunité que la sincérité, Oliver Oakes a précisé ceci : « C’est une décision personnelle de ma part de démissionner. Flavio a été un père pour moi et il n’a fait que me soutenir depuis que j’ai pris ce poste, tout en me donnant cette chance. »

Alpine invente la restructuration perpétuelle

Cet épisode rocambolesque n’est que la suite d’une longue série de guerres intestines et picrocholines à Enstone, dont la seule marque de stabilité semble être le goût pour l’instabilité. En somme, il faut comprendre les événements récents non comme des incidents isolés, mais comme les symptômes d’un mal plus profond et endémique.

Alors que les savants de toute l’Europe ont longtemps cherché durant la Renaissance le secret du mouvement perpétuel, Alpine F1 semble l’avoir trouvé au moins pour son haut-management. Ces dernières années, depuis l’éviction de Cyril Abiteboul, qui avait pourtant permis à Renault de s’installer solidement à la 4e place du classement des constructeurs mais avait souffert d’une communication impulsée par le directoire de Renault, nous avons assisté à une valse de dirigeants ou de PDG, avec cinq dirigeants en quatre ans, et même sept en cinq ans en comptant Abiteboul.

Qui se souvient encore de Marcin Budkowski, directeur exécutif ? De Davide Brivio, le directeur d’écurie vite placardisé ? De Laurent Rossi, le PDG d’Alpine qui avait fustigé le « dilettantisme » de sa propre équipe devant les caméras de Canal + ?

Sans compter encore sur les évictions rapides d’Otmar Szafnauer et de Bruno Famin, qui promettait à son tour de "trancher dans le vif", mais ne voulait sans doute pas lâcher le moteur Renault et a quitté le projet peu après son coup de sang au soir du Grand Prix de Monaco 2024."

"C’est simple, Alpine F1 fait tourner encore plus rapidement ses patrons que ses pilotes. Une telle instabilité est à comparer avec la stabilité qui règne par exemple chez Mercedes F1 (avec Toto Wolff) ou chez Red Bull, qui n’a connu qu’un seul directeur d’écurie, Christian Horner.

Flavio Briatore, désormais sans sous-fifre et sans excuse ?

Cette valse incessante, en tout cas pour le dernier épisode, porte une signature : celle de Flavio Briatore. Ou plutôt deux, avec celle de Luca de Meo.

Le PDG de Renault est celui qui a placé Flavio Briatore aux commandes de l’équipe d’Enstone. Et ce en tranchant nettement entre la morale et la prétendue efficacité : Flavio Briatore, pour de Meo, c’est d’abord l’homme des deux titres de Fernando Alonso, un homme à poigne nécessaire pour redresser Enstone ; mais ce n’est pas l’homme du Crashgate qui avait été banni à vie, dans un premier temps, de la F1.

En confiant les clefs de la maison Enstone à Flavio Briatore, Luca de Meo a comme donné une dernière chance à son équipe : si Flavio Briatore n’arrive pas à la redresser, il se dit que personne n’y arrivera.

Mais avec l’éviction-démission d’Oliver Oakes, Flavio Briatore se retrouve désormais sans filet. L’Italien pouvait encore rester quelque peu dans l’ombre en étant ‘simple’ conseiller exécutif du président ; Oliver Oakes était le directeur d’écurie en titre, même si tout le monde savait que les décisions stratégiques (éviction de Jack Doohan, abandon du moteur Renault pour le moteur Mercedes F1) étaient prises par De Meo et Flavio Briatore. Oakes était l’adjoint exécutant de Briatore. Au moins, désormais, la situation est clarifiée.

Mais le revers de la médaille est clair pour Flavio Briatore : il n’a plus de sous-fifre, plus de fusible, et donc plus d’excuse. En cas de mauvaises performances de Renault l’an prochain, et alors qu’il a fixé des objectifs élevés (podiums), Flavio Briatore sera en première ligne et devra assumer ses choix. Jusqu’à présent, Renault et de Meo ont toujours pu compter sur des fusibles (comme Laurent Rossi ou Marcin Budkowski), mais désormais, les rois sont nus.

