La F1 ’joue avec le feu’ et met sa crédibilité en jeu en Arabie saoudite
Les événements de vendredi laissent un goût amer
Les événements de ce vendredi en Arabie saoudite semblent avoir atteint la crédibilité de la F1. Le Grand Prix qui se dispute à Djeddah a été maintenu en dépit d’une attaque terroriste visant Aramco à quelques kilomètres du circuit de la corniche.
Plusieurs médias et membres du paddock, dont Ralf Schumacher, ont fait état de pressions appliquées par l’Arabie saoudite sur la F1. En effet, les pilotes ont débattu pendant quatre heures de la tenue du Grand Prix, et il a fallu l’intervention des officiels de la F1 et des patrons d’équipe pour les convaincre.
Malgré cela, Pierre Gasly semblait notamment peu à l’aise, assurant que les pilotes étaient tous "alignés" sur leur décision. Dès lors, qu’est-ce qui a pris aussi longtemps ? On peut raisonnablement penser que les 20 acteurs principaux du championnat étaient initialement contre le fait de courir.
La BBC a elle aussi évoqué des pressions de la F1 sur les pilotes et équipes, et l’on se retrouve dans une situation ubuesque, où le paddock va devoir agir naturellement dans un contexte d’inquiétude et de conflit armé.
"A quel point est-ce incongru ? Rien qui ne mérite de s’alarmer. La course continue, ce sera intéressant de voir comment c’est géré. La F1 joue avec le feu" a déclaré le champion du monde 1996 et consultant pour la télé britannique, Damon Hill.
Quand on réalise les pressions qui ont eu lieu pour que la course soit maintenue, les propos de Valtteri Bottas, interrogé avant le week-end sur la pertinence d’un Grand Prix à Djeddah, résonnent différemment.
"On a presque l’impression que nous n’avons pas vraiment le choix de là où nous courons" a déclaré le Finlandais. "Si nous pouvions choisir, peut-être changerions-nous un peu le calendrier. Je pense que nous finissons par aller dans ces endroits et par faire confiance à la Formule 1."
La crédibilité de la F1 "s’est évaporée"
Malgré sa puissance financière retrouvée, la F1 semble bien peu de choses face à l’importance de ses partenaires. On se souvient déjà, cet hiver, des décisions prises au sujet des essais hivernaux pour que Bahreïn profite de trois journées plus importantes que celles de Barcelone.
Aujourd’hui, c’est la force d’Aramco et du contrat qui lie la F1 à l’Arabie saoudite qui se voit au travers de ces événements. Rappelons que l’Arabie saoudite paie 650 millions sur dix ans pour accueillir la F1. Devant cette pression financière, c’est toute l’image de la F1 qui vascille.
"La crédibilité de la FIA et de la F1 s’est évaporée comme une fumée noire dans l’air et les pilotes ont mangé leurs paroles sur le thème ’No War’" a déclaré Mikko Hyytia, journaliste de la chaîne finlandaise MTV Sport.
"Il est clair qu’Aramco, l’un des principaux partenaires de la F1 dont le centre de distribution a été touché vendredi, a tiré les ficelles très fort en coulisses. Mais où fixer la limite ? Où la F1 nous a-t-elle entraînés dans sa soif d’argent ?"
Pas de craintes réelles, mais une faiblesse de la F1 ?
Mervi Kallio, journaliste pour Viaplay, ne comprend même pas que la question se soit posée, et encore moins que l’issue soit celle-ci. Elle regrette que la sécurité passe à ce point au second plan à Djeddah.
"Si vous devez vous demander si vous devez piloter ou non après un tir de missile, et que le mantra est normalement la sécurité d’abord mais que vous dites que c’est complètement sûr, je ne pense pas qu’il y ait autre chose à discuter" lance-t-elle.
Un autre journal finlandais, Ilta Sanomat, juge la F1 pour avoir détourné le regard : "La F1 a reçu un avertissement inquiétant de sa négligence mais comme d’habitude, l’existence du problème n’a même pas été reconnue."
Un expert en politique de la région, Sebastian Sons, ne s’inquiète pas d’un attentat sur le circuit de Djeddah. En revanche, il pense que la F1 est désormais à la merci des intérêts saoudiens et de leurs activités et conflits.
"La Formule 1 est extrêmement importante sur le plan politique pour l’Arabie saoudite" déclare ce chercheur de l’institut de recherche CARPO à Bonn. "La F1 doit se demander si organiser une course de Formule 1 dans une telle situation a un quelconque sens."
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