Ralf Jüttner, Audi : Les échappements soufflent ... quelque part !

L’innovation de la R18

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10 mai 2013 - 12:14
Ralf Jüttner, Audi : Les échappements

Rien qu’au bruit, on sait que quelque chose de majeur a changé entre 2012 et 2013 sur l’Audi R18. Désormais, elle souffle... Rien que par la fréquence de ses arrêts aux puits, on sait que quelque chose de majeur a changé entre 2012 et 2013 sur l’Audi R18. Désormais, elle est gloutonne. Après avoir été chatouillée par TMG pour sa première année en endurance, l’équipe Audi Sport a sonné le tocsin. Et sous une robe qui n’a finalement guère changé malgré l’arrivée de la fameuse « Long Tail » au patronyme un peu galvaudé, la technique a beaucoup évolué.

Un point intriguait les techniciens depuis de longues semaines dès que les premières photos de la R18 Spec 2013 ont envahi la toile. Ou débouchent donc les échappements ? Visiblement, l’unique sortie centrale de 2011 et 2012 avait disparu et les premières rumeurs d’un diffuseur soufflé s’étaient matérialisées. Dès les premiers essais libres des 6 Heures de Spa, il apparaissait évident que le son des R18 était désormais très différent : une sorte de souffle. Il était dès lors évident que le fameux diffuseur soufflé était une réalité. Mais, comme le précisait Ralf Jüttner, le team-manager d’Audi Sport Team Joest lors d’un point avec la presse, il est interdit réglementairement, de faire déboucher les gaz d’échappements dans le diffuseur. Ralf se contentait alors de préciser que « les échappements sont très différents de l’an passé. Ils débouchent... quelque part ! »

Et malgré la bonne humeur ambiante, impossible de lui en faire dire plus. Un mutisme étonnant surtout lorsque l’on constatait, juste avant le warm-up, que les trois R18 étaient posées sur leurs chandelles, devant leur stand et dépourvues de roues. Certes les mécaniciens étaient à proximité des autos mais il était malgré tout aisé de contempler les passages de roue et en se baissant un tant soit peu, de distinguer la sortie des échappements en amont et en aval de l’axe des roues arrière. Cette sortie se fait donc bien dans le passage de roue vers le bas et l’extérieur du véhicule, c’est à dire en direction du pneumatique. L’une des explications possibles de ce positionnement de la sortie d’échappement est d’éviter une trop grande interaction entre l’air sous pression présent dans le passage de roue et le diffuseur. Donc le diffuseur ne serait pas directement soufflé mais en quelque sorte étanché et rendu donc plus efficace. Cette hypothèse reste à prendre avec des pincettes... Toujours est-il que cette innovation en endurance, contribue certainement, pour partie, à accroître les appuis aéros dont dispose l’Audi. Ce qui peut expliquer sa supériorité dans le secteur 2 de Spa.

Mais ce qui explique aussi cette supériorité, c’est certainement une puissance supérieure du V6 turbo-diesel Audi sur le V8 essence atmo de Toyota. Qui dit plus de puissance dit aussi plus d’appuis aéros pour une Vmax inchangée. Nous avions déjà constaté un incroyable retournement de tendance à Silverstone en ce qui concerne l’autonomie comparée des R18 et TS030. Soudain, « l’essence » parvenait à rester en piste avec un plein bien plus longtemps que la « diesel ». Ralf Jüttner confirme que « nous avons opté pour une approche totalement différente cette année avec le département moteur d’Audi Sport. Nous avons dû faire face à une réduction de nos brides de 2,5% et nous avons cherché à compenser cette perte. De plus, l’an passé, l’ensemble des paramètres de combustion étaient vraiment optimums avec les brides dont nous disposions. Avec ces brides plus petites, nous nous retrouvons dans une zone de cartographie moins efficiente. Si nous avions conservé les paramètres de l’an passé ce que nous aurions pu faire, nous aurions perdu trop de puissance. Nous avons considéré que la meilleure option, quitte à sacrifier la consommation en carburant, était de maintenir le niveau de puissance. » Il se murmure même que la puissance des R18 auraient carrément grimpé en flèche. Voilà qui explique de plus fréquents passages à la pompe.

Dès lors, qu’en sera-t-il au Mans de l’autonomie des R18 ? Ralf avoue qu’il « est très possible que nous ne tenions pas en piste aussi longtemps que l’an passé. Nous faisions des relais plus courts que Toyota à Silverstone et nous sommes dans le même cas ici à Spa. Donc nous pourrions tout à fait perdre un tour au Mans. » Et pour appuyer sa démonstration, Ralf explique que « le circuit du Mans est très long. Avec l’augmentation de notre consommation, nous pourrions tout à fait nous retrouver avec une autonomie variant entre 10,1 tours et 10,9 tours. Dans les deux cas, cela ne fait que 10 tours... En jouant sur une stratégie moins agressive, nous pourrions peut-être passer à 11,1 tours soit 11. Mais il reste à savoir si nous ne perdrions pas trop en performance. »

N’ayons aucun doute, les simulations informatiques que réalisent les équipes sont particulièrement pointues de nos jours. Elles leur permettent de balayer à l’avance, un grand nombre de stratégies moteurs différentes et d’en comparer les effets. Audi Sport doit savoir avec une précision assez importante le nombre de tours que ses R18 seront capables d’aligner avec un plein dans la Sarthe. Il est toutefois troublant de constater que Ralf donne un exemple basé sur 10 tours. L’an passé, les R18 en alignaient 12, elles en perdraient donc 2 ? Aveu involontaire en vue des prochaines 24 Heures ou lapsus sans conséquence ? Optons pour la seconde solution et tablons sur une autonomie de 11 boucles pour les R18.

