11e équipe de F1 : comment le meilleur argument des opposants s’est retourné contre eux
La F1 n’est plus menacée financièrement
C’est donc acté : la FIA a décidé de lancer un appel d’offres pour attirer une 11e (voire une 12e) équipe en F1.
Et un concurrent très sérieux – si ce n’est impossible à refuser – s’est déjà présenté, avec le nouveau projet Andretti-Cadillac annoncé aujourd’hui même.
Il faudra bien sûr que la FIA accepte la candidature d’Andretti-Cadillac – et Michael Andretti lui-même est très confiant, comme il l’a confié, après la divulgation de ce partenariat solide.
« Oui, nous le pensons. En fin de compte, il s’agit toujours d’une série de la FIA. »
« Le Président [Mohammed Ben Sulayem] a clairement montré qu’il aimerait vraiment avoir une 11ème équipe, au moins sur la grille. C’est un "racer", et il comprend l’importance de cela pour la série elle-même. »
« Donc, oui, nous sommes très confiants, surtout grâce à notre excellent partenariat avec Cadillac, nous avons une très, très, très bonne chance de cocher toutes les cases et de pouvoir être sur la grille bientôt. »
« Je le crois à 1000% [que nous allons entrer en F1]. Je crois que nous avons coché toutes les cases qui doivent être cochées pour pouvoir entrer en F1. Et j’ai l’impression que nous sommes définitivement en avance sur nos concurrents pour y arriver. Donc oui, je suis très, très confiant que nous serons bientôt sur la grille. »
La réaction attendue de Mohammed Ben Sulayem et de la FIA est donc très positive.
Un même accueil très positif des équipes ? C’est à voir !
Mais comment cette nouvelle sera-t-elle accueillie par les 10 écuries actuelles ? Il ne faut pas en douter, la plupart – mais pas toutes – des structures existantes, au-delà des réactions de façade, ne déboucheront pas forcément le champagne – en particulier les équipes les plus modestes.
Car les arguments que les équipes (les plus modestes) ont longtemps brandis pour s’opposer à l’arrivée d’une 11e équipe en F1 (en particulier Andretti), n’ont donc pas été entendus par la FIA : mais pourquoi donc ?
En vérité, il faut se remémorer, tout d’abord, quels étaient ces arguments « massue » des 10 structures existantes, pour faire blocus à une 11e.
Ce sont pour des raisons principalement de stabilité financière que la majorité des équipes, face à la rumeur Andretti, avaient décidé d’adopter une posture négative, voire offensive. En clair, les équipes craignent la dilution des revenus : le gâteau des revenus à se partager serait moins massif, les équipes en perdant 10 % (puisqu’il faudrait distribuer des revenus à une 11e écurie).
Il existe certes un fonds anti-dilution (la nouvelle entrante doit verser 200 millions de dollars à la FIA, qui les redistribue à parts égales entre les équipes) : mais 20 millions de dollars en une seule fois ne semble pas suffisant, pour compenser la perte de 10 % des revenus sur le long terme... très loin de là.
Le plus révélateur des points de vue était peut-être celui de Frédéric Vasseur, le patron d’Alfa Romeo, une des équipes les plus fragiles du plateau et qui n’était pas tout à fait au plafond budgétaire, encore en 2022.
« Nous n’avons pas besoin d’accueillir une nouvelle équipe, pour mettre en danger deux ou trois équipes sur la grille » résumait ainsi le Français en mai dernier.
Cette inquiétude était encore partagée par Günther Steiner, le patron de Haas. Et cela pour deux raisons parfaitement compréhensibles : d’une part, Haas, comme Alfa Romeo, est une équipe encore fragile, qui a frôlé le pire suite au départ d’Uralkali ; d’autre part, Haas redoute la perspective de voir arriver une rivale américaine (Andretti étant sur les rails).
« Si une 11e équipe arrive et qu’elle apporte, disons 10% de revenus supplémentaires, pourquoi pas ? Mais si une onzième équipe arrive et enlève un onzième des revenus actuels, vous diluez les revenus de tous les autres ? Pourquoi feriez-vous cela ? » lançait ainsi Steiner. « Je pense que la F1 sait, et Stefano sait que le sport est dans une très bonne situation en ce moment. L’ajout d’une onzième équipe crée-t-il plus de revenus ? Est-ce que cela rend la Formule 1 plus grande ? »
Une question toute rhétorique dans la bouche de Günther Steiner…
Les risques liés à la stabilité financière réveillent de douloureux souvenirs
Les points de vue de Frédéric Vasseur et Günther Steiner sont certes compréhensibles… ils portent en eux les stigmates de la crise violente qu’a traversée la F1 dans les années 2010.
