Jordan et Super Aguri : les galères de Takuma Sato en F1

D’une voiture ratée à une maquette d’aéroport !

Par Emmanuel Touzot

15 octobre 2023 - 13:16
Jordan et Super Aguri : les galères (…)

Quand Takuma Sato a débuté en F1, en 2002 chez Jordan, il a pu effectuer des tests avec la Jordan EJ11 de 2001. Le Japonais avait été agréablement surpris par la monoplace de l’année précédente, et il espérait pouvoir bénéficier d’une voiture plus efficace encore en 2002, alors que l’équipe était confiante après ses tests en soufflerie.

"La EJ11 était une voiture très versatile pour le pilote" se souvient Sato. "Elle n’atteignait pas nécessairement le maximum d’appui, mais elle avait une large fenêtre qui permettait au pilote d’avoir de l’adhérence et de la force d’appui utilisables. Mais avec l’EJ12, ils ont gagné une quantité significative d’appui, mais seulement dans la soufflerie !"

En effet, les premiers tests en piste avec l’EJ12, dont la philosophie était plutôt radicale, ont été catastrophiques. Giancarlo Fisichella, son équipier cette saison-là, s’est vite montré alarmiste sur le rythme de la monoplace.

"Giancarlo a été le premier à faire un commentaire lors du shakedown, il pensait que la voiture était cassée parce que je crois que nous étions à quelques secondes du rythme de la EJ11 de l’année précédente, et tout le monde se grattait la tête parce qu’elle était censée avoir plus d’appui."

La délivrance est arrivée au Japon devant ses fans

Après une saison difficile, la délivrance vint à Suzuka, devant son public, où Sato avait l’habitude de se montrer à son avantage. Après un test pneumatique réussi à Silverstone, où il avait beaucoup travaillé avec son ingénieur d’alors, James Key, le Japonais était confiant, et à juste titre. Et c’est comme ça qu’il a compris que la voitur

"Ce jour-là, je pouvais presque tout sentir. Je pouvais également sentir les cloques qui commençaient à apparaître, alors qu’avant je ne les sentais pas vraiment. J’ai appris beaucoup de choses. J’étais en pleine confiance avec la voiture et avec moi-même, et puis bien sûr, on était à Suzuka où j’avais fait des centaines de tours."

Ce week-end précis, Sato et Jordan ont réussi leur préparation, et tout s’est bien déroulé : "Tout au long des essais, nous avons progressé et les choses sont devenues plus faciles. L’EJ12 fonctionnait de mieux en mieux et, au bout du compte, c’était une voiture superbe !"

Sato a finalement terminé cinquième de la course, inscrivant ses premiers points en F1 par la même occasion : "Eddie Jordan était très heureux, l’équipe était très heureuse et j’étais aux anges. C’était un moment très spécial. C’était un week-end inoubliable."

Un rebond chez BAR aux côtés de Button

Après ce passage mitigé chez Jordan, il s’est retrouvé sans volant en 2003, jusqu’à avoir une pige, de nouveau à Suzuka, chez BAR. Aux côtés de Jenson Button, il est rentré dans les points, et cela lui a confirmé sa place pour 2004 et 2005. Ceux années durant lesquelles il a signé un podium et jouait des places d’honneur.

"Jenson et moi étions tout le temps en mesure de défier les pilotes de tête. J’ai connu la première ligne avec Michael Schumacher au Nürburgring et le podium inoubliable d’Indianapolis. Nous étions en train de devenir une équipe importante et compétitive, et tout se mettait en place, alors nous avions de grands espoirs."

Mais quand Honda a racheté BAR, Sato a paradoxalement perdu sa place. Cependant, le constructeur a décidé d’assembler une équipe à la dernière minute. Super Aguri, c’était son nom, était une structure dirigée par Aguri Suzuki et soutenue par Honda.

Mais le manque de préparation et de moyens ont obligé l’équipe à acheter des vieilles Arrows de 2002, qui furent alors mises aux normes du règlement 2006 (photo), et utilisées pour la course. Celle de Sato en début d’année était même une récupération de maquette d’exposition à l’aéroport de Melbourne, et les résultats furent catastrophiques.

"En fait, ma voiture de course était la voiture d’exposition au duty free de l’aéroport de Melbourne, alors nous l’avons achetée, ramenée par avion de Melbourne au Royaume-Uni, démontée et adaptée à la réglementation !"

Une fin "très triste" pour Super Aguri

Malgré des années de galère chez Super Aguri, Sato garde comme bon souvenir sa sixième place du Grand Prix du Canada 2007 : "C’était inoubliable. J’ai dépassé une Ferrari, Kimi Räikkönen, et une McLaren, Fernando Alonso, dans une très bonne voiture. C’était donc une histoire incroyable."

Reprenant la monoplace l’année précédente utilisée par Honda, Super Aguri dut récupérer la RA107, utilisée en 2007 avec la livrée terre, et des performances déplorables. Ce pas en arrière fut suffisant pour que Honda arrête les frais : "C’était un moment très triste. 2007 a été un grand pas en avant pour nous, et 2008 a été une sorte de retour en arrière."

"Mais sachant que les nouveaux règlements allaient arriver en 2009, nous avions de grands espoirs d’avoir une voiture très compétitive, similaire à celle de Red Bull et Toro Rosso, car les règlements autorisaient l’utilisation de certains composants communs et la construction d’une voiture presque identique. C’était donc l’idée de base."

Sato espérait donc un rebond en 2009 : "En 2008, nous devions subir la douleur, mais en 2009, nous devrions être en mesure de reprendre le chemin de la compétition." Mais le projet Super Aguri fut arrêté en mai 2008, tandis que Honda quitta la F1 quelques mois plus tard.

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