À 75 ans, Flavio Briatore sera-t-il en mesure, même physiquement, d’assumer la charge mentale et physique que suppose le rôle d’un directeur de course à temps plein aujourd’hui ? Ne devrait-il pas rapidement nommer un directeur des opérations ?

Le fait que le départ d’Oliver Oakes se fasse sans qu’un remplaçant soit tout de suite nommé corrobore en tout cas la thèse que cette démission était plus subie que choisie, plus une surprise qu’anticipée. Et avec toute la meilleure volonté du monde, ce ne sera pas facile de nous faire oublier qu’elle intervient la veille de l’éviction de Jack Doohan.

Oakes, qui n’était que la marionnette de Flavio Briatore, a peut-être bien fait de quitter un navire qui semble en perdition. Son expérience comme directeur d’Hitech pourrait le rendre attractif pour une autre équipe qui recherchait un directeur d’écurie – par exemple Red Bull si Christian Horner venait à être évincé par la direction de Red Bull ?

Stratégie sportive ou financière ?

La vraie question est désormais celle-ci ; Alpine peut-elle briser ce cycle d’instabilité et retrouver le chemin du succès, ou est-elle condamnée à une gestion de crise permanente ?

Certains murmurent cependant que les résultats sportifs d’Alpine F1 ne seraient pas la priorité. Les finances plutôt que le sportif, n’est-ce pas là l’objectif ?

L’équipe, même si elle abandonne son projet moteur l’an prochain, demeure un superbe actif : et quand on connait la valeur exceptionnelle d’une équipe de F1, même en crise, dans une époque où les places sont rares et chères, la tentation de vendre l’écurie pourrait apparaitre comme tentante.

Dans cette perspective, Flavio Briatore apparaîtrait comme l’homme-lige de Luca de Meo pour assumer le sale boulot, celui de préparer le terrain à une revente. Surtout si les résultats ne sont pas au rendez-vous l’an prochain.

Quelles perspectives pour Alpine F1 ?

L’avenir d’Alpine F1 s’articule désormais autour de plusieurs trajectoires possibles, largement conditionnées par sa capacité à résoudre ses problèmes structurels et à définir une stratégie cohérente. Trois scénarios principaux se dessinent aujourd’hui :

Scénario optimiste : progrès et podiums.

Sous une direction stabilisée et l’impulsion de figures clés comme Briatore et David Sanchez (directeur technique), conjuguées à l’apport des unités de puissance Mercedes (qui pourraient être les plus performantes en 2026), Alpine pourrait initier une dynamique de progrès significatif. À terme, elle pourrait ambitionner de dominer le milieu de grille et de revenir sur les podiums.

Scénario intermédiaire  : stagnation en milieu de grille.

Malgré les restructurations, l’équipe pourrait continuer à évoluer principalement en milieu de peloton. Les performances resteraient fluctuantes, avec des résultats honorables (plus ou moins à la hauteur de Williams F1), mais insuffisants pour menacer durablement les équipes de tête. Alpine consoliderait sa place, mais sans parvenir à franchir un cap décisif.

Scénario pessimiste : déclin et revente.

Si l’instabilité managériale perdure et que les résultats ne s’améliorent pas notablement, Alpine risquerait une érosion continue de sa compétitivité et de sa crédibilité sur la grille. Cette situation pourrait accroître la pression sur Renault Group, menant potentiellement à un désengagement de la Formule 1 ou à une cession de l’écurie dans un contexte défavorable mais à un bon prix.

La situation actuelle est-elle le fond du trou avant une remontée, ou un énième soubresaut dans une histoire marquée par l’instabilité ? La question reste ouverte.

On se retrouve en LIVE à 19h30 pour parler de la situation d’Alpine, pour aborder les tribulations de Flavio Briatore et Oliver Oakes, et commenter l’échange entre Jack Doohan et Franco Colapinto. Rendez-vous sur Nextgen-Auto et sur notre chaîne Twitch !


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