Steiner : ’Documenter ma vérité’ dans un livre m’a ’fait du bien’
Le directeur de Haas F1 nous parle de ’Surviving to Drive’
Günther Steiner a sorti récemment son livre, qui retrace la saison 2022 de Haas F1 et sa vie en tant que directeur. ’Surviving to Drive’, édité en France chez Talent Sport, est un journal tenu par l’Italien. Le livre commence fin 2021, année durant laquelle le processus du livre est né. C’est son auteur fantôme, James Hogg, qui en a eu l’idée et a contacté Steiner.
"L’idée n’est pas venue de moi, c’est une chose étrange. Quelqu’un m’a approché, c’était James, le ghost writer, en 2021" a raconté Steiner dans une interview exclusive pour Nextgen-Auto. "C’est arrivé dans mes e-mails, de nulle part, car je ne le connaissais pas. Il m’a dit qu’il voulait écrire un livre avec moi, et je n’avais jamais pensé à un livre."
"Je ne voulais pas écrire une autobiographie, et il m’a dit ‘non, nous ferons quelque chose de différent’. Ce n’étaient que des e-mails, puis on a eu une réunion Zoom. Il m’a dit ‘je ne veux pas écrire une autobiographie, mais plus faire un concept de journal de l’année d’un directeur d’équipe’."
"Et ça sonnait différent, James semblait différent, mais la seule chose qui m’inquiétait, c’était que si la saison était ennuyeuse, qu’allions-nous raconter ? Et il m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il trouverait quoi écrire. Il a été très convaincant à ce sujet."
"Je ne voulais pas qu’il me prenne trop de temps"
Le processus n’a pas pris trop de temps à Steiner, qui se contentait simplement de dérouler ses souvenirs du week-end avec Hogg, dans le but que l’auteur puisse écrire aussi fidèlement que possible ce que lui racontait l’Italien.
"Et je ne voulais pas qu’il me prenne trop de temps, car j’ai un travail à faire, et il m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il ne prendrait pas plus d’une demi-heure après chaque course. Et il ne m’a jamais pris autant, nous parlions une vingtaine de minutes après chaque course, puis j’ai décidé de l’inviter aux tests et sur trois courses."
"Il a ainsi pu mieux me connaître, et connaître l’équipe autour de moi, les rencontrer, et tout s’est bien passé. Et par exemple, pour toutes les histoires de mon passé, je ne voulais pas juste m’asseoir avec lui et raconter des histoires, je ne suis pas doué pour ça."
"Nous avons pris des dîners ensemble, et on parlait de choses et d’autres, et il voyait des choses qui lui semblait géniales pour le livre. Mais pour moi, c’était juste la vie normale ! Et c’était un processus très naturel, très simple."
"On n’a pas eu besoin de s’asseoir ensemble pour réfléchir à quoi dire ou quoi écrire, je dois lui donner du crédit à ce sujet car il a beaucoup écrit. Et il a vraiment pris du plaisir à le faire, nous parlons encore, on a développé une bonne relation."
Un processus cathartique pour Steiner
Günther Steiner n’a jamais eu besoin d’écrire ce qu’il pensait, car il avait bien en mémoire les faits du week-end précédent. Il prenait simplement le temps de les trier dans son esprit lorsqu’il rentrait à l’usine ou chez lui.
"Après les courses, c’était le mercredi, car le lundi je voyage. Je réfléchissais à quoi lui dire et quoi ne pas lui dire, mais je n’écrivais pas. Je suis plutôt bon pour avoir des choses-là en mémoire. Je ne suis pas capable de vous dire quels étaient nos résultats avant Bakou ou Miami, mais je retiens tout ce qui est frais dans ma tête."
Steiner avait initialement instauré ces quelques minutes de conversation dans son planning, mais il a ensuite réalisé que pouvoir poser des mots sur les faits du week-end avait un effet cathartique, qui l’a aidé au fil de la saison.
"Au départ, c’était juste un processus, mais c’était bon pour moi. Le fait de savoir que quelqu’un écrivait réellement l’histoire… je vis dans l’instant, mais quand vous parlez à quelqu’un et que vous vous rendez compte que cette personne a documenté cela, ce qui était une vérité pour moi, m’a aidé."
Un langage châtié pour que les gens "y croient"
Le livre a la particularité d’être écrit sans aucune pincette, et avec peu de formes. Le langage que l’on connaît de Steiner, sans trop de filtres comme il le dit lui-même dans le livre, est reproduit fidèlement. Selon le principal intéressé, c’était le seul moyen de prouver aux lecteurs que c’était bien lui qui s’exprimait.
"Je n’ai pas choisi, on ne m’a pas demandé, mais pour les gens qui regardent Drive to Survive, si le langage avait été différent, je ne pense pas que les gens auraient cru que c’était moi. J’ai juste réalisé cela quand j’ai fait le livre audio, quand je l’ai enregistré je me suis dit ‘wow, je jure beaucoup là-dedans’ !"