L’an passé, avant Le Mans, l’une des inquiétudes de Ralf Jüttner venait de la tenue des pneus avants. Lors des 24 Heures, les R18 n’avaient jamais pu mieux faire que des triple relais. Ralf apporte une information à ce sujet : « nous n’avions pas réellement de problème avec les pneus mais avec les jantes, en fait. Des petites pierres venaient se coller à l’intérieur et finissaient par venir toucher les freins ce qui provoquait leur échauffement. Nous étions alors obligés de changer les roues mais la raison en était les jantes, pas les pneus. Par contre, il est vrai que sur les autres circuits, nous subissions très souvent une chute de performance à la moitié du deuxième relais. »

Fait qui ne s’est pas manifesté à Silverstone ou à Spa. « Oui et pourtant, à Silverstone, nous utilisions les pneumatiques 2012. » Bref, la R18 Spec 2013 dégrade moins ses pneumatiques que sa devancière et « cela ne doit pas grand-chose au fait que nos relais sont un peu plus courts que l’an passé du fait de notre autonomie réduite. » Encore une fois, il faut probablement y voir les effets bénéfiques d’un appui aéro supérieur qui permet aux pneus de travailler dans de meilleures conditions et de moins se dégrader. Et ce n’est pas la chaleur des gaz d’échappements, pourtant soufflés en direction du pneumatique arrière, qui change quoi que ce soit à cela...

Le point faible de la R18, comparativement à la TS030 l’an passé, venait du système hybride. Il a donc été sérieusement revu. « Globalement, il s’agit du même système que l’an passé mais sur lequel, tous les éléments sans exception, ont été retravaillés. Roue d’inertie, moteur électrique, moto-générateur (MGU), tout a été revu. Nous pouvons maintenant adapter notre moteur aux différents circuits. En d’autres termes, nous pouvons l’adapter en fonction des Vmax atteintes. L’an passé, nous ne disposions que d’une seule version optimisée pour Le Mans ou nous atteignons 340 km/h plusieurs fois par tour. Sur les autres circuits, on atteint 290 km/h seulement et même parfois moins. Le MGU ne tournait pas toujours assez vite pour bien lancer la roue d’inertie. Voilà pourquoi parfois, nous n’étions pas capables de recharger au maximum des 500 kJ admises. Maintenant, nous pouvons l’adapter, un petit peu comme une boite de vitesses ce qui le rend plus efficace. »

Il ne reste donc, en défaveur du système hybride Audi, que le fait d’être placé à l’avant. Ralf n’apprécie toujours pas de ne pas pouvoir le mettre en action avant la barre des 120 km/h. « Le système est autorisé mais il est limité dans son fonctionnement. Puisque l’on a le choix de placer l’électrique à l’avant ou à l’arrière, pourquoi ne pas le débrider et laisser les ingénieurs faire ce qu’ils souhaitent ? A tout le moins, nous aimerions pouvoir, comme Toyota, sortir des stands avec le moteur électrique. Et bénéficier ainsi d’un couple maximum pour la remise en vitesse, dès le premier km/h... » La solution n’a toutefois pas suffisamment d’inconvénients pour que Audi Sport ait envisagé de tout inverser en plaçant l’hybride sur le train arrière, comme Toyota. « Tout d’abord, cela ne pouvait se faire sans une remise en cause trop profonde de tous les systèmes présents à bord. Donc, cela n’était pas vraiment une option pour nous. Ensuite, nous considérons toujours que notre architecture est bonne et qu’elle peut nous offrir encore plus. Nous y travaillons en permanence. Simplement, nous aimerions qu’elle soit un peu plus libre... »

L’une des évolutions qu’avaient vanté la communication d’Audi Sport à la sortie de l’hiver, tenait à ces deux caméras filmant les angles morts vers l’avant et retransmises sur deux écrans placés au ras du pare-brise sur les épais montant en carbone de la monocoque. Là, c’est Benoit Tréluyer qui avoue que « nous ne les utilisons plus. Nous avons eu du mal à les exploiter convenablement. Cela nous obligeait à des adaptations permanentes entre la vision de loin et la vision de près. Ce n’était pas très confortable. De plus, avec le temps, nous nous sommes habitués à gérer notre champ de vision restreint et nous commettons beaucoup moins d’erreur dans le trafic. » A la question de savoir si le système est définitivement abandonné, Benoit répond que « nous y travaillons encore mais il est peu probable que nous le revoyions en 2013. » Notons toutefois qu’en 2014, la position du pilote sera avancée et surélevée par rapport aux voitures actuelles et la vision sera donc très naturellement améliorée. Les caméras avant seront-elles encore nécessaires ? A suivre. En attendant, c’est désormais une classique caméra arrière qui aide les pilotes pour la rétro-vision. Mais avec l’arme très aboutie qu’ils ont entre les mains cette année, on peut douter qu’ils éprouvent le besoin de l’utiliser souvent...

Laurent Chauveau

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