’C’était borderline’ : Alfa Romeo a ‘garé le bus’ devant les Aston Martin F1 à Abu Dhabi

Avant le départ du Grand Prix d’Abu Dhabi, 5 points séparaient Aston Martin F1 (7e au classement des constructeurs) d’Alfa Romeo (6e).

L’enjeu sportif était de taille, mais plus encore peut-être l’enjeu financier (près de 12 millions de dollars d’écart entre les deux positions, le chiffre final du prize-money de l’année restant encore à régler dans les détails).

Et il s’en est fallu d’un cheveu pour qu’Aston Martin F1 réussisse son pari : Lance Stroll (8e) et Sebastian Vettel (10e) ont inscrit 5 points. Il y a eu donc égalité au compteur entre les deux équipes, mais Alfa Romeo a tout de même fini 6e à la faveur de la 4e place de Valtteri Bottas à Imola.

Or en ce Grand Prix précis d’Abu Dhabi, Alfa Romeo avait adopté une stratégie bien particulière : non pas essayer de finir le plus haut possible… mais plutôt essayer de perturber la course des Aston Martin F1 !

Car Alfa Romeo, qui n’a marqué que 4 points en cette deuxième moitié de saison (pire bilan de tout le plateau), savait qu’elle n’aurait pas le rythme pour jouer les points à la régulière. La meilleure défense, c’était donc perturber la course des Verts.

Le directeur de l’ingénierie de piste, Xevi Pujolar, a avoué bien volontiers cette approche peu orthodoxe… En clair, Valtteri Bottas et Guanyu Zhou ont eu une stratégie décalée pour essayer de bloquer Lance Stroll et Sebastian Vettel en piste.

« Il ne s’agissait pas tant de montrer de la performance en piste pour obtenir des points. Notre objectif était de dire : "OK, si c’est possible [les points], oui ", mais la priorité numéro un était de s’assurer qu’ils [Sebastian Vettel et Lance Stroll] perdent du temps derrière nous. »

« Les pilotes ont fait un travail fantastique à ce sujet, surtout Zhou. Chaque seconde de retard rendrait plus difficile leur objectif [à Aston Martin F1] pour obtenir la sixième place. Les pilotes et toute l’équipe peuvent en être très fiers. »

Voici aussi pourquoi Valtteri Bottas a été un des deux seuls pilotes à partir en durs.

« Je devais attendre que les Aston rentrent aux stands et ensuite leur rendre la vie difficile une fois qu’ils me rattraperaient » explique le Finlandais.

« Nous n’avions pas beaucoup de rythme et ma stratégie était très différente, je voulais garder les voitures vertes derrière moi aussi longtemps que possible. »

« A la fin, c’était très serré dans les points avec eux. À un moment donné, il semblait qu’ils allaient nous avoir ! »

Et effectivement, Valtteri Bottas (en durs usagés) a bien pu bloquer, non Lance Stroll en première moitié d’épreuve (le Canadien le dépassait rapidement), mais plutôt Sebastian Vettel (en durs neufs), pendant quatre tours.

Quant à Guanyu Zhou, il a notamment pu bloquer Sebastian Vettel pendant deux tours (entre le 41e et le 43e tour), lui faisant perdre de précieuses secondes. Cela peut paraître peu, mais en réalité, quand on sait que Sebastian Vettel a fini la course dans l’aileron arrière de la McLaren de Daniel Ricciardo (dans la bataille à la 9e place), ce temps perdu a bien été décisif : car avec un tour de plus, Vettel aurait dépassé Ricciardo et inscrit le point qui manquerait au final à Aston Martin F1 !

Guanyu Zhou revient lui aussi sur cette course bien particulière pour lui.

« Tout au long de la course, la situation était claire : si nous ne pouvons pas les battre sur la piste, nous sacrifierons des positions pour laisser aux McLaren et aux Alpine une fenêtre claire d’avance sur les Aston. Ça s’est produit. »

« À la fin, c’était très serré - égalité de points - mais je savais que chaque petite marge fait la différence, donc c’est vraiment important pour l’équipe pour l’année prochaine. »

Une stratégie assumée par Alfa Romeo

Un autre abandon en tête de course (après celui de Lewis Hamilton) aurait compromis le résultat final et permis à Aston Martin F1 d’inscrire ce fameux point manquant.

Finalement, Pujolar ne pense-t-il pas que cette stratégie était trop risquée ? Fallait-il vraiment mettre son destin dans les voitures des autres en partie ?

« On s’était dit : si après le premier tour, nous nous trouvons très près des points, alors nous changeons notre approche. Pour Zhou, ça s’est produit, parce qu’il était plus haut, donc nous avons laissé quelques tours de plus pour voir comment tout fonctionnait. »

« Donc nous avons fait ça au début avec une seule voiture. Mais ensuite, quand nous avons vu qu’il y avait un certain risque qu’ils marquent des points et que pour nous ce serait difficile, nous avons essayé d’interagir avec les deux voitures. C’était plutôt réussi. »

Des manœuvres ’borderline’ selon Aston Martin F1

Du côté d’Aston Martin F1, comment a-t-on vécu cette approche ’tout ou rien’ d’Alfa Romeo ?

Mike Krack, le directeur d’écurie, n’a pas jugé en soi la stratégie de l’équipe - mais plutôt les manœuvres de défense de Valtteri Bottas comme de Guanyu Zhou, qu’il a trouvées très limites...

« Nous avons eu une excellente fin de saison dans l’ensemble et la situation aurait pu basculer dans l’autre sens. Donc je pense que la frustration ne serait pas appropriée de notre côté. »

« Nous savions qu’il fallait être conservateur lorsque nous les dépassions et je pense que les deux pilotes ont géré ça correctement. »