Quel pilote de F1 a le plus marqué Newey ?
Il y en a en tout cas un qui a été sous-estimé
Adrian Newey, lors de sa longue et riche carrière, a permis à nombre de pilotes de remporter des titres au championnat du monde. Sept au total : Nigel Mansell, Alain Prost, Damon Hill, Jacques Villeneuve, Mika Hakkinen, Sebastian Vettel et aujourd’hui Max Verstappen
Pour le podcast "Beyond the Grid", Newey a été invité à s’exprimer sur sa relation avec chacun de ces grands noms de la F1.
Y a-t-il un pilote qui se dégage en particulier de l’ingénieur de Milton Keynes ?
« Ils sont tous si différents. Si j’en choisis un, je fais du favoritisme et des distinctions. Je ne pense pas que ce soit juste. Tout champion du monde est clairement un grand pilote. »
« Tous ces gars sont très différents dans leur caractère et dans leur construction. Certains d’entre eux ont une très grande confiance en eux et c’est l’une de leurs clés, mais ce n’est pas le cas de tous. La première chose qu’un coéquipier veut faire, surtout s’il est jeune ou ambitieux, c’est montrer qu’il est le meilleur et il arrive probablement en pensant qu’il est le meilleur, ce qui peut alors détruire la confiance en soi d’un pilote ou autre. »
Bernie Ecclestone a affirmé que tout récemment, dans son panthéon personnel, Max Verstappen avait pris la place d’Alain Prost au sommet.
Newey ferait-il aussi de Max Verstappen le meilleur pilote avec lequel il a travaillé ? Comment expliquer que le Néerlandais écrase toute concurrence chez Red Bull ? Après Pierre Gasly et Alexander Albon, on voit désormais Sergio Pérez perdre pied...
« En effet, Max a un talent incroyable. Et Alex Albon a eu du mal à accepter la rapidité de Max, comme auparavant Pierre Gasly, un autre exemple. Si vous avez deux coéquipiers, dont l’un est exceptionnel et l’autre brillant, mais pas tout à fait au même niveau, l’autre [le pilote le moins bon] doit être quelqu’un qui, à un moment donné, acceptera qu’il ne peut certainement pas battre Max sur le plan du rythme. »
« Il doit trouver un autre moyen. Et c’est déjà arrivé dans l’histoire. »
« Prenez le duel entre Niki Lauda et Alain Prost. Alain a toujours été le pilote le plus rapide, mais Niki a réussi à gagner un championnat. On pourrait probablement dire la même chose du duel entre Nico Rosberg et Lewis Hamilton. »
Faut-il alors qu’une équipe de F1 ait clairement un pilote numéro 1 et un pilote numéro 2 ? Comme chez Red Bull d’ailleurs aujourd’hui... Mais comment éviter alors que l’ambiance ne se dégrade dans l’équipe ?
« C’est difficile à gérer, c’est certain. Il y a des pilotes qui seront heureux de se battre entre eux sur la piste, mais qui ne le feront pas dans le garage. D’autres pilotes en feront peut-être un jeu politique. C’est là que le bât blesse. La politique est une force tellement destructrice qu’elle absorbe l’énergie de tout le monde. »
Quel est l’effet de l’âge, de l’expérience, sur ces bisbilles politiques au sein de chaque équipe ? Newey prend un exemple qu’il n’a cette fois pas vécu de l’intérieur, la guerre civile chez McLaren entre Fernando Alonso et Lewis Hamilton en 2007…
« Fernando est l’un des plus redoutables compétiteurs de tous les temps et il est connu pour ne pas s’entendre très bien avec ses coéquipiers. Si Lewis était de nouveau aujourd’hui opposé à Fernando, Fernando, avec toute l’expérience qu’il a maintenant, serait-t-il différent du Fernando contre Lewis en 2007 ? C’est une question intéressante. Fernando serait différent maintenant. »
Damon Hill, un pilote sous-estimé ?
Newey est enfin revenu plus en détails sur le cas de Damon Hill.
Pour l’ingénieur britannique, qui officiait alors chez Williams, la saison 1994 de Hill (qui prit le rôle de pilote numéro 1 à Grove, après le décès de Senna) était plus réussie encore que la saison 1996 (Hill fut sacré contre Villeneuve cette année-là). Pourquoi donc ?
« Oui, pour être honnête, nous étions une équipe brisée en 1994. Les quatre premières courses avaient été mauvaises, les voitures étaient très difficiles à conduire et pas terriblement fiables, donc en tant que champions du monde en titre, nous n’étions pas là où nous pensions être. Ensuite, les événements d’Imola ont été un choc pour nous tous. Cela peut paraître stupide à dire, mais je n’avais jamais pensé à ce qui se passerait si quelqu’un était gravement blessé ou mourait dans une voiture dont j’étais responsable. »
« Ce qui s’est passé ce week-end-là remet tout en question. Il y a eu toute l’autopsie pour essayer de comprendre ce qui s’est passé, ce qui a causé l’accident, il y a eu les accusations d’homicide involontaire qui pesaient sur nous, c’était donc une période très difficile. »
« Patrick Head se posait également les mêmes questions. Il est intéressant de noter que Damon se trouvait exactement dans la même situation que son père lorsque Jim Clark est décédé. Mais c’était beaucoup plus extrême pour Damon, car il n’en était qu’à sa deuxième saison en Formule 1 et il était désormais le leader de l’équipe. Je pense que sa force intérieure et son courage pour faire avancer les choses à partir de là étaient tout à fait extraordinaires. Il devait faire avancer l’équipe. Et il a lutté pour le titre jusqu’au bout de la saison, je pense que c’est une performance phénoménale. »
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