Refusée pour les moteurs, présente ailleurs : la BoP n’est-elle pas déjà une réalité en F1 ?
L’équilibrage des performances, le mot tabou ?
La « BoP » en question à la Commission F1
Dans le cadre de la discussion sur les gels moteurs à partir de 2022, finalement validés, la question de l’équilibrage des performances a été également discutée par la Commission F1.
Ce mécanisme existe déjà en particulier en WEC, où il est d’ailleurs très contesté. En clair, les LMP1 Toyota hybrides, bien plus rapides en soi que les ByKolles et autres Rebellion, étaient artificiellement désavantagées, de plusieurs dixièmes par tour, pour que les performances de chaque monoplace soient équivalentes. Ce même mécanisme prévaut aussi en GT aux 24 Heures du Mans par exemple.
La « BoP » (balance of performance) a ainsi des avantages : le spectacle proposé est meilleur puisque les voitures ont toutes plus ou moins la même performance. Mais bien sûr, ce spectacle est artificiel. Et mieux vaut ne pas écraser une discipline ou une course : les pénalités de BoP seront alors sévères, les meilleurs punis, et les cancres récompensés.
Alors que les moteurs seront gelés d’ici 2022, la F1 a donc réfléchi à un tel mécanisme pour ses V6. Parce qu’arriverait-il si un motoriste ratait totalement son unité de puissance début 2022 (par exemple en négociant mal le virage des 10 % de biocarburants obligatoires) ? Il serait bloqué pour plusieurs années. Quand on sait ce qui est arrivé à Ferrari l’an dernier, l’hypothèse est plausible…
Cependant aucun accord sur la BoP n’a été encore trouvé au sein de la Commission F1. La FIA, et Mercedes, veulent surtout éviter d’ouvrir une boîte de Pandore, qui nierait 70 ans d’histoire de la F1 – un sport fait d’innovations technologiques où les meilleurs sont récompensés et où la compétition n’est pas artificiellement faussée.
Gilles Simon, responsable des moteurs au sein de la FIA, se montrait ainsi confiant : « D’après ce que nous savons des moteurs, nous nous attendons à ce qu’ils soient tous dans une plage de performances très étroite d’ici 2022. N’oubliez pas que nous avons encore deux chances pour que les moteurs s’alignent naturellement - cette année et l’année prochaine. A ce jour, nous ne pensons pas devoir intervenir en externe pour ajuster les performances. »
Une BoP qui existe déjà ailleurs ?
Cependant en vérité, la BoP n’est-elle pas déjà présente, sous une autre forme, en F1 ? Une BoP qui serait bien là mais dont-on-ne-voudrait-pas-prononcer-le-nom ?
Toute la logique de Liberty Media et de la FIA en effet, depuis plusieurs années, est de rapprocher les performances entre les équipes.
Il existe ainsi une « BoP » non pas sur le plan des moteurs, mais sur le plan de l’aérodynamique. Cela s’appelle le règlement 2022. Il est en effet simplifié, au point que les ingénieurs (et donc les budgets de chaque équipes) ne pourront faire vraiment la différence que sur un nombre plus limité de pièces ou parties. Ainsi, les différences entre les équipes pourraient s’amenuiser.
De même, la limitation du temps maximal passé en soufflerie ou en CFD pour les meilleures équipes, introduite cette année, équivaut à une BoP « développement technique ». Mercedes aura 12,5 % de temps de développement en moins, en soufflerie et en CFD, que Ferrari par exemple – ce qui revient là encore à favoriser les perdants, et à pénaliser les bons élèves.
Il existe aussi une « BoP » financière et budgétaire. Elle s’appelle « budgets plafonnés » – pour rapprocher les finances de chaque équipe, hors exception, avec un plafond de 145 millions de dollars. Elle s’appelle aussi « redistribution des revenus » : le fameux prize-money, redistribuant les droits TV de la FOM, est même devenu plus équitable entre les écuries de pointe et le milieu de grille avec la signature des nouveaux Accords Concorde.
En somme cela fait des années que la F1 est engagée sur la voie du nivellement des performances, parfois à bas bruit. Cette « BoP » globale et peut-être non-assumée est certes compréhensible : pour assurer un meilleur spectacle, pour faire en sorte que l’argent compte moins, et le talent individuel des pilotes davantage.
Mais cette évolution plus ou moins tacite provoque aussi déjà des rancœurs : Adrian Newey par exemple s’est dit peu favorable au nouveau règlement F1, qu’il trouve limité aérodynamiquement. « Ces nouvelles règles techniques pour 2021 sont très restrictives, elles ont tendance à tout normer. Et je pense que c’est terriblement dommage. Cela va faire de la F1 une sorte de GP1, ce qui n’est pas ce que la Formule 1 devrait être selon moi » lançait-il ainsi récemment.
La BoP, bonne pour le spectacle, mauvaise pour l’ADN de la F1 ? Le dilemme ne date pas d’hier.
Lorsque la F1 dit aujourd’hui, qu’elle n’introduira « jamais » de BoP, il ne faut donc pas se leurrer : certes, il ne s’agit pas de mettre des poids dans des voitures et a posteriori ; les moyens employés sont plus légitimes, moins injustes, moins spectaculaires et flagrants. Il n’en demeure pas moins que la F1 commence à suivre la pente de l’IndyCar vers plus de standardisation, de normalisation, de rapprochement des performances. Les dominations successives de Red Bull et de Mercedes plaident pour : sacrifier un peu de l’ADN de la F1 pour un peu plus de spectacle, est sûrement la bonne voie à suivre… même si elle n’est pas toujours assumée !
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