Le processus d’intégration du V6 dans les nouvelles F1

Un travail qui a commencé très tôt

Par Franck Drui

3 janvier 2014 - 11:46
Le processus d'intégration du (...)

Ce n’est pas tout de produire un nouveau moteur V6 et ses systèmes de récupération d’énergie thermique et cinétique, il faut aussi s’occuper du processus d’intégration de l’ensemble dans les châssis des équipes clientes.

C’est le rôle d’Axel Plasse, Directeur des programmes et support clients de Renault Sport F1, qui nous explique comment se passe la collaboration avec les écuries partenaires du motoriste français.

Axel Plasse : "Les échanges entre les équipes châssis et moteurs ont débuté très tôt, avant même que la réglementation ne soit définitivement établie. Nous avions déjà des échanges au sujet des grandes lignes de la réglementation et sur la façon d’atteindre nos objectifs communs. Il était parfois question de savoir si ces objectifs étaient réalistes. Du point de vue de Renault, il était essentiel que cette nouvelle réglementation comprenne un chapitre sur une baisse radicale de la consommation de carburant. Nous désirions donner écho aux questions environnementales grandissantes et trouver un terrain de jeu idéal pour développer des solutions innovantes, potentiellement applicables en série.

Mais les écuries pensaient aussi au spectacle : les monoplaces de F1 devaient rester les voitures de course les plus rapides du monde. Il ne fallait pas rendre ces voitures trop faciles à piloter et pour ce faire les moteurs ne devaient pas être en pleine charge tout le temps. Il devait exister un compromis sur le pourcentage de pleine charge du Power Unit sur un tour de circuit, de manière à récompenser le talent des pilotes (trop élevé, le châssis est sous motorisé, trop faible, la puissance du Power unit est inexploitable). Par ailleurs, tout le monde s’est accordé sur la pertinence d’avoir un sport plus ‘vert’ et le besoin de conserver le ‘spectacle’.

Comment marier ces deux éléments qui peuvent paraitre opposés ? C’était l’un des premiers défis. Les équipes châssis et moteur ont commencé à échanger sur la gestion de puissance la fourniture d’une puissance suffisante en fonction des limitations de la réglementation.

Nous sommes arrivés avec une série d’idées qui permettaient de répondre aux objectifs fixés. Par exemple, nous avons présenté la façon dont le turbo et la soupape de décharge sont utilisés, le contrôle du processus de combustion et du mélange air / carburant et le comportement de l’injection directe par rapport à un moteur à injection indirecte.

Une fois que les principes de base ont été déterminés, nous avons lancé la phase de conception. C’était mi-2011 et cela a duré jusqu’au début de l’année 2012. Nous avons programmé des débriefings toutes les deux semaines. Au début, nous n’étions que quelques-uns à participer à ces réunions. Au fil de mois, de plus en plus de gens, de différents départements, nous ont rejoints, de part et d’autre de la Manche. Cela démontre que le Power Unit et la nouvelle réglementation ont créé une nouvelle façon de travailler, extrêmement complexe. Plusieurs départements moteur et châssis étaient impliqués, des systèmes de contrôle à l’aérodynamique en passant par le refroidissement. Parfois, nous avions deux fois plus de monde lors de nos réunions sur le Power Unit 2014 que nous n’en avions pour le V8 !

A partir de là, l’un des points sur lesquels nous devions nous concentrer était l’intégration du Power Unit dans les châssis de nos équipes. Le V8 actuel pèse 95 kilogrammes, 100 kilogrammes en y ajoutant le poids du MGU. Il passe à 120 kilogrammes en y ajoutant les éléments auxiliaires comme les radiateurs et les autres pièces du refroidissement. Avec le Power Unit 2014, le moteur V6 turbo pèse 145 kilogrammes au minimum. Et il faut y ajouter 35 kilogrammes de batteries. Et encore plus de 20 kilogrammes en y ajoutant les pièces auxiliaires comme l’échangeur et les radiateurs. A plus de 200 kilogrammes, cela représente une augmentation de 80 % par rapport aux moteurs actuels.

Le Power Unit est bien plus intégré que ne l’est l’actuel V8. C’est un maillon central de la conception. Par exemple, le turbo passe au-dessus de la boîte de vitesses. Il empiète sur l’espace qui était occupé par l’embrayage et des éléments de suspension. Le système de stockage d’énergie est aussi plus imposant et empiète sur le réservoir de carburant. Ces éléments ont un impact sur la longueur du châssis, la position des radiateurs, des boitiers électroniques et bien d’autres choses.

Depuis les premiers jours du moteur à turbocompresseur dans les années 1970, la philosophie de Renault a toujours été de faciliter l’intégration du moteur dans le châssis. Dès les premiers développements, nous avons multiplié les vidéo conférences, les conférences téléphoniques et les rencontres avec nos les équipes châssis, en particulier Red Bull Racing, notre partenaire privilégié dans le développement de ce Power Unit, pour décider de la direction à prendre et des moments-clés afin de synchroniser le dessin du châssis et du moteur.

De nombreux sujets se terminaient par un point d’interrogation. Red Bull et Renault ont décidé de travailler main dans la main. La transparence avec laquelle nous avons échangé a payé. Nous exploitons le bénéfice d’être fournisseur de Power Units plutôt que d’avoir notre propre équipe : nous avons accès à une gamme de solutions pour trouver la meilleure voie à adopter.

Nous avons aussi beaucoup travaillé avec les autres écuries. C’est à la fois un risque et une opportunité. L’opportunité, c’est que tout le monde bénéficie de ces travaux et cela profite directement à la performance du Power Unit qui est mis à disposition de nos équipes. Nous préférons consolider les meilleures idées plutôt que de différentier chaque spécification et d’entrer dans de nouveaux et chronophages processus de conception et de validation.

Mais nous savons que les écuries se battent entre elles. Nous devons être à l’écoute de leurs besoins spécifiques. Notre rôle est d’arbitrer et de nous assurer que Renault Sport F1 donne le meilleur service possible à chacune d’elles. Depuis que nous sommes sommes engagés en Formule 1, notre objectif est de nous assurer qu’une monoplace à moteur Renault est la voiture la plus rapide, non pas que notre Power Unit, pris isolément, soit le meilleur. Cet objectif a toujours été dans nos gènes. Il est certain que cette philosophie nous apportera un retour sur investissement encore plus significatif en 2014."

QU’EST-CE QUI PEUT ÊTRE MODIFIÉ D’UNE ÉCURIE À L’AUTRE ?

Globalement, les éléments externes du Power Unit peuvent être adaptés. Le choix en revient à l’écurie, en concertation avec les équipes de Renault Sport F1. Par exemple, les échappements, les tuyauteries, l’hydraulique, les entrées d’air, le passage des faisceaux électriques, la position des boitiers électroniques sont modifiables pour permettre une intégration optimale.

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