Bottas ou Ocon ? La filière Mercedes fait face à son grand moment de vérité

Si Ocon n’est pas choisi, est-ce un arrêt de mort pour la filière de jeunes pilotes ?

Par Alexandre C.

19 août 2019 - 14:02
Bottas ou Ocon ? La filière Mercedes

Esteban Ocon ? Valtteri Bottas ? Mercedes et Toto Wolff, cet été, sont confrontés à une équation complexe : quel pilote choisir pour le deuxième baquet 2020 chez Mercedes ?

Selon le directeur de l’équipe allemande, les deux pilotes « méritent » de décrocher ce deuxième volant – le premier étant, bien sûr, réservé à Lewis Hamilton. Les données du problème sont connues : Valtteri Bottas forme un duo relativement efficace avec Lewis Hamilton ; les deux hommes s’entendent très bien ; mais le Finlandais, pour reprendre les mots de Toto Wolff lui-même, est davantage un « wingman » et, après une série de deux courses catastrophiques (Hockenheim et Budapest), se retrouve même sous la menace de Max Verstappen au championnat.

Toto Wolff pourrait être tenté de choisir la solution « de confort », en se montrant plutôt conservateur et prudent : cela reviendrait à prolonger Valtteri Bottas d’une année supplémentaire. La solution ne serait pas scandaleuse : en qualifications, Valtteri Bottas fait jeu égal cette année avec Lewis Hamilton (il l’a même devancé avec une belle avance sur le Hungaroring, un des tracés préférés du Britannique) et il a joué aussi de malchance cette saison (dans le premier tour du Grand Prix de Hongrie, si son aileron s’est abîmé, c’est surtout en raison d’une manœuvre très discutable de la Ferrari de Charles Leclerc).

Pourtant, si Toto Wolff venait à préférer Valtteri Bottas à Esteban Ocon, il pourrait mettre grandement à mal l’utilité de la filière jeune de Mercedes – jusqu’à questionner son existence même. Et cela, pour trois raisons : le signal très négatif qu’enverrait Mercedes sur la confiance accordée à sa filière de jeunes pilotes ; l’embouteillage que ne manquerait pas de créer la prolongation de Valtteri Bottas dans la filière ; enfin, la perte potentielle du bail liant Mercedes à Esteban Ocon.

Si Esteban Ocon était écarté une fois de plus, en étant, au mieux, recasé dans une écurie de milieu de grille (Renault ? Williams ? Haas ?), Toto Wolff mettrait en doute la confiance accordée à la filière Mercedes : le jeune Français est visiblement prêt pour occuper le baquet Mercedes – à entendre les propos de Toto Wolff ; dans ces conditions, l’année 2020 semble être l’année idéale pour lui, voire l’année ou jamais. Choisir Valtteri Bottas reviendrait, dès lors, à infliger un camouflet non seulement à Esteban Ocon, mais encore aux investissements passés de Mercedes dans les jeunes pilotes ; ce serait signifier la faible confiance, le peu de crédit, qu’accorderait l’état-major de Mercedes à ses jeunes pilotes maison, dans l’hypothèse où un choix pilote issu de la filière / pilote non-issu de la filière confinerait au 50/50.

A l’avenir, les jeunes pilotes tentés par l’aventure Mercedes y réfléchiront donc à deux fois : ils auront en mémoire ce mercato 2019-2020, où Mercedes préféra titulariser un pilote non-issu de la filière. Ce serait ainsi davantage une bonne nouvelle pour Red Bull et Ferrari, qui ont réussi à placer plusieurs jeunes pilotes ces dernières années en F1 (grâce à Toro Rosso d’une part, grâce à Alfa Romeo d’autre part avec Antonio Giovinazzi). La filière Mercedes perdrait en attractivité dans les années futures – et qui sait, Toto Wolff s’en mordra peut-être les doigts le jour où un immense talent, de la trempe de Max Verstappen (qui avait été un temps courtisé par Mercedes) surgirait à nouveau.

De plus, la prolongation de contrat de Valtteri Bottas créerait un véritable embouteillage dans la filière Mercedes, neutralisant les possibles recrutements de la marque allemande dans les formules inférieures. En effet, l’avenir de George Russell serait lui aussi en question : si Esteban Ocon devait patienter jusqu’en 2021, au moins, pour trouver un baquet chez Mercedes, George Russell comprendrait donc qu’il n’y aurait probablement aucune place pour lui avant la retraite de Lewis Hamilton… De fait, jusqu’en 2022, dans ce cas, Mercedes ne pourrait pas garantir à un jeune pilote (Lucas Auer ?) un baquet en F1. Là encore, ce serait une bonne nouvelle pour les filières Red Bull et Ferrari.

Dans le cas où Esteban Ocon ne serait pas titularisé chez Mercedes, la marque allemande devrait aussi logiquement considérer la possibilité de libérer le Français de toute obligation contractuelle. Toto Wolff l’a déjà annoncé, il n’osera pas « saborder » la carrière du Normand ; et si une autre écurie (Renault) désire signer Esteban Ocon à condition que Mercedes le libère, Toto Wolff ne s’y opposera pas. Du même coup, ne pas titulariser Esteban Ocon serait le perdre définitivement, alors que Mercedes a investi sur l’ancien de Force India des millions depuis des années… Rappelons que l’an dernier, Mercedes avait déjà libéré Pascal Wehrlein de toute obligation, faute de baquet compétitif disponible.

En septembre dernier – voici un solide espoir pour Esteban Ocon - Toto Wolff avait bien conscience qu’il lui faudrait bientôt prendre un choix décisif pour l’avenir de la filière Mercedes. « Nous avons des gamins très talentueux qui manquent d’opportunités, et cela est arrivé à un point où nous devons décider ce que nous ferons à l’avenir. Financer une équipe junior n’est pas une option. Dépenser 80, 90 ou 100 millions de dollars par an dans une équipe pour simplement placer un pilote, ce n’est pas ce que nous voulons. De l’autre côté, si les pilotes sont stigmatisés en tant que pilotes Mercedes, ça n’est pas la meilleure proposition. Si nous ne trouvons pas de solution pour ces gars, je remettrai le programme junior en question à l’avenir. Et on reviendra à un modèle de pilote payant. »

Une solution aurait pu sauver la situation de la filière Mercedes : l’introduction d’une troisième F1 par écurie, réservée aux jeunes pilotes. Mais notamment pour des raisons de coûts, cette hypothèse n’a jamais été envisagée pour 2021.

La filière Mercedes sera donc, ces prochaines semaines, confrontée à un moment de vérité, à un tournant décisif. L’avenir d’Esteban Ocon engage en définitive peut-être davantage que celui du Français lui-même : c’est aussi de l’avenir de la filière Mercedes qu’il s’agit.

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