Spa : Analyse d’une catégorie LMP1 à deux vitesses !

La course automobile, c’est un peu comme le loto. Il est difficile d’avoir les numéros gagnants même si dans le cas des 6 Heures de Spa il était assez facile d’avoir quatre bons numéros mais il restait à savoir dans quel ordre. Dire qu’Audi allait s’imposer semblait si évident que personne n’avait imaginé un autre scénario.

Romain Dumas nous avait prévenu : « le danger viendra de nous-mêmes et il faudra ne pas s’accrocher et tenir compte de la fiabilité ». Certes rien n’était joué d’avance mais avec quatre toutes nouvelles Audi face à elles-mêmes, la marque aux Anneaux avait de quoi voir venir, la seule inconnue étant la fiabilité. La pluie était attendue mais elle n’est pas venue ou alors que partiellement en début de course. Le match e-tron quattro/ultra a vite tourné à l’avantage des hybrides avec un André Lotterer très à son aise durant son relais de départ. C’est lors du premier ravitaillement que tout a basculé avec trois R18 qui repartaient en intermédiaires et une en slicks. En tournant quatre secondes plus vite, Marc Gené (R18 ultra) a fait parler la poudre pour remonter le handicap de la #3, l’Espagnol faisant un come-back impeccable en Endurance. Romain Dumas que Loïc Duval ou Marc Gené ont donné sa toute première victoire à la R18 ultra, et ce dès sa première sortie face à la concurrence. Si certains attendaient des consignes d’équipe pour qu’une e-tron quattro rafle la mise, ils en ont été pour leurs frais. On trouve toutefois une hybride sur le podium, avec Fässler/Tréluyer/Lotterer deuxièmes. La piste sèche a avantagé les R18 ultra, sachant que le seul problème rencontré sur les quatre Audi reste un changement de capot avant sur la #2 de Capello/McNish/Kristensen suite à un éclairage défaillant avec une minute perdue dans l’affaire. Pour le reste, rien ne sera venu entraver la marche en avant des R18, comme le confiait Ralf Jüttner, Directeur Technique Audi Sport Team Joest, à l’arrivée : « Nous avons beaucoup appris avec les quatre voitures et des stratégies de pneumatiques différents. Nos quatre Audi ont terminé sans rencontrer le moindre problème et la décision d’Audi d’opter pour deux concepts différents est la bonne. La R18 e-tron quattro est très forte mais la R18 ultra a elle aussi des avantages. C’était une bonne répétition générale avant Le Mans. »

L’équipage victorieux a joué sur une stratégie d’économie de carburant qui s’est avérée payante. En fin de course, Romain Dumas choisissait de ne pas changer de pneumatiques, avec là aussi un choix gagnant. La e-tron-quattro #1 des vainqueurs des 24 Heures du Mans pouvait sans conteste s’imposer mais la sortie de la voiture de sécurité a fait perdre 35s, l’auto étant bloquée à la sortie des stands. Marcel Fässler a eu beau cravacher mais sans succès : « Il était difficile de rattraper un tel écart. Après mon arrêt au stand, une roue s’est bloquée lors d’un freinage. Il y avait ensuite de fortes vibrations. Nous avons vite compris que notre but était de marquer des points au championnat. » Sur la #2, Dindo Capello a été chargé de rouler durant trois relais avec les mêmes gommes, afin de préparer Le Mans. En fin de relais l’Italien était en proie à un survirage et des pneus plus usés que prévu, conséquence d’un set-up défavorable. L’équipage a ensuite été pénalisé par un stop&go. Au final on a donc Audi et personne derrière. Toyota étant absent, ce n’est pas du côté des « Essence » que la menace pouvait venir.

