S’adapter à la Formule E, un défi pour les anciens pilotes de F1

Remettre en question son style de pilotage, un prérequis

Par Alexandre C.

2 février 2019 - 14:00
S'adapter à la Formule E, un (…)

Lors du dernier e-Prix, à Santiago, au Chili, Pascal Wehrlein (photo), qui roule pour Mahindra, a enfin débloqué son compteur points en obtenant une belle 2e place. Parti dans le top 5, Stoffel Vandoorne réalisait également une bonne course, avant de passer sur des débris de gomme et de taper le mur. Felipe Massa a lui abandonné : rien ne va plus pour le Brésilien, qui était déjà passé au travers des deux premières épreuves.

Les anciens pilotes de F1 connaissent ainsi, en Formule Électrique, des fortunes diverses. Certains ont réussi à s’adapter avec succès. C’est ainsi que Jean-Eric Vergne dit "JEV" a été sacré champion la saison dernière. Lucas di Grassi, Nelsinho Piquet ou Sebastian Buemi, anciens pilotes de F1, ont eux aussi remporté un titre en Formule E les années précédentes.

Pourtant, comme en témoignent les difficultés d’adaptations de Felipe Massa, un pilote pourtant chevronné et réputé, passer de la Formule 1 à la Formule E n’est pas une mince affaire, et suppose de revoir en grande partie ses techniques de pilotage. « Ce n’est pas facile. Il y a tant de choses que vous devez changer, spécialement quand vous avez l’habitude piloter en F1 » se lamentait ainsi récemment l’ancien pilote Ferrari. Qu’est-ce qui explique ces difficultés potentielles ?

La première et plus grande différence tient à la nature électrique de la discipline : il faut donc, en course, que les pilotes gèrent leur puissance, bien plus qu’en Formule 1. Le lift-and-coast devient systématique. De ce fait, le pilotage d’une Formule E se rapproche ainsi de l’endurance, et ce n’est dès lors pas un mystère de voir certains pilotes avec l’expérience du WEC (André Lotterer, mais aussi Sébastien Buemi ou Lucas di Grassi) arriver en Formule E. En F1, même depuis 2014, cet aspect de gestion d’énergie est tout de même bien moins présent.

L’adaptation à ce nouveau style de pilotage est encore compliquée par la différence énorme existant entre les qualifications et la course en FE. Comme l’explique encore Felipe Massa, il faut totalement changer « d’état d’esprit » en qualifications, où un pilote n’a qu’un seul tour pour briller, avec cette fois-ci la pleine charge de puissance.

Pour ne rien arranger, contrairement aux F1, les Formule E ont beaucoup moins d’adhérence et leur traction est bien moins efficace. Si l’on ajoute à cela le poids significatif des monoplaces de Gen 2 par rapport à leur puissance (900 kg, dont 385 kg pour les batteries, pour 270 chevaux en course), un système de freinage plus complexe à maîtriser, et une fenêtre d’exploitation plus étroite, on comprend pourquoi certains pilotes de F1 apparaissent décontenancés. Quand l’on a connu l’agilité et la vélocité des F1, leur réactivité sans précédent, passer à des monoplaces électriques, plus complexes à dompter, demande beaucoup de patience et d’abnégation…

A ce tableau, il faut encore rajouter la nature des circuits. La Formule E a construit son identité sur des circuits urbains, au contact des populations. Par conséquent, les tracés sont souvent sinueux, étroits (les murs ne sont jamais loin), courts – une sorte de Monaco permanent. Pour ne rien arranger, ils sont souvent très bosselés et poussiéreux – comme à Santiago, lors de la dernière course. Les pilotes n’ayant jamais brillé en circuit urbain, en F1, éprouvent ainsi de grandes difficultés : or l’on sait que Felipe Massa brillait rarement à Monaco…

Enfin, les pilotes n’ont que très peu de temps de roulage pour s’adapter à toutes ces contraintes. Un e-Prix se déroule sur une seule journée, avec deux courtes séances d’essais libres, alors qu’en F1, les pilotes ont trois jours pour revoir leurs copies, réviser leurs zones de freinage, apprendre de leurs erreurs. En Formule E, il s’agit d’être opérationnel tout de suite, alors que la courbe d’apprentissage est très raide.

Pour toutes ces raisons, l’on comprend ainsi pourquoi il ne faut pas attendre qu’automatiquement, un bon pilote de F1 devienne un bon pilote de Formule E. Certains anciens de la discipline reine, comme bien sûr "JEV", ont pourtant réussi à faire le grand saut… non sans avoir profondément remis en question leur style traditionnel de pilotage. Pour percer enfin en Formule E, Felipe Massa devra nécessairement passer par cette étape.

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