Entretien avec Adrian Newey

Après avoir vu Red Bull décrocher les deux titres

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19 octobre 2011 - 15:39
Entretien avec Adrian Newey

Adrian Newey est probablement le directeur technique le plus coté du paddock et a signé les monoplaces victorieuses dans les championnats du monde – pilotes et constructeurs – 2010 et 2011.

Il confie ici ses impressions sur le deuxième titre décroché par Red Bull, ainsi que sur sa philosophie de travail

Les succès obtenus avec Red Bull représentent-ils plus que les autres ?

« Rejoindre Red Bull a été une belle aventure. Les gens ont pensé que j’avais vraiment perdu la tête cette fois-ci et que le défi était trop important, mais l’ambiance est incroyable. Evidemment, j’avais l’ambition et l’espoir de nous voir gagner des courses et peut-être même des championnats. C’est la raison pour laquelle vous vous lancez dans un projet F1. Cependant, l’espoir est une chose et la réalité en est une autre. C’est pour ça que l’année dernière a été aussi spéciale. Nous avions eu une bonne saison en 2009, aussi, mais n’avions pas réussi à le faire. Je pense que certaines personnes pensaient que ce n’était qu’une exception et que nous allions retomber. Mais grâce au dur travail et à l’implication de chacun, nous avons réussi à nous maintenir à ce niveau. »

Vous ne cessez de mettre en avant les efforts de votre équipe mais, pour vous en particulier, comment concevez-vous une voiture ? Par quoi commencez-vous ?

« Tout d’abord, ça dépend si la réglementation est la même ou non. Nous avons eu un important changement de réglementation en 2009, ce qui signifiait partir d’une page blanche, essayer de réfléchir à ce que cette réglementation demandait et trouver les meilleures réponses. On essaie d’éviter tout à priori et de partir du début. C’était la RB5. Les deux voitures suivantes ont été des évolutions de cette monoplace. Heureusement, c’était une voiture saine et une voiture que nous avons réussi à faire évoluer. Il y a eu de gros changements de réglementation depuis, mais nous avons tous pu les intégrer dans la philosophie de base de la voiture 2009. Pour répondre plus directement à la question, c’est le bon vieux 95% de sueur, 5% d’inspiration. »

« Il faut faire évoluer la voiture d’une façon darwinienne : la regarder, la critiquer, comprendre quand certaines pièces pourraient être améliorées et ensuite essayer de justement les améliorer. L’autre partie vient plus de l’illumination quand vous regardez quelque chose, que vous êtes même un peu frustré, en vous disant qu’il y a forcément une meilleure idée, une meilleure solution. Personnellement, je me trouve souvent dans une impasse, je préfère alors faire autre chose et ne plus y penser pendant un jour, une semaine ou un mois, mais le cerveau est quelque chose d’incroyable. Ces problèmes glissent dans l’inconscient et font leur petit bonhomme de chemin. Une idée va vous venir d’un seul coup et vous devez alors vous précipiter au boulot pour la coucher sur une feuille de papier. Vient ensuite l’heure de la décision. Ces idées ne servent à rien si elles ne rendent pas la voiture plus rapide. On voit tellement de gens qui arrivent avec des idées et en sont fiers, ils ne veulent pas en démordre, même s’il devient évident que ce n’est pas la bonne solution. Il faut une collaboration entre l’artistique et la physique. »

Etes-vous nerveux, l’hiver, avant que la voiture ne fasse ses premiers essais ?

« Il y a de la nervosité pour la première sortie de la voiture. On a naturellement les données de la soufflerie, et on a fait des recherches, donc on sait ce qui devrait en théorie se passer. On ne sait pas si ce sera suffisant face à la concurrence parce qu’on ne sait jamais ce que les autres ont fait pendant l’hiver. Quand la voiture sort pour la première fois, on est toujours inquiets, on se demande si elle va se comporter comme la soufflerie l’a indiqué ou s’il y a un problème caché. Prenez la RB6, elle a fait ses premiers essais sur le mouillé à Jérez. Initialement, elle ne marchait pas vraiment. Nous avons eu quelques problèmes et je me disais ‘la saison risque d’être longue’ mais nous avons maintenant des outils qui nous permettent, si nous les utilisons intelligemment, de gommer certains soucis mineurs. »

Qu’apporte Sebastian Vettel au package, et qu’attend-il de vous ?

« Tout d’abord, Sebastian ne fait pas du tout son âge. Il a une expérience et une maturité assez incroyables. Mais il travaille dur pour ça et garde fermement les pieds sur terre. Il est très concerné par la compréhension de la voiture et son propre pilotage. Il passe beaucoup de temps, le soir, à regarder tout ça. Il est sensible à un bon retour et j’ai l’impression qu’il apprend quelque chose de nouveau à chaque fois qu’il pilote la voiture. Il est une petite éponge. C’est encourageant pour tout le monde. Si vous avez un pilote naturellement très doué, mais qui manque d’implication, ça peut se ressentir dans l’équipe. Sebastian – et Mark – sont très déterminés, très impliqués.

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