Faut-il modifier le Raidillon de l’Eau Rouge à Spa-Francorchamps ?

Le débat fait rage après plusieurs gros accidents

Par Emmanuel Touzot

28 août 2021 - 21:01
Faut-il modifier le Raidillon de (…)

Le Raidillon de l’Eau Rouge a toujours été un virage dangereux en Formule 1, et plus globalement en sport automobile. C’est pour cela qu’il a subi, au fil des décennies, de nombreuses modifications destinées à le rendre plus sûr.

Malheureusement, le décès d’Anthoine Hubert il y a deux ans nous a rappelé que la fatalité est parfois au rendez-vous, et qu’il est impossible de parer à tous les scénarios se déroulant en haut de ce virage, qui est un véritable mur avec une sortie à l’aveugle.

Cependant, si l’accident d’Anthoine Hubert et Juan Manuel Correa a résulté du pire concours de circonstances possible, on peut constater depuis de nombreuses années que les accidents y deviennent de plus en plus violents.

Une série d’incidents graves dans ce virage

En WEC, Pietro Fittipaldi s’était cassé la jambe en allant taper le mur de face il y a trois ans, et aux 24 Heures de Spa cette année, un énorme accident a eu lieu, provoquant une fracture de la clavicule et d’une vertèbre à Jack Aitken.

Hier, en W Series, trois pilotes ont perdu le contrôle à cause de la pluie et se sont écrasées dans les barrières du célèbre virage, avant d’être percutées par trois autres pilotes. Deux d’entre elles ont terminé à l’hôpital, heureusement sans blessure grave.

En F3, ce samedi à Spa, un autre incident a vu une monoplace rebondir en travers de la piste en haut de la courbe, et se faire percuter. Heureusement, le pilote qui l’a percutée est parti en tête-à-queue en freinant et a limité la casse.

Dans l’accident entre Hubert et Correa, comme aux 24 Heures de Spa, et comme hier en W Series, la cause est toujours la même : le rebond d’une voiture sur le mur intérieur dans la partie qui vire à gauche en haut du Raidillon.

Ce mur de pneus, installé très proche de la piste, est très dur et renvoie automatiquement les voitures en milieu de piste. C’est d’ailleurs le point de nouveau soulevé par l’accident de Lando Norris dans le Raidillon aujourd’hui lors des qualifications du Grand Prix de Belgique.

La grogne monte chez les pilotes

La question qui se pose depuis deux ans semble être encore plus d’actualité ce week-end : faut-il modifier le Raidillon de l’Eau Rouge, tant dans son tracé que dans la manière dont la piste est entourée ?

Comme nous vous le rapportions récemment, Callum Ilott a notamment expliqué qu’il n’était plus possible de laisser le virage en l’état. Le Britannique avait obtenu une réponse indirecte de Michael Masi, le directeur de course de la F1, qui avait répondu que la sécurité était assurée sur le tracé belge.

Guanyu Zhou, pilote en F2, pense qu’il est temps de faire des changements : "Le Raidillon doit être modifié. Je ne veux pas trop entrer dans le sujet mais à chaque week-end de course, on voit un énorme incident dans le même virage, on ne peut pas ignorer cela et passer à autre chose."

Sacha Fenestraz, ancien pilote de F3, juge quant à lui que le mur sur lequel les pilotes rebondissent constitue le nœud du problème : "Ils doivent changer ce mur gauche. Il va causer d’autres accidents dramatiques."

Jake Hugues, qui a piloté en F2 et F3, rejoint lui aussi les propos de Zhou et juge que les accidents sont trop réguliers : "Cela arrive trop souvent dans le Raidillon de l’Eau Rouge pour qu’on l’ignore."

Ne pas conserver la tradition à n’importe quel prix

Jack Aitken, qui se remet de son énorme accident aux 24 Heures de Spa, a simplement déclaré qu’il fallait se pencher sur un problème précis : "Je pense que tout le monde a une idée de ce qui a besoin de changer."

Esteban Ocon a révélé s’être inquiété de la sécurité lors du briefing des pilotes ce vendredi, ne sachant pas que des modifications sont déjà prévues : "Je n’étais pas encore au courant des changements, et nous avons vu trop de crashs."

"Nous avons vu Anthoine en 2019, mais nous avons vu Jack cette année, nous avons vu l’accident en W Series... ça continue. Donc, nous devons faire quelque chose pour rendre ce virage plus sûr."

"Je pense que tous les pilotes respectent ce virage, en sachant à quel point il est dangereux, mais les murs sont trop proches et fondamentalement, le danger est que la voiture rebondisse et reparte sur la piste."

"Les choses vont se mettre en place, ils vont déplacer la colline sur la gauche, aller au maximum plus loin sur la droite. Je suis impatient de voir comment la construction va se dérouler. Mais si c’est le cas, ça va aider."

Empêcher les rebonds et retours sur la piste

Comme évoqué ci-dessus, la cause de ces accidents est en effet toujours la même. Une voiture percute le mur à gauche en piste et rebondit dedans, ou est guidée vers la piste en glissant contre le mur de pneus.

Le circuit de Spa-Francorchamps va subir des travaux pour l’an prochain, avec un léger recul de ce mur, un changement d’angle, et le retour des graviers pour accueillir la moto.

