Martin Donnelly se livre sur son horrible crash de Jerez en 1990
Ayrton Senna avait tenu à lui venir en aide
Durant le Grand Prix d’Espagne 1990, Martin Donnelly, qui était pilote pour l’écurie Lotus, connaissait un effroyable accident dont les séquelles mettaient prématurément fin à sa carrière en sport automobile.
C’est durant les qualifications de l’épreuve disputée à Jerez que le Nord-Irlandais se crashait violement, les images de la scène devenant tristement célèbres au fil du temps (nous vous conseillons de voir la vidéo ci-dessous avant de lire l’article).
Après l’impact, Donnelly est projeté en dehors de sa F1 et git sur le tarmac, encore attaché dans son siège de course, alors que sa Lotus est littéralement coupée en deux.
Les blessures étaient importantes et Donnelly ne pourrait plus jamais piloter une F1, bien qu’il soit devenu par la suite coach de pilote de course et, occasionnellement, commissaire de course au sein de la FIA.
32 ans après ce terrible incident, Donnelly a expliqué pour le podcast Beyond the Grid qu’il n’avait aucun souvenir du weekend de Jerez, se rappelant uniquement de la manche précédente disputée au Portugal.
"Après le Portugal, je ne me souviens pas de grand chose. Apparemment, nous avions deux scooters fournis par l’équipe et ma fiancée et moi faisions un tour de la piste."
"Lorsque vous arriviez dans les deux derniers virages du circuit, il y avait un endroit à l’arrière du paddock où vous pouviez vous asseoir. J’y avais des amis qui assistaient aux qualifications avec Robert Moreno, qui ne s’était pas pré-qualifié, et je venais juste de les passer lorsque je suis allé percuter la barrière."
"Plus tard ce jour-là, Moreno est retourné dans le paddock pour voir ma fiancée et lui dire que j’allais bien et que je m’étais simplement cassé les deux jambes. Les gens disaient ’ce n’est pas possible, le gars est mort’. Beaucoup ne savaient pas sur le moment."
"Mark Gallagher, qui est un bon ami, s’est rendu à l’hôpital de Séville pour voir le rapport et en faire part à Maurice Hamilton et aux autres journalistes du paddock qui attendaient de connaitre ma condition."
"Puis Ayrton (Senna) est venu plus tard, il était à l’extérieur de l’unité de soins intensifs et a dit à Mark qu’il voulait m’aider financièrement, trouver un avion pour que je puisse rentrer, et qu’il voulait que je le sache."
Qu’est ce qui a causé le crash de Martin Donnelly ?
Après cet accident qui mettait donc fin à sa carrière de pilote, Donnelly était convaincu qu’il ne s’agissait pas d’une erreur de pilotage. Il a donc voulu recevoir des explications sur ce qui avait provoqué son crash.
"L’équipe m’a dit à l’époque, et je ne citerai aucun nom, que nous avions légèrement surélevé la voiture."
"Il y avait un levier coudé sous la voiture. Nos amortisseurs étaient donc en parallèle, sans fibre de carbone pour les protéger, simplement clipsés."
"Le levier s’est desserré en raison de la friction du fibre de carbone. L’amortisseur avant gauche s’est cassé et, malheureusement, cela s’est produit juste au moment où je passais le virage le plus rapide en qualifications."
"Si ça avait duré une milliseconde de plus, j’aurais terminé dans le dernier virage qui avait des graviers et une barrière de pneus. Certes, ça aurait probablement été douloureux quand même, mais la voiture ne se serait pas cassée en deux."
Donnelly a été appelé à réagir sur ce qui lui faisait le visionnement des images de lui gisant sur le tarmac de Jerez.
"Je sais que c’est moi grâce au casque orange, il s’agissait de mes couleurs. Mais quand vous ne vous rappelez pas de quelque chose... j’ai piloté la voiture il y a quelques années à Goodwood (en 2011). C’était la première fois depuis l’incident."
