Tavares : Alpine suscite un fort taux d’émotion

"Il a fallu du temps pour se décider à relancer la marque"

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8 avril 2013 - 08:15
Tavares : Alpine suscite un fort (...)

Discuter une heure à la machine à café avec Carlos Tavares n’est pas forcément chose courante, surtout quand il s’agit de parler de sa passion pour le sport automobile. C’est pourtant ce que nous avons fait lors des Coupes de Pâques de Nogaro où le Directeur Général Délégué aux opérations de Renault avait troqué son costume cravate de la semaine pour la combinaison de pilote d’une monoplace GP2 du Clementeam Racing évoluant en XL Formula. Présent chez Renault depuis 1981, Carlos Tavares a débuté comme ingénieur tenue de route au centre d’essais d’Aubevoye. On l’a ensuite vu chez Nissan avant de revenir au sein de la marque au losange en 2011. C’est aussi lui qui a œuvré pour le retour d’Alpine en Endurance après avoir poussé pour l’arrivée de Nissan comme motoriste en LMP2. Un entretien privé avec Carlos Tavares s’est imposé peu de temps après être descendu de sa monoplace GP2.

Laurent Mercier : Votre amour de la compétition automobile remonte à longtemps ?

Carlos Tavares : « Depuis mon plus jeune âge ! Cela fait trente ans que je baigne dans la compétition automobile et je roule depuis sans interruption depuis 1983 avec sept à huit meetings par an. J’ai débuté par le rallye cartographique en 1983 avant de passer en Championnat d’Europe de 1983 à 1993, aussi bien au volant de Renault 5 GT Turbo, Renault 21 Turbo GrA et Renault Clio 16S GrA. Je me suis ensuite orienté vers le circuit avec une Renault Clio GrA puis une Dallara F3 avant de passer à la Renault Megane Maxi et de multiples titres à la clé. A l’âge de 43 ans, je suis passé à la monoplace avant de m’expatrier au Japon chez Nissan durant cinq ans. En 2009, j’ai migré aux Etats-Unis pour deux ans tout en poursuivant la compétition avec les championnats Euroboss et Boss GP. J’entame ma troisième saison avec cette GP2. »

Avec une GP2, on est loin d’une Megane Maxi. Ce n’est pas trop physique à piloter ?

« On s’y fait avec le temps (rires). C’est une voiture qui demande beaucoup sur le plan du freinage. J’ai plutôt une culture d’une voiture fermée après vingt ans de compétition automobile. Ce n’est que maintenant que je trouve toute la quintessence du sport automobile. Il ne faut surtout pas surpiloter ou en rajouter. Tout est dans la souplesse. »

Pour en venir à l’actualité, vous faites partie des acteurs majeurs du retour d’Alpine en sport automobile. Une belle réussite sur le plan personnel...

« Il a fallu du temps pour se décider à relancer la marque. A Noël 2011, un ami m’a offert un livre sur l’histoire d’Alpine et tout est parti de là. Nous nous sommes penchés sur les raisons des échecs précédents et il fallait partager le ticket d’entrée avec quelqu’un. J’en ai alors discuté avec Tony Fernandes (ndlr : Caterham) et nous avons trouvé un terrain d’entente en utilisant un châssis identique. C’est comme cela que nous avons relancé la marque. Il y a eu le concept A110-50 avant la remise sur pied de la marque en novembre dernier. Le Rallye Monte Carlo Historique a permis de démontrer si besoin en était la ferveur populaire qu’est Alpine. J’ai passé une semaine inoubliable sur ce dernier Monte Carlo. Alpine suscite un fort taux d’émotion. L’intérêt est bien là ! Maintenant c’est un retour en Endurance via la structure Signatech de Philippe Sinault. »

Ce retour n’est qu’une première étape ?

« Alpine a commencé à avoir des problèmes au moment où la marque a voulu faire comme les grands. Alpine a toujours été un outsider et les autos ont toujours été faites avec beaucoup d’intelligence et de frugalité ingénieuse. Ne pas gaspiller les moyens humains et financiers, voilà quelle était la feuille de route. Il fallait faire beaucoup avec peu de moyens. Renault est allé en Formule 1 et Alpine en Endurance. La catégorie LMP2 est une étape logique pour Alpine car que les choses soient claires, nous n’avons pas les moyens pour lutter face à Audi, Porsche ou Toyota. On a pu voir que la catégorie LMP2 était très compétitive la saison passée. Les 24 Heures du Mans ont permis de voir une course de 24 heures disputée au rythme d’un Grand Prix de Formule 1. C’est très bien pour nous d’être présent et nous sommes ravis de faire cela avec la structure de Philippe Sinault. Le fait que l’on soit engagé avec Alpine a permis de fédérer des partenaires. Je serai présent à Silverstone pour supporter Alpine. L’Endurance n’est pas une discipline facile et Le Mans le montre bien. Faire 12 heures, c’est dur ! Mais il en faut encore 12 autres pour rallier l’arrivée. Nos moyens sont limités mais nous avons persistance, persévérance et ingéniosité. On prépare aussi la Berlinette du XXIème siècle. »

Les mauvaises langues disent que ce retour n’est que du pur marketing. Vous leur répondez quoi ?

« Toutes les marques font du marketing. Jusqu’en 2016, Alpine ne dégage aucune recette. Il faut savoir être raisonnable, surtout dans le contexte économique actuel. Il faut que les gens comprennent l’aventure humaine. Nous pourrons faire bien plus si il y a des recettes. Il y a de la pression positive chez Signatech et j’ai hâte d’être au Mans. Les fans vont revoir des couleurs mythiques sur un prototype. »

En 2014, Nissan occupera le 56ème Garage aux 24 Heures du Mans. Compte tenu de l’alliance Renault-Nissan, pourrait-on voir la marque française reprendre le bébé ?

« Cette initiative est purement à mettre au crédit de Nissan. Les fans vont se réjouir du retour rapide de la marque. Là aussi il y a de la frugalité ingénieuse. »

Par les temps qui courent, le sport automobile a-t-il encore sa place chez un constructeur ?

« Le sport automobile est fondamental pour alimenter les valeurs d’une marque. Renault a battu d’illustres constructeurs comme Ferrari ou Mercedes. Cela veut dire beaucoup sur la qualité de nos ingénieurs. C’est la même chose sur nos moteurs. Il nous appartient de véhiculer ces valeurs à nos clients. On communique sur les valeurs technologiques, humaines, mais aussi sur la fiabilité. »

Carlos Tavares sera bien à Silverstone dans quelques jours pour suivre de près l’Alpine LMP2 mais aussi les prototypes motorisés par Nissan. Le mois prochain, on le retrouvera à Imola pour le meeting XL Formula qui se tiendra en support de l’European Le Mans Series et du GT Tour. Sa présence aux 24 Heures du Mans ne fera aucun doute et on ne peut que vous inciter à aller à sa rencontre pour parler sport automobile. Vous découvrirez un vrai passionné et une personne attachante avec qui vous ne verrez pas le temps passer.

Propos recueillis par Laurent Mercier

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