On a lu : Adrian Newey, le plus grand ingénieur de Formule 1

L’autobiographie de l’un des plus grands talents de la discipline

Par Emmanuel Touzot

3 novembre 2018 - 15:19
On a lu : Adrian Newey, le plus (…)

Adrian Newey est l’un des ingénieurs ayant conçu le plus de voitures victorieuses en Formule 1. Père de la Williams FW14, qui a remporté 10 courses sur 16 en 1992, et de la McLaren MP4-13 de 1998, qui a terminé sur la plus haute marche du podium à 10 reprises sur 16 courses, il a conçu plus récemment les Red Bull RB7 et RB9, victorieuses respectivement à 12 et 13 reprises en 2011 et 2013.

L’ingénieur a publié son autobiographie, sortie chez Talent Editions. Après un prologue lors duquel il décrit en détail la fois où il a eu l’opportunité de piloter une de ses créations, Adrian Newey raconte son enfance et ses premiers amours avec l’ingénierie et l’aérodynamique, dans la maison familiale.

Newey décrit ensuite ses études dans l’aérodynamique et son exil aux Etats-Unis et son ascension jusqu’à la monoplace, qui lui a ouvert les portes de Leyton House en Formule 1. C’est là-bas qu’il a fait ses armes et attiré les convoitises de Williams. Recruté en 1991 par l’équipe anglaise, il était prévu qu’il la rejoigne dans le rôle de directeur du département R&D, mais Patrick Head lui a confié le rôle de designer en chef après avoir vu les performances de ses monoplaces sur les sélectifs tracés de Silverstone et du Paul Ricard.

Au fil de son autobiographie, Newey infirme certains lieux communs, notamment l’ambiance chez Williams dont l’image parait souvent glaciale depuis l’extérieur et a longtemps trainé cette image austère, et confirme aussi certains comportements, comme le côté facétieux de Nigel Mansell, capable du pire pour affaiblir psychologiquement ses rivaux.

Mansell faisait équipe avec Riccardo Patrese, très affûté, et était lui réputé pour être un bon vivant – Newey explique comment le moustachu, lors d’un dîner dans un restaurant de luxe, avait demandé du ketchup avec sa sole, sous les regards effarés du serveur et du cuisinier – et à l’époque, les pilotes étaient pesés en début de saison, et l’on ne pesait que leur monoplace durant la suite de l’année. Le jour de la pesée, Mansell avait utilisé un casque de rechange sans décorations et s’était littéralement affamé et assoiffé durant les 24 heures précédant la pesée, lui permettant d’afficher un demi-kilo de moins que le Brésilien sur la balance. "Riccardo était dégoûté. Il était si fier de sa perte de poids et de son état de forme. Se voir battu par Nigel, l’engloutisseur de burgers, était un gros coup au moral" affirme l’ingénieur.

Newey a toujours su profiter des changements de réglementation, notamment en 2005, lorsque la réglementation aérodynamique a été modifiée sur l’aileron avant, qui fut réhaussé de cinq centimètres. Les voitures étaient en bout de développement et l’ingénieur se rappelle avoir passé ses 10 jours de vacances à la Barbade à réfléchir à la manière de récupérer l’appui perdu par ce rehaussement. Au milieu de ces vacances qu’il qualifie de "période créative", et non sans avoir correspondu avec l’usine au moyen de dizaines de faxes, il a finalement compris que c’était sur la suspension qu’il fallait travailler pour retrouver un flux d’air efficient. Sa femme Marigold n’était évidemment pas heureuse de l’avoir vu se dédier autant au travail lors de leurs vacances, mais Newey assure que "de gros progrès avaient été faits".

Et c’est finalement ce qui ressort de ce retour sur la vie de l’ingénieur, où il explique qu’il a toujours passé toute sa vie à réfléchir, sans arrêt. Il explique essayer de passer un quart de son temps au dessin pur, qu’il fait toujours sur une simple table à dessin. Il avoue avoir également profité de cette faculté à s’adapter aux nouveaux règlements lorsque le KERS est devenu obligatoire en Formule 1. Il fut le seul ingénieur à vouloir implanter la batterie à l’arrière de la voiture, entre le moteur et la boîte de vitesses, là où ses semblables avaient décidé de la placer de manière beaucoup plus sure, sous le réservoir.

Il explique que la réaction de Rob Marshall, designer en chef de Red Bull, fut très négative, lui expliquant que c’était un suicide industriel de placer la pièce la plus sensible aux vibrations et à la chaleur à cet endroit de la monoplace. Newey, conscient de cela, lui a dit que s’ils parvenaient à le faire, et il croyait cela capable, cela conférerait à Red Bull un avantage structurel qu’aucune équipe ne serait capable de copier avant la saison suivante. Après avoir négocié avec le département technique, ce fut finalement adopté sur la RB7 et ses descendantes, qui ont totalisé 32 victoires en trois saisons !

Au fil de son livre, Newey parle de sujets plus légers comme certaines anecdotes musicales aux côtés de Damon Hill et George Harrison, guitariste des Beatles, mais aussi de moments plus compliqués, et le fameux week-end d’Imola 1994. Mais au fil des 375 pages de cet ouvrage (en version originale appelé "How to build a car ?" - "Comment construire une voiture ?"), c’est l’amour pour la Formule 1 et plus globalement pour l’ingénierie qui ressort, puisque Newey discute aussi de son implication technique en sports nautiques. Au fil des chapitres du livres, qui sont organisés autour des voitures ayant marqué sa carrière d’ingénieur, Newey révèle comment il a bâti son expérience et utilisé celle-ci au fil des décennies durant lesquelles il fut à l’origine de 10 titres pilotes et autant de titres constructeurs.

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