Les trois structures apparues en 2010, Caterham, HRT et Marussia, ont toutes disparu au fur et à mesure des années 2000 (la dernière survivante étant Manor-HRT). Ces précédents exemples servent de premier argument à Günther Steiner et Frédéric Vasseur : il ne faudrait pas attirer de nouveaux canards boiteux, en fragilisant de surcroît la santé financière d’équipes fragiles.
C’est d’ailleurs pourquoi la stabilité financière, la solidité budgétaire d’un projet, sont les prérequis fixés par la FIA, dans son appel d’offres, pour attirer une 11e équipe.
Du reste, faut-il encore rappeler qu’en 2019 ou 2020, Haas, Alfa Romeo, Williams étaient en situation de grand péril financier. Williams a par exemple évité la liquidation en étant vendue à Dorilton Capital. Pourrait être évoquée aussi la situation de Force India, que seuls les millions de Lawrence Stroll ont sauvée de la faillite.
Mais ces craintes liées à la stabilité financière n’existent plus aujourd’hui
Cependant, les arguments qui étaient valables en 2019 ou 2020 ne le sont plus tellement aujourd’hui. C’est la rançon du succès pour Haas, Alfa Romeo et Williams : la santé financière de la F1 s’est améliorée et par conséquent, la F1 a moins à redouter la disparition de structures qui ne sont plus tellement si fragiles. En particulier depuis que Dorilton Capital a racheté Williams, et depuis que Sauber a annoncé faire équipe avec Audi.
En effet, la F1 profite d’un effet ciseau dont rêverait tout chef d’entreprise. Les revenus sont en hausse, et les dépenses en baisse. Du côté des revenus, la conquête de nouveaux marchés, aux USA, ou vers les jeunes et les femmes (merci Netflix !), l’affluence record sur les pistes, les droits des promoteurs en hausse, tout cela va directement dans la poche de la FOM et des équipes. Du côté des dépenses, l’apparition des budgets plafonnés permet d’apporter à la fois une baisse et une prévisibilité des dépenses, un argument d’une puissance incroyable pour tout investisseur.
Si bien que comme le révélait Toto Wolff en janvier dernier, les équipes de F1, jadis puits sans fonds, sont aujourd’hui rentables : « Pour nous, c’est le cas, depuis la saison 2021. Moteur exclu. Pour être plus précis, hors coûts de développement moteur. »
Quant à la valorisation d’une équipe F1, même hors des écuries de pointe, Zak Brown, le PDG de McLaren Racing, l’estimait à près d’un milliard. Ecoutons-le : « Les équipes de Formule 1 peuvent certainement valoir des milliards. Il y a beaucoup de franchises sportives - NFL, NHL, la Premier League, NBA etc., qui valent des milliards. Maintenant que Liberty est arrivé et a rendu le sport financièrement viable, financièrement durable, nous avons vu une croissance rapide des pays qui veulent des courses. McLaren sera une équipe de course rentable dans un avenir pas si lointain. Avant la mise en place du plafond budgétaire, je ne pense pas que vous auriez pu dire cela. »
C’est d’ailleurs parce qu’une équipe de F1 vaut tellement d’argent maintenant – et parce que le sport est redevenu profitable – que Sauber n’avait pas voulu se vendre à Andretti – il avait fallu une offre sûrement à prix d’or d’Audi pour forcer la main.
En somme, les arguments brandis durant des années par les 10 équipes de F1 pour refuser l’arrivée d’une 11e, étaient légitimes en leur temps, et permettaient en effet de contenir l’entrée en lice d’une nouvelle structure.
Ces arguments étaient efficaces, mais ils sont révolus : désormais, la stabilité financière des équipes est pour de bon assurée ; si bien que l’argument brandi par Frédéric Vasseur, Günther Steiner et consorts se retourne désormais contre eux. Cette opposition, jadis légitime, devient aujourd’hui anachronique et hors-sujet.
De surcroît, l’arrivée d’un constructeur aussi prestigieux que Cadillac – avec derrière General Motors - permettra sûrement d’accroître la présence de la F1 aux USA et ainsi, le chiffre d’affaires. C’est ainsi le gâteau des revenus à se partager qui va grossir ! Et c’est un autre argument qui tombe pour les 10 structures du plateau...
Telle est en définitive la rançon du succès pour la F1 comme pour les écuries de milieu de grille : puisqu’elles vont si bien, alors le temps de la survie et de la fermeture se termine, pour ouvrir celui du partage et de la générosité !
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