Les courses sprint en F1, une concession indispensable pour reconquérir le jeune public ?

Un parallèle générationnel avec le foot peut être dressé

Par Alexandre C.

9 février 2021 - 18:13
Les courses sprint en F1, une concession

Peu échaudé par le refus préalable de la plupart des équipes, surtout de pointe, Stefano Domenicali a récemment relancé l’idée des « courses sprint », le samedi. Il s’agirait ainsi de réduire la durée habituelle d’un Grand Prix (90 minutes environ) pour aller vers des épreuves plus courtes (une demi-heure), denses et potentiellement plus attractives pour le téléspectateur.

« Je pense qu’il est important de penser à de nouvelles idées qui pourraient être plus attrayantes ou intéressantes. Nous n’avons pas à perdre l’approche traditionnelle de la compétition » déclarait ainsi Stefano Domenicali. « Ce que nous regardons, c’est la manière dont nous pourrions envisager une possible course sprint le samedi. Nous réfléchissons pour savoir si ça pourrait être testé dès cette année. Il y a des discussions qui se déroulent avec les équipes au bon endroit. Et je pense que cela pourrait être la seule chose intéressante. »

Ces courses, plus courtes, remplaceraient les qualifications le samedi après-midi. Des qualifications pour la course sprint auraient lieu le vendredi, à la place des essais libres 2. Un vote aura lieu ce jeudi pour discuter de cette issue (les détails dans notre article à lire ici).

Les courses sprint : un débat générationnel qui dépasse la F1

Au-delà de l’issue même de ce vote, il est intéressant de noter que la F1 n’est pas le seul sport mondial à s’interroger sur la durée de ses épreuves.

Le tennis avait un temps songé à modifier radicalement la durée de ses matchs, pour aller vers 3 sets maximum et non 5, et ainsi éviter des matchs marathons.

Une même réflexion est en train de naître au sein du football professionnel. Elle a été en tout cas soulevée par une dernière enquête de Libération, qui se demandait si le sport était « toujours un sport populaire ».

Pourquoi réduire la durée des matchs, comme des Grands Prix ? Cela reviendrait à tirer les conséquences de l’évolution des modes de consommation, notamment des plus jeunes.

En effet, avec les réseaux sociaux, avec les multiples tentations sur de multiples écrans, avec aussi moins de temps disponible, les jeunes ont tendance à papillonner, à « picorer » leur consommation sportive. Exit, le temps des 90 minutes passées intégralement sur un même match. Désormais, il s’agit plutôt de regarder les « best-of » sur les réseaux sociaux. « J’aime bien regarder les belles actions, mais pas un match en entier » confie par exemple Loris, 24 ans, à Libération.

Ces habitudes coïncident aussi avec un certain déclin de l’attention prolongée, que les spécialistes du cerveau relient directement au monde de consommation sur écran.

En somme, le Grand Prix de 90 minutes, comme le match de 90 minutes, appartiendraient au passé. Au temps révolu de « Papa devant la TV… ».

Libération relève qu’il y a urgence à agir pour le foot. Car un nombre croissant de jeunes se détournent des compétitions (seuls 28 % des 16-24 ans se disant fans de foot, contre 38 % des personnes de tous âges, selon une enquête de l’Association européenne des clubs). Même Andrea Agnelli, le propriétaire de la Juventus de Turin, a reconnu que ses cinq enfants n’avaient « pas la patience de rester 90 minutes devant un match. » Et de lancer un avertissement : « On doit s’adapter aux habitudes des futurs supporters. »

Epreuves trop longues, importance des réseaux sociaux : le cocktail est potentiellement nuisible au futur du foot comme de la F1. Or justement, Liberty Media entend faire de la reconquête des jeunes générations une priorité.

On comprend ainsi mieux tout l’intérêt des courses sprint, s’inscrivant dans cette logique. On comprend encore mieux l’implication et les efforts de la F1 pour être davantage présente sur les réseaux sociaux.

Les budgets plafonnés, un remède au sport-business ?

Un dernier parallèle entre le foot et la F1 peut être fait quant à l’intérêt des jeunes générations : le primat de l’argent et du business. De nombreux jeunes se détournent aussi du foot en raison de la prédominance de l’argent-roi.

L’argent, les budgets, jouent un rôle majeur pour déterminer le classement d’une division européenne. C’est la même chose en F1, où l’on peut presque superposer le classement des constructeurs avec le classement des budgets (exception faite en 2020 de Ferrari).

Là encore la F1 a trouvé une partie de la parade avec les budgets plafonnés : même s’ils comportent des exceptions, ils apparaissent comme une solution idoine pour contrer ce rejet croissant des jeunes et du sport-business. Avec la réglementation 2022 qui réduit l’importance de l’aérodynamique et des ingénieurs, avec les budgets plafonnés, la F1 pourrait ainsi redevenir un sport où le facteur pilotes redevient prépondérant – le facteur humain prenant un peu plus de poids face au facteur business. La F1 redeviendrait ainsi ce pourquoi elle a toujours attiré : un sport qui « raconte des histoires humaines », voire un sport de gladiateurs modernes…

Pour autant les fans de F1 sont-ils prêts à accepter des courses sprint ? Cela pourrait paraître essentiel pour reconquérir le jeune public. Mais selon un sondage réalisé auprès des fans en 2020, l’enthousiasme n’était pas vraiment de mise. Cela tient aussi au public répondant à ce genre de sondage, induisant un biais : ce sont souvent des fans hardcore, généralement plus conservateurs. Que pense le jeune et grand public ? C’est sans doute davantage vers lui que regardent Stefano Domenicali et Liberty Media.

Et si, pour l’avenir du sport, cette idée était une piste non seulement utile, mais encore indispensable ?

F1 - FOM - Liberty Media

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