Vowles quitte Mercedes F1 : retour sur ses meilleures… ou ses pires stratégies
Des succès, mais aussi quelques loupés
Ce fut la grande nouvelle de vendredi dernier : James Vowles quitte Mercedes F1 pour devenir le nouveau directeur de Williams F1, et ainsi succéder à Jost Capito.
Directeur de la stratégie du sport automobile et suppléant de Toto Wolff, Vowles était un maillon-clef de l’équipe allemande : c’est ainsi lui qui était le « Monsieur stratégie » sur les week-ends de Grands Prix.
En quatre années passées à ce poste de directeur de la stratégie, James Vowles a connu des moments de gloire… mais aussi de vrais ratés. Voici un historique de ses Grands Prix les plus marquants, de tous les points de vue !
Hongrie 2019 : la carte du double arrêt
L’un des coups de maître de Vowles fut assurément ce grand pari stratégique, audacieux et payant, pris lors du Grand Prix de Hongrie en 2019.
Si Mercedes avait la voiture la plus dominatrice tout au long de cette année, le Hungaroring était plutôt l’exception qui confirmait la règle : sur ce tracé étroit et sinueux, Max Verstappen avait ainsi signé la pole en qualifications.
En course, la Mercedes de Lewis Hamilton s’avérait dans l’impossibilité de dépasser la Red Bull, sur ce tourniquet où les opportunités de dépassements ne sont pas légion…
Mercedes prit alors une décision stratégique majeure à l’initiative de Vowles : celle d’arrêter Lewis Hamilton, à 22 tours de l’arrivée, pour un deuxième arrêt.
Il fallait alors que le Britannique rattrape 20 secondes en presque autant de tours !
Ce fut pourtant la stratégie gagnante : pour dépasser sur le Hungaroring, il fallait en effet créer un tel écart pneumatique ; et du reste, Mercedes n’avait pas grand-chose à perdre en tentant cette stratégie osée. Le risque était pourtant bien présent : le roulage des essais libres avait été très limité par la pluie, les incertitudes étaient donc grandes sur la durabilité ou le rythme des pneus.
Vowles, peu de temps après la course, expliqua la philosophie ayant mené à une telle prise de risque,, rappelant le rôle crucial des données, et de ses équipes techniques, dans la bataille : « Nous avons une équipe qui travaille sans relâche en coulisses. Elle s’est appuyée sur les bribes de données retirées des essais libres, du peu de roulage que nous avions, pour construire des modèles afin de déterminer comment se comporteraient les pneus de Max Verstappen et de Lewis Hamilton en course ; et nous avons vu en plein dans le mille. Ce sont ces modèles qui nous ont permis de comprendre qu’une stratégie à deux arrêts permettrait d’aboutir à une situation fantastique en fin de course, et que les pneus de Max Verstappen sortiraient de leur fenêtre de fonctionnement si nous pouvions le mettre assez sous pression. »
Ce fut ainsi Vowles, à la suite de ce pari stratégique agressif mais payant, qui fut invité à monter sur le podium du Hungaroring – en reconnaissance du travail de tout un groupe.
Espagne 2021 : la stratégie du duo revient
Ce fut une stratégie similaire qui fut appliquée à Barcelone, en 2021. Max Verstappen, là encore, filait seul en tête de la course. Le dépasser en piste, de nouveau sur un circuit où il est notoirement difficile de réussir une manœuvre, semblait bien complexe.
C’est ainsi que Vowles décida de rappeler aux stands Lewis Hamilton une deuxième fois (après 42 tours), pour tenter un dépassement, fût-ce le plus tard possible dans la course. Vowles ordonna aussi à Valtteri Bottas de ne pas ralentir la stratégie décalée de Lewis Hamilton avec un de ses fameux « Valtteri, It’s James… ».
Finalement, Lewis Hamilton revint dans la boîte de vitesses de Max Verstappen six tours à la fin, et le dépassa aisément au vu de la différence de performance entre les gommes. « J’étais une cible facile » dira Max Verstappen.
Mexique 2019 : un, c’est aussi bien…
Le Grand Prix du Mexique 2019 fut un peu l’inverse des Grand Prix de Hongrie ou d’Espagne. Cette fois, ’adoption d’une stratégie à un seul arrêt fut décisive.
Alors que Charles Leclerc avait signé la pole et que Sebastian Vettel était aussi un grand danger pour les Ferrari, Mercedes avait tenté un autre pari : rappeler Lewis Hamilton dès le 23e tour, undercuter Sebastian Vettel, pour chausser les durs et aller au bout du Grand Prix.
Même le pilote britannique douta en personne de la décision de Vowles… qui fut finalement la bonne. Sebastian Vettel, qui finit à moins de deux secondes de Lewis Hamilton, usa longtemps ses pneus plus frais dans la boîte de vitesses de la Mercedes. Parfois, la position en piste vaut aussi tout l’or du monde.
Autriche 2018 : le plus gros loupé ?
Mais il y eut aussi des ratés assez monumentaux pour Vowles. Notamment lors de ce Grand Prix d’Autriche 2018.
Lewis Hamilton menait la course, quand un abandon (de Valtteri Bottas…) déclencha une voiture de sécurité virtuelle.
Mercedes décida alors de ne pas arrêter Lewis Hamilton, de manière surprenante. Alors que Red Bull comme Ferrari faisaient le choix inverse.