La meilleure des « non Audi » en qualifications était la Lola-Toyota B12/60 Rebellion Racing #12 reléguée à 2.6s. A l’arrivée, les deux autos de l’écurie suisse ont raflé les deux premières places des équipes privées, la meilleure des deux Lola-Toyota terminant à 4 tours. Le nouveau package 2012 est bien en place mais le passif des « Essence » est toujours bien là et ce nouveau package ne changera pas la donne si bien que l’on assiste toujours à une course dans la course. On notera la belle prestation de Nick Heidfeld, l’Allemand prenant goût à l’Endurance : « C’était une très bonne course ! Nous avons eu de belles passes d’armes dans le trafic. Durant mon relais j’ai été touché par une GT mais je n’ai pas concédé trop de temps. Je dois encore apprendre cette particularité de l’Endurance qu’est le trafic. Les pneumatiques Michelin nous ont permis de boucler de bons relais sur la durée. Ce résultat est très important pour nous car il confirme le potentiel du nouveau kit aéro de la Lola. Nous serons encore plus confiants pour la prochaine course qui sera...les 24 Heures du Mans ! »

Les HPD ARX-03a n’ont guère été en mesure d’inquiéter les autos du Rebellion Racing même si celle du Strakka Racing a fait quelque peu illusion en début de course, le set-up de la HPD étant meilleur sur une piste humide. Accidentée en essais libres, l’auto du Strakka Racing a été remise en état, la 7ème place finale récompensant le travail de toute une équipe, ce que confirme Danny Watts : « Après le revers en essais libres, nous avons fait une bonne course et personne n’a commis la moindre faute. Les pneus ont bien fonctionné et notre rythme était bon. Nous sommes ravis de marquer de bons points dans l’optique du championnat. » Chez JRM Racing, c’est un sentiment de frustration qui raisonne à l’issue de la course. Karun Chandhok a donné du travail au team après sa sortie durant le warm up si bien que la HPD a dû s’élancer des stands. Nigel Stepney, Team Manager, dresse le bilan : « Spa était notre deuxième course et par deux fois nous avons dû partir de la voie des stands. Ce serait agréable de partir de la grille. La semaine a été difficile pour l’équipe et tout le monde a produit beaucoup d’efforts. Chaque course est pour nous un apprentissage. »

La bonne surprise est venue de la Dome S102.5 du Pescarolo Team, capable à la régulière de titiller les autos « Essence » de pointe. En piste, Sébastien Bourdais et Nicolas Minassian n’ont pas amusé le terrain si bien qu’une place dans les sept premiers était tout à fait envisageable sans un arrêt prolongé en fin de course (faisceau électrique). Au final la Dome S102.5 termine 15ème, ce qui ne reflète pas le potentiel de l’auto et de l’équipe. L’équipe sarthoise va maintenant se préparer pour Le Mans, une épreuve qui n’a plus aucun secret pour Henri Pescarolo et ses hommes. Si la Dome est en route pour le double tour d’horloge, qu’en est-il de la Pescarolo 03 ? Il semble que l’on en saura plus d’ici les prochains jours mais le compte à rebours est lancé dans le Technoparc.

Point de OAK-Pescarolo à l’arrivée avec un abandon à trois minutes de la fin suite à la casse de la suspension arrière gauche alors que Guillaume Moreau était en piste. Si l’équipage Moreau/Baguette/Kraihamer n’a pas commis la moindre faute, il manque encore un peu de puissance au Judd. Sur ses terres, Bertrand Baguette aura passé près de la moitié de la course dans le baquet : « C’était très bien de pouvoir passer beaucoup de temps dans la voiture et c’est une vraie preuve de confiance de la part du team. Quatre relais d’affilée, c’est beaucoup, mais je me suis fait très plaisir, surtout ici à Spa, chez moi ! Malheureusement la voiture n’a pas passé la ligne d’arrivée à cause d’un problème de suspension à trois minutes de la fin, et c’est forcément décevant. »

Toyota étant absent des Ardennes belges, Audi avait une voie royale pour s’imposer. Pourtant le public ne s’y est pas trompé avec 31 000 personnes présentes à Spa-Francorchamps. On attendra maintenant de savoir ce que va donner la première confrontation Audi/Toyota lors de la Journée Test des 24 Heures du Mans même si la présence des deux TS030 Hybrid n’est pas assurée à ce jour. Même si l’affiche Audi/Toyota a de quoi faire déplacer les foules en juin prochain, on espère que ce qui se passera du côté des « Essence » ne sera pas passé sous silence car avec Rebellion Racing, OAK Racing, JRM Racing, Strakka Racing et Pescarolo Team, on a de quoi avoir une belle course et nous dirons une fois de plus qu’il va falloir faire attention à ne pas occulter la présence des équipes privées sous peine de les lasser...