‘Le dingue du premier tour’ : Grosjean n’a toujours pas digéré son surnom donné par Webber

Il évoque ses saisons chez Lotus

Par Alexandre C.

16 décembre 2023 - 15:58
‘Le dingue du premier tour' : (...)

Avec 10 podiums en F1, Romain Grosjean, l’ancien pilote Haas et Lotus-Renault, n’a certainement pas à rougir de sa carrière dans le sport.

Petit-fils d’un vice-champion du monde du ski, le natif de Genève ne se destinait pas pour autant à la F1 forcément.

Sa vocation de pilote de F1 n’est même apparue que sur le tard, voire très tard, a-t-il raconté à la FOM.

« Je le faisais juste pour m’amuser - je n’avais aucune idée si j’allais réussir à arriver jusqu’à la F1. Quand j’ai commencé à gagner en GP2, je me suis dit qu’il y avait une chance que j’y arrive. »

Vainqueur de la F3 en 2007, du GP2 Asia en 2008, Romain Grosjean menait, en 2009, le GP2, quand il avait alors reçu un appel de l’équipe Renault...

« J’ai reçu un coup de fil après le GP d’Allemagne : "Tu es dans la voiture pour Budapest". »

« Puis le lendemain, j’ai reçu un appel : "Nous donnons une dernière chance à Nelson [Piquet Jr]". Puis on m’a appelé pour me dire que je serais dans la voiture à Valence. Nous n’avions pas de simulateur, je ne m’étais jamais assis dans la voiture, je n’avais même pas fait de test aérodynamique sur cette voiture. Et on me lance directement sur un circuit urbain pour commencer la Formule 1 ! »

La R29 n’était toutefois pas une voiture facile à dompter, et Fernando Alonso était bien sûr un redoutable coéquipier...

« J’ai fait quelques erreurs, mais je ne pense pas que je me sois trop mal débrouillé. Le but, c’était de faire sept courses pour préparer 2010. Malheureusement, je faisais partie des meubles que le nouveau propriétaire a en quelque sorte enlevés lorsqu’il a acheté la maison ! »

Renault fut en effet vendue à Genii Capital, et Petrov arriva pour remplacer Romain Grosjean.

De pilote à chef cuisinier ?

Pour le Français, son futur ne s’écrivait plus alors sur les pistes, mais derrière les fourneaux.

« C’était le 31 janvier 2010. »

« J’ai pris mon sac à dos dans mon appartement à Genève, j’ai sauté dans le train, je suis allé à Paris où vivait ma petite amie, aujourd’hui ma femme, et je ne suis jamais retourné à l’appartement ! Je suis allé faire une journée portes ouvertes pour une école de cuisine. Je voulais faire autre chose. J’ai essayé [de rester en F1], mais il n’y avait pas vraiment de place et il n’y avait pas vraiment d’opportunité. »

Cependant Romain Grosjean fit bien son retour en F1 : en 2012, dans la même équipe Lotus.

Ses débuts furent en fanfare : 3e place en qualifications en Australie, podium à Bahreïn...

« Les gens ont oublié que je n’étais qu’un rookie. »

« Nous allons en Espagne, je fais le meilleur tour et finis 4e, puis nous allons à Monaco, j’étais très rapide, mais j’ai rencontré Michael [Schumacher] au départ. Ensuite, nous allons au Canada, où nous terminons deuxièmes, puis à Valence. »

« C’était presque trop rapide. Ensuite, à Valence, je n’ai pas gagné. Puis les choses se sont dégradées parce que j’ai tellement essayé de gagner - au lieu d’accepter que la quatrième, la cinquième, la deuxième ou la troisième place était suffisante. Je voulais juste gagner. C’est pourquoi je pense que Spa est arrivé. »

À Spa, Romain Grosjean connut un nouvel incident du premier tour, en manquant de ‘décapiter’ Fernando Alonso... Il fut alors surnommé, par Webber, le dingue du premier tour ; et surtout, fut banni pour une course, une sanction extrêmement rare en F1.

