Haas doit-elle s’inquiéter de ne plus être la seule équipe américaine en F1 ?

Ou pourquoi la perte de ce statut est à relativiser

Par Alexandre C.

26 janvier 2023 - 18:38
Haas doit-elle s'inquiéter de (...)

Y aura-t-il bientôt deux équipes américaines en F1 ? En effet, alors que le sport peut déjà compter sur la présence de Haas F1, Andretti-Cadillac, décrit comme un projet « 100 % américain » par Mark Reuss, le président de General Motors, pourrait bientôt faire son entrée dans le sport (si l’appel d’offres lancé par la FIA aboutit).

Faut-il y voir une rude mauvaise nouvelle pour Haas F1 ? Non seulement l’équipe américaine verra (comme toutes les autres équipes) ses revenues être dilués de 10 % ; mais encore perdra-t-elle son statut, ou son identité, de seule équipe états-unienne en F1.

A l’heure où la F1 grandit et grandit aux USA, c’est un statut dont Haas n’est pas peu fière. Encore en octobre dernier, dans le communiqué officiel présentant l’accord de sponsoring avec MoneyGram, Haas F1 se targuait d’être « la seule équipe américaine participant au championnat du monde de Formule 1 de la FIA. »

Mais cela pourrait donc prendre fin avec l’arrivée d’Andretti-Cadillac.

En plus de la perte de ce statut prestigieux ou en tout cas unique, Haas pourrait aussi voir la plupart des sponsors potentiels américains filer droit vers Andretti et Cadillac, deux marques plus prestigieuses, certes, qu’une entreprise de machines-outils (mais ayant fait tout de même ses preuves en sport automobile).

Compte tenu de la croissance du sport aux USA, ce seraient potentiellement des millions qui fileraient ainsi entre les doigts de Haas.

Günther Steiner, un des plus fervents opposants au projet Andretti

Il n’est donc pas très surprenant de constater qu’au fil des derniers mois, Günther Steiner, le patron de Haas, ait été un des plus farouches opposants à l’entrée d’Andretti en F1.

En mai 2022, il brocardait ainsi les arguments poussant pour l’extension de la grille : « Nous avons en ce moment 10 équipes stables, ce qui pendant longtemps n’était pas possible en F1. Ou ne se produisait pas en F1. Maintenant, depuis cinq ans, tout est assez stable et très bien. Pourquoi les 10 équipes diraient-elles : diluons notre valeur pour faire entrer quelqu’un de nouveau ? Quel est l’intérêt pour nous ? Nous sommes ici depuis longtemps. Si la FOM veut distribuer plus d’argent ou autre chose, c’est une autre discussion. Mais avoir plus d’équipes ne signifie pas être meilleur. »

Il est tout de même intéressant de noter que Günther Steiner ne mettait ici pas en avant la volonté de Haas de garder son statut de seule équipe américaine. Le patron parlait seulement finances et dilution de revenus. Et ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard…

Haas n’a jamais vraiment capitalisé sur son statut de seule équipe américaine

Car depuis son entrée en F1, Haas F1 n’a jamais voulu, ou pu, valoriser son statut d’équipe made in USA.

Cette sorte de sous-investissement émotionnel s’est traduit par plusieurs points.

D’abord, par la localisation de l’équipe. Le siège en Caroline du Sud (QG de l’entreprise Haas) ne joue pas un grand rôle dans le quotidien de l’opérationnel de l’équipe de F1. L’essentiel se joue au Royaume-Uni, à Banbury, ou en Italie, avec Dallara ou dans la nouvelle usine d’ingénierie construite à Maranello. Alors que de son côté, le projet Andretti-Cadillac revendique l’installation d’infrastructures fondamentales outre-Atlantique.

Sur le plan des pilotes, ce n’est guère mieux. Haas n’a jamais compté dans ses rangs un pilote américain… Pire, Günther Steiner a longtemps été très sceptique sur le niveau des pilotes états-uniens.

En mai 2022 encore, il estimait ne pas avoir encore trouvé de pilote américain suffisamment bon pour être titulaire chez Haas : « S’il y avait un bon pilote américain de disponible, alors nous le prendrions. Il faudrait tout de même faire preuve de prudence car selon moi, il ne servirait à rien de prendre quelqu’un qui est amené à échouer. Ce serait égoïste de notre part de mettre un Américain dans la voiture dans l’unique but de servir nos intérêts, je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire. »

Une telle attitude contraste avec celle de Michael Andretti, qui depuis longtemps pousse pour l’arrivée de l’Américain Colton Herta en F1.

D’ailleurs, pour 2023, Günther Steiner a d’ailleurs préféré remplacer Mick Schumacher par Nico Hülkenberg, un pilote allemand par un autre pilote allemand).

Sur le plan des sponsors, Haas n’a pas non plus capitalisé sur son statut d’équipe américaine. MoneyGram, le nouveau sponsor-titre, est certes une entreprise américaine, mais elle est aussi perdue parmi une myriade de sponsors notamment allemands (1&1 par exemple). Paradoxalement McLaren, qui a su attirer CNN, Goldman Sachs, Dell, Coca-Cola, CNBC, Gopuff, etc., paraît plus américaine que Haas sur ce plan ! C’est sans doute l’influence d’avoir un Américain très actif sur le marché du sponsoring, avec Zak Brown, le PDG de McLaren Racing…

Günther Steiner, le patron, est du reste parmi les premiers à reconnaître que Haas n’en a peut-être pas fait assez pour mettre en valeur son identité américaine.

« Nous devons utiliser davantage cette identité américaine maintenant parce qu’il y a plus de présence aux États-Unis » confiait-il ainsi l’été dernier. « Avant, on pouvait essayer de susciter l’intérêt mais la réponse était faible. Mais maintenant, sachant que la réponse est importante, c’est sûr que nous allons nous concentrer là-dessus. »

Il faut dire que Haas a eu de quoi déboussoler les esprits durant l’année 2021, quand la livrée de l’équipe américaine était repeinte… aux couleurs de la Fédération de Russie – Nikita Mazepin apportant un sponsor-titre avec le pétrolier russe Uralkali, très proche du pouvoir poutinien…

Une perte de statut à relativiser

L’arrivée d’Andretti-Cadillac risque donc d’être le « dernier clou dans le cercueil » de l’identité américaine de Haas F1, qui n’a jamais été pleinement concrétisée.

Mais est-ce un si terrible mal ? D’une part, Haas a vécu pour le moment sans s’appuyer sur ce statut, et paraît être une équipe à l’identité davantage allemande ou européenne qu’américaine.

D’autre part, la santé financière de l’écurie restera très bonne (ou bien meilleure que par le passé) sans même ces multiples soutiens.

Car avec l’arrivée de MoneyGram, Haas opère désormais au niveau des budgets plafonnés. Notons enfin que l’entrée en lice d’Andretti-Cadillac permettra peut-être à Haas, par ricochet, d’attirer aussi de nouveaux sponsors – si l’intérêt pour la F1 aux USA continue de progresser grâce à General Motors aux USA.

En somme, Haas a a sans doute manqué des occasions par le passé de capitaliser sur son identité américaine… mais cela ne devrait pas remettre en cause le plan de croissance de l’équipe. Tant pis ou plutôt tant mieux !

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