Ciao la démocratie ? Ben Sulayem voudrait verrouiller sa réélection à la FIA

La Fédération devient-elle une démocrature ?

14 mai 2025 - 00:18
Ciao la démocratie ? Ben Sulayem voudrait verrouiller sa réélection à la FIA

Mohammed Ben Sulayem a-t-il peur de Carlos Sainz Senior ? Alors que le père du pilote Williams F1 a annoncé sa candidature concurrente pour l’élection à venir (en décembre), à la tête de la FIA, le Président en place entendrait prendre une série de mesures tendant à verrouiller sa réélection, et à barrer la route à ses potentiels challengers.

Visiblement très bien informée (sans doute Mohammed Ben Sulayem lancera-t-il prochainement une chasse à la taupe à la FIA, place de la Concorde), la BBC révèle ainsi que le Président en place a modifié plusieurs règlements décisifs pour renforcer son autorité… et asseoir sa réélection.

Des propositions d’amendements qui feront l’objet d’un vote lors d’une Assemblée Générale de la FIA le mois prochain.

En résumé, ces suggestions de MBS prévoient notamment d’avancer la deadline pour soumettre une candidature à la présidence de la FIA, d’accorder à Ben Sulayem le pouvoir d’écarter d’éventuels rivaux pour des raisons assez floues d’éthique, et de lui conférer une influence accrue sur la désignation des membres du Sénat de la FIA.

Tenus par un accord de non-divulgation qui avait provoqué la démission de David Richards, un vice-président de la FIA, les opposants à Mohammed Ben Sulayem ne peuvent pas critiquer publiquement de telles décisions !

C’est donc de manière anonyme que plusieurs détracteurs ont témoigné auprès de la BBC… De quoi rafraîchir encore l’ambiance à la FIA.

Une source a ainsi indiqué à la BBC : « La plupart des propositions visent une sorte de consolidation du pouvoir, un contrôle plus centralisé et une tentative d’éliminer les contre-pouvoirs indépendants. »

Un autre opposant à Mohammed Ben Sulayem a qualifié le document soumis de « très habilement rédigé ».

« Il adopte une posture morale très élevée », a-t-il poursuivi. « Ou du moins, il en donne l’apparence. Alors que la réalité est probablement moindre. »

En décembre dernier, M. Ben Sulayem avait déjà été la cible de critiques concernant des changements statutaires décrits comme une "concentration préoccupante du pouvoir" par l’un des clubs membres de la FIA.

Nouvelles règles liées à l’éthique… pour écarter Carlos Sainz Senior ?

La suggestion la plus sujette à controverse concerne une clause stipulant qu’il « ne doit rien y avoir dans le dossier des candidats se présentant à l’élection en tant que membres de la liste présidentielle qui remette en cause leur intégrité professionnelle. »

Sur le papier, tout semble aller bien… Cette addition est justifiée par l’absence actuelle d’un tel critère d’éligibilité dans les statuts et règlements internes de la FIA. Il y est mentionné que cela devrait être intégré aux conditions d’une campagne présidentielle à la FIA "par souci de cohérence", étant donné que ce critère s’applique déjà aux candidats pour d’autres instances de la FIA, comme le comité du plafonnement des coûts en F1, ainsi que les comités d’audit et d’éthique.

Le diable est dans le détail. Certes, l’examen des candidatures et de leurs équipes, qui sont rigoureusement définies, est du ressort du comité des nominations de la FIA. Mais en cas de problème, ce comité fait remonter les dossiers au comité d’éthique de la FIA. Or… ces deux comités sont sous l’influence du président de la FIA et de ses partisans, suite aux modifications statutaires introduites par Ben Sulayem l’an passé.

Le comité d’éthique doit lui-même respecter son propre code. Et celui-ci énonce que les entités de la FIA « doivent éviter tout conflit d’intérêts et doivent divulguer toute situation qui pourrait conduire à un tel conflit ».

L’excuse du conflit d’intérêts est ainsi facilement trouvée. Étant le père de Carlos Sainz Junior, le pilote Williams F1, Carlos Sainz Senior se retrouverait donc en conflit d’intérêts pour le comité d’éthique. Qui pourrait donc assez aisément refuser sa candidature pour cette raison, l’empêchant de se présenter.