« Spa était une erreur, j’accepte la pénalité, mais je pense qu’elle est beaucoup trop sévère. »

« Je n’en suis pas fier, mais cela fait partie de l’histoire. Je me souviens avoir envoyé un message à Fernando : "Désolé, je suis content que tu ailles bien". Il m’a répondu : "La sanction est trop sévère, tu vas rebondir". D’un autre côté, ce n’était pas agréable de voir arriver Mark (qui l’avait qualifié de "dingue du premier tour"), je veux dire que nous faisons tous des erreurs et qu’il en a fait quelques-unes. Oui, c’était difficile. »

« Ensuite, vous entrez dans cette mauvaise spirale où vous devez être performant, mais vous avez tellement de pression et vous n’avez pas le droit à l’erreur. Vous êtes dans le collimateur. Vous vous retrouvez dans une situation dont il est presque impossible de sortir. C’est comme être dans une vague ou une machine à laver et essayer d’en sortir. Et à chaque fois que vous essayez de vous en sortir, la machine vous repousse vers l’intérieur. Et c’est tout simplement difficile. »

Romain Grosjean sut pourtant se relever de ces épreuves : en 2013, il fut encore plus performant, enchaînant les podiums et passant proche d’une victoire aussi.

« J’ai retrouvé ma confiance. Je me suis crashé plusieurs fois, oui, mais à chaque fois que j’ai pris la piste, j’ai été rapide. »

« Troisième au Japon, deuxième à Austin, troisième en Corée, troisième en Inde, je n’ai jamais gagné de course. J’aurais dû en gagner trois : Valence 2012, Nurburgring 2013, mais il y a eu la voiture de sécurité. Et au Japon, si nous n’avions pas copié la stratégie de Red Bull, où nous avons un peu paniqué, nous aurions probablement gagné cette course. Mais il y a beaucoup de pilotes qui peuvent en dire autant - et je n’ai jamais vu une Red Bull [alors que Sebastian Vettel écrasait la F1, ndlr] avoir un abandon devant moi. C’est comme ça. »

2014, la désillusion

Cependant l’ambiance changea du tout au tout chez Lotus-Renault en 2014 : les finances étaient à sec et l’unité de puissance française très peu compétitive…

La E22 avait même manqué le début des essais hivernaux. Eric Boullier prit aussi la porte, laissant Romain Grosjean dans l’embarras.

« Je ne savais pas vraiment qui je devais soutenir et je ne l’ai pas fait de la bonne manière. Les ingénieurs anglais rejetaient la faute sur le moteur, les ingénieurs français sur le châssis. Je me suis retrouvé un peu au milieu de ce combat. »

L’année d’après, en 2015, grâce notamment à un changement de moteur pour Lotus (qui était passée du moteur Renault au Mercedes), Romain Grosjean put monter sur ce qui restera son dernier podium en F1 : à Spa. Et là encore dans des circonstances rocambolesques...

« La voiture a été terminée avec du ruban adhésif et il a fallu déterminer quelles étaient les pièces les plus sûres et les moins utilisées pour les monter sur la voiture. Il s’agissait de savoir ce qu’il nous restait : quel fond plat nous restait-il ? Lequel est le moins [usagé] ? Au Japon, nous n’avions pas l’hospitalité parce que nous ne payions pas, j’ai dû faire mon interview sous la pluie, dehors. »

« Mais nous ne nous sommes jamais plaints. Nous nous sommes simplement serré les coudes. Chaque fois que nous allions courir, c’était bien, mais je sentais aussi que chaque évolution que nous apportions, là où nous le pouvions, n’allait pas dans la bonne direction. Et je ne savais pas si Renault allait racheter l’équipe, mais même si c’était le cas, ils n’auraient pas eu le temps de faire progresser l’équipe. »

Alpine F1 Team - Renault

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