"Nous avions prévu d’aller d’aller battre le meilleur temps sur la colline ce weekend-là, j’avais alors des pneus spéciaux. Ce n’était pas un problème puisque je ne me souvenais de rien."
"Mais, en raison de l’accident de Jerez et de ceux qui sont arrivés depuis (Donnelly se recassait la jambe en 2019 après un crash à moto), mon chirurgien m’a appris que si je cassais à nouveau cette jambe, il n’y aurait pas de troisième fois."
"Lorsqu’il réparait ma jambe pour la deuxième fois, il me disait que le problème était qu’il y avait davantage d’os sur les circuits d’Europe que dans mes jambes ! J’ai une plaque de métal qui maintient mon os. Si je tombe et que je le casse, ce sera terminé."
Comment le professeur Sid Watkins a maintenu Martin Donnelly en vie
Tout en évoquant plus en profondeur l’étendue des blessures qu’il a subies, Donnelly a évoqué les propos du professeur Sid Watkins, alors délégué à la sécurité et aux affaires médicales de la FIA, qui prévoyait d’autres complications dans les jours ayant suivi le crash.
"C’était très sérieux. Les os finissent par guérir, et Sid Watkins le savait. Il savait que l’impact de l’accident était très important. Vos organes ne restent pas immobiles, ils vont avec l’inertie."
"Je crois que mon accident était aux alentours de 42G. Il savait d’expérience que mes organes seraient en état de choc et ne fonctionneraient plus. Il était donc important que je quitte Séville et que je rentre en Angleterre pour me rendre à son hôpital, le Royal London Hospital à Whitechapel."
"J’y suis arrivé le mardi soir et, comme il l’avait prédit, le mercredi, mes reins, mes poumons, tout s’est arrêté. Je suis resté sous respirateur pendant sept semaines. J’ai subi des analyses rénales tous les jours pendant trois heures et, comme la situation semblait désespérée, l’aumônier de l’hôpital est venu me donner les derniers sacrements."
"Par deux fois mon cœur s’est arrêtée sur la table d’opération. Ils ont dû se mettre l’écart, utiliser les vieilles électrodes, me donner une secousse et me ramener à la vie. Sid m’a donc ramené trois fois."
Si Donnelly évoque trois résurrections, c’est parce qu’il avait déjà dû être sauvé juste après le crash.
"Je ne pouvais plus respirer parce que j’avais avalé ma langue. Entre l’accident et le moment où Sid est arrivé près de moi, il s’était écoulé 11 minutes. Les gens commençaient donc à dire que mon cerveau avait déjà été affecté. Je pense que ma femme serait d’accord avec ce constat !"
"Sid ouvrait ma visière et pouvait voir que j’avais tourné au bleu pâle. Il a pris deux tubes, me les a mis dans le nez, m’a stabilisé grâce à l’oxygène, a coupé les sangles puis a retiré le casque."
"Il m’amenait ensuite au centre médical puis m’envoyait à Séville. Senna a ensuite parlé avec Sid pendant deux heures et demi dans le centre médical puis Sid est monté dans une voiture pour Séville."
Une amputation de la jambe gauche évitée de très peu en Espagne
Non seulement le professeur Watkins a sauvé la vie du pilote britannique, mais Donnelly indique que c’est aussi grâce à lui qu’il possède toujours l’usage de sa jambe gauche.
"A Séville, l’amputation était très, très proche. Lorsque Sid quittait le circuit, il emmenait avec lui un jeune garçon qui pouvait parler l’anglais et l’espagnol. Pour les personnes qui travaillaient dans la salle d’opération, j’étais leur patient car j’étais au sein de leur hôpital. Mais Sid leur disait : ’Non, c’est mon patient. Je suis le délégué de la FIA et il s’agit de mon patient’."