"Mais je n’étais pas conscient de cela, je pense juste que si ce n’était pas comme ça, les gens ne penseraient pas que c’est vrai. Je ne veux pas dire que je suis fier de cela, de la manière dont je me comporte, mais si les gens n’apprécient pas cela, ils ne doivent pas le lire."
"Ne le lisez pas pour ensuite m’attaquer pour ce que j’ai dit. Je lis aussi, et si je n’aime pas un livre, je ne dépasse pas la page 20 et il retourne sur l’étagère. Et je respecte les gens qui n’apprécient pas ce langage mais dans ce cas, ne le lisez pas, ça reste le meilleur choix."
Il ne l’a pas relu lui-même, et n’a ainsi pas pris part au processus de version définitive : "Cela n’a pas été discuté ! C’est quelque chose que je n’ai vu que sur le livre fini. C’est comme Drive to Survive, mon responsable presse, qui est là depuis le début, l’a reçu et il l’a lu. Je lui ai dit ‘Stuart, peux-tu faire les corrections ?’, et je ne l’ai pas lu pour l’approuver."
"Car c’est très dur de lire quelque chose comme ça, et je vais craindre de me causer des problèmes et me demander pourquoi j’ai dit ces choses. Je suis très critique, et je ne voulais pas être le critique contre moi, donc quelqu’un peut le lire pour moi, j’ai un gars qui sait exactement ce que je veux, et ça a été la clé pour moi. Quand je l’ai lu, j’ai été gêné… pendant deux jours, et après ça allait !"
Une suite n’est pas prévue pour le moment
L’idée d’une suite n’est pas envisagée par Günther Steiner lui-même, qui ne veut pas tomber dans la facilité et produire un deuxième contenu similaire. Il n’est pas fermé à l’idée de le faire dans le futur, mais il aimerait y apporter une valeur ajoutée. Cependant, il ne s’étonne pas du possible succès d’un second volet de ce livre.
"Après le premier, j’ai dit non, et ils reviennent vers moi régulièrement pour en faire un, mais je dis toujours non. Je ne veux pas en parler maintenant, il ne faut jamais dire jamais, mais je veux que ce soit spécial. Si c’est pour faire plus de quantité de la même chose, je ne veux pas. Je ne pense pas que refaire un livre sur une saison fonctionnerait."
"James m’a dit qu’il avait de bonnes idées, mais je lui ai dit de les garder pour lui car je ne suis pas prêt à cela. S’il vient à des courses, on en parlera, mais je ne veux pas en discuter pour l’instant. Il ne faut jamais dire jamais, mais écrire de nouveau sur une année similaire, comme dans ce livre, je ne pense pas que ça fonctionnerait."
"Je n’ai jamais pensé que Drive to Survive ferait plus de deux saisons, mais ils tournent la sixième, et la cinquième était la plus forte. Mais si on m’avait dit ça, j’aurais dit que les gens rêvaient, donc on ne sait jamais ce que voudront les gens."
Le titre se rapproche énormément de celui de l’émission Drive to Survive, bien que Steiner ne soit pas fan du programme Netflix sur la F1. Néanmoins, il explique que ce choix de titre vient de son éditeur, et que le fait de jouer sur des mots similaires appelle forcément un autre public.
"Le titre n’était pas mon idée, c’était celle de mon éditeur. Je n’ai pas demandé cela spécifiquement, mais les gens qui regardent Drive to Survive reconnaitront les mots et auront peut-être plus d’intérêt. Et on joue avec les mots, je dirais."
On a lu ’Surviving to drive’ : notre verdict
Günther Steiner a donc sorti son propre livre et si les bons mots ont été vite relayés dans la presse et sur notre site, le livre est bien plus riche que cela et vaut le coup de s’y plonger.
En effet, Steiner nous offre, toujours avec son langage fleuri - et habilement traduit en français - une autre facette de la F1 et de ses coulisses. Celle-ci est certainement plus proche de la réalité que la série Drive To Survive de Netflix.
Pour la première fois en F1, un directeur d’équipe raconte l’histoire d’une saison, en mode journal, ce qui permet de ne rien manquer des grands moments de l’année 2022. Gestion d’une équipe, des pilotes, des moments clé du lancement d’une voiture, de la production ou du développement, ainsi que toutes les crises internes qu’une équipe peut traverser sur 12 mois.
On y découvre plus en détail la pression qui accompagne son poste, et le livre permet aussi de se replonger dans la genèse de Haas F1, et dans les années chez Ford, Jaguar ou en NASCAR de l’auteur.
Editeur : Talent Sport
Auteur : Günther Steiner
Nombre de pages : 288
Prix du format livre papier : 21,90 €
Prix du format numérique : 13,99 €
Date de parution : 10/05/2023
Format : 240mm x 150mm
Pour plus d’informations sur le livre (et le commander), cliquez ici.
Photo © Talent Éditions
Haas F1
Magnussen quitte-t-il vraiment la F1 sans regrets ?
Bilan de la saison F1 2024 - Oliver Bearman
Bearman : La Super Formula est ’comme une F1 sans DRS’
Haas F1 : Steiner voulait avoir Hülkenberg dès la 1ère année en 2016
+ sur Haas F1