Fallows fustige le règlement F1 ‘le plus complexe de tous les temps’

La F1 a-t-elle raté le coche ?

Par Alexandre C.

27 avril 2023 - 10:01

Adrian Newey était initialement sceptique sur le nouveau règlement aérodynamique de 2022 pour la F1. Depuis, l’ingénieur de Red Bull a changé d’avis, après avoir réalisé que le règlement laissait une plus grande liberté que prévu.

En revanche son ancien adjoint Dan Fallows, aujourd’hui directeur technique d’Aston Martin F1, reste sceptique sur le nouveau règlement.

Fallows (au micro du podcast "Beyond the Grid") a ainsi pourfendu en particulier la complexité des règles, qu’il s’agisse de concevoir des voitures respectant le règlement… ou de surveiller l’application dudit règlement (du côté de la FIA).

« Les règlements que nous avons actuellement ont été introduits avec les meilleures intentions du monde et en s’appuyant sur un très bon travail de recherche préalable. »

« Mais nous avons maintenant des règlements qui sont de loin les plus compliqués de l’histoire de la F1 en termes de nombre de pages. Ces règlements sont à la fois sportifs et techniques, et de loin aussi les plus compliqués à faire respecter, de sorte que le travail de la FIA est exponentiellement plus difficile qu’il ne l’a été au cours des dernières années. »

« Et je ne pense pas que cela ait vraiment été bénéfique. »

Malgré la grande diversité des concepts début 2022, la convergence des solutions et des F1 va finir par se produire, poursuit Fallows. Elle est d’ailleurs déjà en cours, plusieurs équipes ’copiant’ Red Bull. Quitte à produire des F1 monotones visuellement ?

« Comme je l’ai dit, nous avons certainement essayé, avec les meilleures intentions du monde, d’introduire des règlements pour améliorer le spectacle. Mais ce à quoi nous avons abouti, c’est à un ensemble de règlements qui vous obligent à concevoir la voiture d’une certaine manière. »

« Si beaucoup de voitures se ressemblent ou sont très, très similaires, c’est parce que les règlements vous obligent à concevoir une voiture de cette manière. Il existe un ensemble de règles incroyablement complexes pour l’aileron avant, par exemple, qui vous obligent à lui donner une forme très particulière. »

« Non seulement ces règlements sont compliqués, mais ils ne peuvent être réglementés ou jugés que par la FIA. Une partie des règlements porte donc littéralement sur la façon dont vous construisez les surfaces qui entrent dans la forme que vous avez obtenue. Dans le passé, nous avions des règlements et tant que la voiture s’y conformait, vous pouviez faire ce que vous vouliez. »

Quant à savoir si ce règlement aérodynamique laisse assez de place à l’imagination, laisse assez de liberté, la réponse de Fallows est tout aussi tranchante.

« Honnêtement, non, je ne pense pas que ce soit le cas. »

Fallows critique aussi l’aspect peu compréhensible de ce règlement pour le grand public : en réalité, des petits détails, invisibles en Grand Prix, feraient la différence, rendant difficile la compréhension de l’aérodynamique pour tout un chacun.

« Je ne peux pas nier le fait qu’il y a certainement une différence de performance entre les F1. La vérité, c’est que ces différences entre les voitures résident dans de très, très petits détails, dont beaucoup sont invisibles. Ils sont soit sous la carrosserie, soit dans des zones de la voiture qui sont très, très difficiles à voir. »

« Je ne suis pas sûr que l’on veuille vraiment que ces très, très petits détails soient le facteur de différenciation. Personnellement, je préférerais de loin voir des voitures totalement différentes, avec des formes bizarres et des idées nouvelles et innovantes. Mais je reconnais que c’est peut-être juste moi. »

« Des voitures différentes visuellement, et pas seulement dans la zone des pontons, c’est bon pour la F1. Nous avons toujours identifié, même dans les discussions que nous avons eues sur ces règlements dans le passé, qu’il ne s’agit pas seulement d’un sport dicté par les pilotes. Les gens veulent voir un sport où les voitures sont un facteur de différenciation. »

Fallows explique et excuse le manque de performance de Mercedes et Ferrari

Ce nouveau règlement aboutit quoi qu’il en soit à une domination de Red Bull pour cette année.

Fallows voit-il Mercedes et Ferrari, les deux écuries de pointe, rejoindre Red Bull au sommet bientôt ? Et finir par devancer Aston Martin F1 ?

Comment explique-t-il d’ailleurs que malgré leurs budgets, Mercedes et Ferrari aient sous-performé cette année ?

« Je ne suis pas sûr qu’ils aient sous-performé, en ce sens qu’ils ont certainement fait un bon pas en avant depuis l’année dernière. Ce n’est peut-être pas le pas qu’ils espéraient, mais je pense qu’il s’agit d’une évolution raisonnable pour la saison. »

« Le problème, c’est qu’étant donné que Red Bull était clairement l’équipe à battre et qu’elle avait une certaine avance, Ferrari et Mercedes avaient tous les deux besoin, comme tout le monde d’ailleurs, de faire un plus grand pas en avant que ce qu’ils auraient fait autrement - au cours d’une saison normale de développement. »

« Ils peuvent donc être déçus de ce point de vue, mais je ne pense pas qu’il soit juste de dire qu’ils ont sous-performé. Je pense que tout le monde s’est amélioré, c’est juste que malheureusement Red Bull a fait de même, ce qui a rendu leur travail un peu plus difficile. »

Le succès de Red Bull expliqué

Fallow peut-il donc révéler maintenant qu’est ce qui fait la clé du succès dans son ancienne équipe ?

« Je pense que ce qui rend Red Bull plus forte, c’est d’avoir passé beaucoup de temps avec une direction très claire. Depuis que Christian [Horner] a repris l’équipe et qu’Adrian [Newey] l’a rejoint peu de temps après, l’une des choses qu’Adrian a apporté à l’équipe était une direction très claire en termes de ce qu’ils veulent accomplir. »

« Dietrich Mateschitz a évidemment investi énormément d’argent et était très passionné par la F1 et ce qu’il voulait faire avec l’équipe. Mais vraiment, tout ce qu’il pouvait faire était d’utiliser au mieux Helmut Marko pour s’assurer que les équipes qu’ils avaient travaillaient de la bonne manière et qu’ils avaient des pilotes bien formé. »

« Il s’agissait de donner de l’argent et de la liberté aux gens qui pourraient ensuite se lancer dans la constitution d’une équipe comme celle-là. »

« C’est un projet qui est resté cohérent depuis l’arrivée d’Adrian et il est suivi dans son moule et ses idées depuis le début. Ils ont eu l’avantage d’un très gros budget, d’une vision très claire, de pouvoir avoir des personnes incroyablement bonnes. Nous avons mis en place une équipe vraiment fonctionnelle et bien communicante, avec des ingénieurs vraiment très motivés et talentueux qui peuvent compter sur un ensemble d’outils qui fait l’envie de la grille. »