Et ce qui devait arriver arriva : après son arrêt, Lewis Hamilton repartit 4e, derrière Max Verstappen, Sebastian Vettel et Kimi Räikkönen. Vowles avoua publiquement son erreur du reste après le Grand Prix.
Le plus intéressant, peut-être, fut cependant la réaction de Toto Wolff après ce loupé. En leader, le patron de Mercedes défendit publiquement le directeur de la stratégie, en refusant de s’en servir comme bouc émissaire.
« Nous n’avons pas besoin de faire des changements » déclara Toto Wolff à l’époque. « Le plus important est de comprendre pourquoi une erreur se produit, de se replonger dans la situation et de l’analyser. Je ne pense pas que nous commettrons deux fois une erreur. C’est juste que la situation est très complexe, nous nous battons avec quatre autres voitures. Pour moi, James est l’un des meilleurs, et il faut du courage pour reconnaitre ses torts et admettre en public que la situation doit être sauvée en disant ’C’était mon erreur, mais on peut encore y parvenir avec notre voiture’. »
Hongrie 2021 : seul au monde…
Une des images marquantes, voire ubuesques, de l’année 2021 fut sans doute au Grand Prix de Hongrie, quand Lewis Hamilton se retrouva seul en piste pour un départ arrêté…
Au premier tour, en raison du carambolage monstre, le drapeau rouge avait été brandi. La procédure de départ arrêtée avait donc été prévue à la relance… Mais toutes les voitures, (sauf celle de Lewis Hamilton) au lieu de se positionner sur la grille, préférèrent rentrer aux stands chausser des slicks. Si bien que Lewis se retrouvait seul en piste pour un départ arrêté, en intermédiaires.
Cette étrangeté n’empêcha pas par la suite Hamilton de disputer la victoire (à Esteban Ocon), mais fit perdre beaucoup de temps au Britannique. Sans aucun doute, sans cette faute stratégique, Lewis l’aurait emporté aisément au vu du rythme de sa voiture… mais on ne réécrira pas le scénario de 2021 !
Mexique 2022 : trop de prudence tue la prudence
Les deux pilotes Mercedes avaient alors pâti d’une mauvaise stratégie lors de ce Grand Prix. C’est bien dommage : à Austin, Mercedes avait, en cette piteuse saison 2022, un rythme bien supérieur à sa moyenne, et semblait même en lice pour la victoire.
Du côté de Lewis Hamilton, le Britannique se plaignait de ne pas avoir pu débuter la course en tendres, au lieu des médiums.
Mais l’erreur la plus grande vint après. George Russell (en particulier) demanda plusieurs fois de prolonger son relais, et d’effectuer un dernier relais non pas en durs mais en tendres, des pneus qui semblaient plus rapides. Il n’y avait rien à perdre à se détourner de la stratégie la plus classique pour tenter de battre Verstappen... Mais Mercedes ne l’écouta pourtant pas et rappela Russell aux stands plus tôt que son pilote ne l’aurait voulu, pour passer… des durs qui se montreraient inefficaces.
Là encore, Vowles sut reconnaître son erreur, tout en la remettant dans son contexte : « C’était un choix difficile, mais nous avons décidé que l’arrêt et le passage en pneus durs nous apporteraient probablement un meilleur résultat, en pensant que si nous luttions avec les pneus mediums, Pérez n’arriverait probablement pas jusqu’à la fin de la course et devrait peut-être s’arrêter une fois de plus. Avec le recul, c’était la mauvaise décision. »
« Peut-être que l’équipe Mercedes devrait juste regarder la télévision au lieu de tous leurs ordinateurs » ne manqua alors pas de tacler Jacques Villeneuve.
Austin 2022 : quand Mattia Binotto critique James Vowles…
Enfin, au Grand Prix d’Austin la même année, Vowles fit peut-être perdre sa seule victoire de l’année à Lewis Hamilton.
Le Britannique, dans une Mercedes plus en forme, menait la course – après l’arrêt de 11 secondes de Max Verstappen.
Cependant, alors qu’il souhaitait finir le Grand Prix en mediums pour avoir plus de performance, Lewis Hamilton héritait au contraire des durs… or, avec un Max Verstappen en médiums, le différentiel de performance fut trop important pour que la Mercedes pût contenir la Red Bull.
Ce loupé stratégique n’échappa d’ailleurs pas à un certain Mattia Binotto, qui se permit de critiquer les erreurs stratégiques commises à Mexico comme à Austin par Mercedes : « En Hongrie nous avions été critiqués, ce qui se produit normalement lorsque vous ne prenez pas les meilleures décisions. Mercedes vient peut-être de perdre les deux dernières courses en ne choisissant pas les bons pneus, notamment à Austin. Nous ne sommes donc pas les seuls à faire des erreurs et à devoir effectuer des choix différents » lançait l’Italien (qui devrait perdre son poste quelques semaines plus tard, justement pour ses erreurs stratégiques.)
L’équipe derrière l’homme
En définitive, le passage de Vowles aura été brillant, ponctué de nombreux titres constructeurs et pilotes. Il ne faut cependant pas – et le nouveau directeur de Williams serait le premier à le reconnaitre – réduire les réussites (ou les loupés) stratégiques de Mercedes à un seul homme. Le rôle du pilote pour appliquer la stratégie, conserver les pneus, est par exemple crucial ; celui des données et des équipes entourant Vowles l’est tout autant.
C’est cependant bien une pièce maîtresse du dispositif Mercedes qu’il faudra remplacer.
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