Un Sénat de la FIA à la botte de Mohammed Ben Sulayem ?

Ce n’est pas tout. C’est même loin d’être tout.

Mohammed Ben Sulayem a également suggéré des modifications pour désigner les membres du Sénat de la FIA, l’organe qui supervise la FIA conjointement avec le président.

Aujourd’hui, le Sénat est formé de 16 membres, dont 12 sont statutairement désignés comme représentants du président, de son équipe, et des membres des deux conseils mondiaux (sport, et mobilité et tourisme).

Les quatre autres membres sont actuellement "proposés" par le président et "confirmés par" les 12 autres sénateurs. Désormais, Ben Sulayem propose que le président "nomme" ces derniers membres, sans le contrôle des autres sénateurs. Bref, il veut prendre la main sur 75 % du Sénat !

La justification avancée pour ce changement est de permettre « plus de flexibilité pour disposer de l’expertise requise pour les sujets nombreux et variés qu’il doit traiter et qui peuvent nécessiter une décision urgente ». Toutefois, les statuts de la FIA comportent déjà l’article 18.4, qui semble régler ce point, en autorisant le Sénat à « d’inviter d’autres membres à se joindre à l’étude de questions spécifiques » comme le relève la BBC.

Une source a ainsi déclaré : « C’est une manière commode de déguiser un moyen par lequel ’je peux potentiellement me débarrasser de ces personnes quand cela me convient’. »

Une autre proposition vise à ce que le mandat de quatre ans des membres des comités d’audit, d’éthique et des nominations coïncide avec celui du président. Le document précise qu’actuellement, ces mandats « ne commencent pas nécessairement en même temps que celui des membres de la liste présidentielle ». La raison invoquée pour cette modification est « d’assurer la cohérence entre les mandats et de regrouper ces élections ».

Cependant, les critiques estiment que cette mesure offre également « moins d’options de dissidence en dehors d’un cycle présidentiel ». Les présidents des comités seraient ainsi plus dépendants du Président de la FIA, étant élus en même temps que lui.

Changements au Conseil Mondial

M. Ben Sulayem suggère également de revoir la composition du Conseil Mondial du Sport Automobile, l’organe législatif de la fédération. Les règles en vigueur exigent que 21 des 28 membres soient de nationalités distinctes. M. Ben Sulayem propose, au nom de la "flexibilité", qu’il n’y ait « pas plus de deux membres de la même nationalité parmi les sept vice-présidents et les 14 membres élus ».

Le document indique que la règle actuelle pourrait priver la FIA de « candidats d’autres horizons dont l’expérience et les qualités pourraient également être bénéfiques au Conseil dans l’accomplissement de ses missions ». Un opposant soutient que cela accroît la capacité de M. Ben Sulayem à « remplir le Conseil avec les personnes qu’il souhaite ».

En bref, là encore, Mohammed Ben Sulayem veut remodeler les instances de la FIA à sa botte.

Une élection avancée pour barrer la route aux adversaires ?

Dernière mesure poussée par Mohammed Ben Sulayem : avancer la deadline de la soumission des candidatures à la présidence. Celles-ci devraient être déposées non pas 21 jours avant le scrutin, en décembre, mais 49 jours avant.

La justification fournie est que le délai actuel « laisse très peu de temps au comité des nominations pour vérifier l’éligibilité des 11 candidats (pour une équipe présidentielle) proposés dans une liste donnée. »

Les critiques soutiennent que cela pourrait accorder plus de temps au Président pour que le comité des nominations trouve des motifs d’exclusion de candidats et des membres de leur équipe (donc de Carlos Sainz Senior).

Même si la FIA devra ratifier ces changements lors d’une Assemblée générale, le mois prochain, la manœuvre de Mohammed Ben Sulayem, telle que rapportée par une BBC très bien informée, est claire : faire place nette pour être réélu.

Visiblement, Ben Sulayem n’aime ni la concurrence, ni la démocratie. En revanche, il aimerait bien être réélu.


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