"Ce jeune garçon, béni soit-il, s’est donc occupé de la traduction. C’était un combat à part entière avec des cris. Il était traumatisé en essayant de traduire ce que Sid tentait d’expliquer aux chirurgiens, qui disaient : ’Non, nous devons lui retirer la jambe’, en raison de la quantité de sang que je perdais."
"Sid prenait alors sa propre ceinture, la mettait autour de ma jambe pour arrêter le saignement et la sauver. S’il était arrivé une heure plus tard, ma jambe aurait disparue."
Ayant subi d’innombrables opérations chirurgicales pour sauver sa vie ou celle de ses membres, Donnelly affirme que les conséquences sont encore visibles aujourd’hui.
"Ma jambe gauche est près de 4 centimètres plus courte que celle de droite. Après environ 2000 pas, mon cerveau ne dit plus à ma jambe de se lever et je trébuche. Si ça se produit quand je suis dans un aéroport ou un endroit fréquenté, c’est embarrassant."
"Ma jambe gauche a été brisée. Le fémur a été gravement cassé, le tibia aussi, tandis que le pied est tordu et mutilé. Mon pied gauche est soudé. Je ne sens rien à partir du genou, mais c’est en revanche très sensible sous le pied. Mes orteils sont tous recroquevillés parce que les nerfs ont été endommagés. Ma jambe droite va bien."
"Mon omoplate est toujours cassée, et j’ai aussi le tympan perforé. Mes mains vont bien, rien de grave. Mais il ’agissait surtout des organes internes, et il y en a bien trop pour que je m’en souvienne."
Revenir en Formule 1 comme Niki Lauda avant lui
Si l’étendue des blessures signifiait la fin de la carrière de Donnely en F1, le Nord-Irlandais n’en avait pas conscience sur le coup et voulait faire tout son possible pour revenir à la compétition.
"J’étais à l’hôpital et je suis ensuite allé rendre visite à Willi Dungl en Autriche. C’est lui qui permettait à Niki Lauda de remonter dans sa voiture six semaines après l’accident du Nurburgring. C’était le gourou. Beaucoup de physiothérapeutes et de nutritionnistes au service des équipes de F1 étaient sous-traités par Willi lui-même."
"Je pensais que s’il pouvait soigner Niki en six semaines, il pouvait alors me soigner en deux mois, n’est-ce pas ? Je ne réalisais alors pas que ma jambe gauche était vraiment mal en point."
"En raison de fixateurs externes que j’avais dans la jambe, et parce qu’une artère éclatait en novembre car ma jambe ne bougeait pas, je suis resté sur un lit dans la même position de septembre jusqu’à février."
"Je n’ai pas été déplacé ou mis sur le côté à cause des fixateurs. Alors lorsque mon artère éclatait, ils m’amenaient d’urgence au bloc opératoire. Ils ont fait une greffe de veine de ma jambe droite pour arrêter le sang, ce qui fonctionnait. Mais ensuite, comme je ne pouvais pas bouger, ils ont collé le muscle de ma cuisse à mon fémur. C’est la raison pour laquelle je boite et ne peux plier la jambe."
Cinq ans après l’accident de Jerez, Donnelly subissait une nouvelle opération effectuée par Matt Bartlett, un ancien pilote rival, qui lui permettait d’améliorer la mobilité de sa jambe et de bouger son pied à nouveau. Mais alors qu’il pensait à un retour en sport automobile, le chirurgien lui a rapidement conseillé de se concentrer sur l’essentiel.
"Ils vous ont ramené trois fois à la vie. Vous avez une famille, une vie. Laissez tomber."
Si Donnelly a donc vu sa vie être épargnée, ce ne fut malheureusement pas le cas de son rival et ami Ayrton Senna, aux côtés de qui il pilotait en Formule Ford au sein de l’équipe de Ralph Firman au début des années 1980.
"La mort d’Ayrton en 1994 a été le dernier clou du cercueil. Il a eu une grande vie, a remporté trois tires, qui suis-je comparé à lui ? Je me suis donc concentré sur mes propres affaires."
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