Romain Grosjean : Ma vie de numéro 3
"Mes week-ends sont très chargés"
L’Equipe (seul quotidien de sport français) a demandé à Romain Grosjean, troisième pilote de Lotus Renault GP, de raconter son week-end au GP d’Abou Dhabi…
Romain : Ce sont toujours les mêmes questions :
”Alors, vous faites essais pour l’équipe ?”
“Non. Malheureusement, les essais ne sont plus permis en F1.”
“Mais alors, que faites-vous si vous ne conduisez pas ?”
Les moqueurs diraient ’pas grand chose’, mais, en fait, mes week-ends sont très chargés.
En tant que troisième pilote de Lotus Renault GP, je me rends sur tous les tests d’hiver et sur tous les Grand Prix, pour être à même de remplacer un pilote titulaire qui se trouverait dans l’impossibilité de courir.
En général, j’arrive le mercredi soir. Un peu avant si le décalage horaire est important. Mon premier travail consiste à faire un tour du circuit le jeudi matin, vers 11 heures. Je le fais à pied avec les autres pilotes, le team manager et les neuf ingénieurs qui s’occupent des voitures. Le but est de relever les changements sur la piste et d’aider les pilotes à trouver leurs marques. Cela terminé, je passe beaucoup de temps à discuter avec les mécaniciens pour comprendre un peu mieux comment fonctionne une F1 au point de vue mécanique.
Le vendredi est, d’habitude, plutôt calme. Un briefing le matin, une heure avant le début des essais, et puis je vais sur le muret des stands avec les ingénieurs. Mais à Abou Dhabi, changement et grand jour pour moi ! J’ai effectué la première des deux séances* que le team a programmées pour moi. Je me suis donc assis à la place d’un pilote titulaire pendant le briefing. J’ai écouté avec la plus grande attention la description de mon programme et des procédures que je devrais suivre. Une heure et demie de pur bonheur !
Je suis ensuite revenu dans ma chambre et le physiothérapeute de Bruno m’a prodigué un petit massage, puisque je prenais la place de Bruno ce matin-là. Le compte à rebours avant la séance est toujours un moment crucial pour moi. Pour rester détendu, j’aime bien bavarder avec mes amis à ces instants-là.
Vingt minutes avant le début de la séance, je me suis dirigé vers le stand. C’est un moment très spécial, qui porte une touche de magie. J’ai alors enfilé mon casque et je suis monté dans la Lotus Renault GP n°9. Embrayage, première et en route pour une autre heure et demie de pur plaisir ! A l’issue de la séance, débrief, bien sûr, avec les ingénieurs. Pas seulement un, mais tous ceux qui avaient fait le tour du circuit jeudi matin. Chacun avait besoin d’informations précises.
Le niveau d’adrénaline retombé et mes commentaires donnés sur la voiture, je pouvais remettre mon t-shirt Lotus Renault GP et revenir à mon rôle de troisième pilote. Pour la seconde séance de la journée, j’ai donc retrouvé ma place sur le muret. Et j’ai écouté les discussions entre les ingénieurs et les pilotes. C’est toujours très instructif pour moi. Quand les voitures sont rentrées au stand, la journée n’était pourtant pas terminée. Il restait encore le débriefing de la journée et ensuite, le briefing des pilotes.
Cela peut se révéler très amusant et certains pilotes en profitent pour se chambrer. Mais surtout, c’est une opportunité pour parler de ce que nous pouvons faire pour améliorer notre sport, la sécurité et le spectacle en piste. Samedi, même schéma, avec une succession de briefings techniques. Mais il fallait aussi que je sois présent dans le stand pour parler avec nos partenaires et répondre à leurs questions.
Dimanche, enfin, la course. La matinée a été ponctuée par une ultime réunion à propos de la stratégie, suivie d’une dernière balade devant le stand avec les sponsors. Ensuite, retour sur le muret pour suivre le Grand Prix. A ces instants, je rêvais d’être dans une F1 et chaque fois qu’une voiture passait dans la pit lane, je n’avais qu’une envie, sauter dans le cockpit à la place du pilote ! Je ne décrirais pas cela comme frustrant, mais plutôt comme l’impatience d’un enfant devant un jouet qu’il ne peut pas encore tenir dans ses mains. Même si je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps, je continue à souhaiter et à espérer que le cadeau que je désire le plus cette année sera la neige de mon arbre de Noël !
Source : LRGP