Les pilotes ont donc reçu l’assurance que les choses allaient changer, même s’ils n’ignorent pas le danger qui plane au-dessus de ce virage. Daniel Ricciardo a réagi de manière mesurée à l’accident de Norris, jugeant toutefois que la F1 devait faire le nécessaire.

"C’était un gros accident aujourd’hui" a déclaré l’Australien. "Ils vont ouvrir les dégagements, et ne pas changer le tracé du circuit mais reculer les barrières, et ça va tout ouvrir."

"C’est un virage extrêmement amusant et iconique au calendrier, mais quand ça se passe mal c’est toujours un incident énorme. Donc si ça ne change pas la forme mais que ça ajoute en sécurité, on est partants."

Des changements prévus, mais seront-ils suffisants ?

Les pilotes Ferrari ont tous les deux critiqué la sécurité du virage après l’accident de Norris et semblent attendre ces modifications avec impatience, non sans une certaine crainte quant à la fin du week-end en cours.

"C’était terrifiant, au même endroit où nous avons perdu un ami il y a deux ans", a déclaré Charles Leclerc. "C’était vraiment bien de voir Lando sortir seul de la voiture, par ses propres moyens."

"Pour ce qui est du circuit, ils savent que quelque chose doit changer, et des modifications sont prévues l’an prochain. Je pense que c’est bon à savoir, et je prie pour que rien n’arrive cette saison."

Sainz était livide lors de l’accident de Norris alors qu’il était en interview, et il s’inquiète aussi pour la course : "Il est évident que ce virage a un problème fondamental qui fait que lorsque vous avez un accident, tout d’abord vous percutez très lourdement le mur, et ensuite vous revenez sur la piste."

"Dans ce genre de conditions, avec la pluie et les projections d’eau, si le deuxième a un accident et que le gars qui arrive en 17e place ne le sait pas, c’est une situation extrêmement dangereuse."

"En tant que pilotes, nous avons demandé des changements, nous avons demandé à revoir ce virage et on nous a dit que la FIA était déjà sur le coup. Nous sommes donc plus sereins à ce sujet, mais cette année, ça va encore être dangereux."

Faut-il épargner le virage en lui-même ?

Max Verstappen fait partie des pilotes faisant confiance aux promoteurs : "Les changements que l’on m’a montrés hier qui vont arriver en fin d’année, donc l’an prochain pour nous, semblent encourageants."

Le pilote Red Bull juge que les dégagements sont le seul problème du virage, et non sa physionomie en elle-même : "C’est un virage très rapide et quand vous le passez, tout va bien."

"Bien sûr, le problème est que lorsque la barrière est très proche et qu’une personne heurte la barrière, il est très facile que la voiture rebondisse sur la piste et sur la trajectoire, et il est possible qu’elle se fasse percuter une autre voiture. Si cela se produit un peu plus tard dans le virage, vous passez la crête, c’est également en aveugle."

Le Néerlandais est toutefois confiant quant au travail prévu sur cette portion du circuit, qui verra une nouvelle tribune installée en haut de la courbe : "Je pense qu’avec les changements qui sont faits, ce sera beaucoup mieux."

"Les courses ne seront jamais totalement sûres, tout le monde le sait, mais bien sûr, il y a certaines choses dans ce virage qui peuvent être améliorées, et c’est ce qu’ils font, donc je pense que ce sera beaucoup mieux."

De son côté, Lewis Hamilton veut juste que le resurfaçage effectué soit corrigé, car il veut supprimer la bosse apparue en bas du virage : "Je pense qu’ils doivent juste se débarrasser de la bosse en bas et laisser le Raidillon tel qu’il est. Mais ils feront comme ils le souhaitent. Je ne pense pas qu’ils aient besoin de dépenser de l’argent pour modifier la piste."

Quelles solutions possibles pour éviter un nouveau drame ?

Ne tirons pas sur l’ambulance, si un changement miraculeux était possible, les promoteurs et la F1 l’auraient déjà appliqué. De nombreux paramètres rentrent en compte sur ce problème.

Le premier est évidemment la présence d’une colline en haut à gauche du Raidillon. Celle-ci va être reculée un peu l’an prochain, mais des travaux de plus grande ampleur pour ouvrir davantage le haut du virage ne sont pas possibles.

Il faut en effet protéger la forêt et l’écosystème qui y vit, mais surtout garder une certaine solidité au terrain, alors que le circuit de Spa est en zone inondable. L’aménagement prévu pour 2022 est donc le maximum à faire sur ce plan.

L’autre problème qui empêche de possibles grandes modifications est celui de la voie des stands du deuxième paddock, dont la sortie se fait à droite du Raidillon. Le bout de cette ligne est même dans le dégagement qui a été fatal à Anthoine Hubert il y a deux ans.

Si le virage venait à être modifié, une simple fermeture de l’angle pourrait suffire à éviter des vitesses trop élevées. Le faire aller un peu plus à gauche en bas, et un peu plus à droite avant la sortie pourrait éviter des contacts qui provoquent des rebonds, mais il faudrait envisager que, lors d’autres courses, il n’y ait aucune sortie des stands qui se fasse à droite de la piste, car une voiture se crashant aurait plus de risque d’arriver directement dessus.

Enfin, une modification importante pourrait être l’ajout de TecPro à la place des murs de pneus, pour éviter ce phénomène de rebond. Les barrières qu’utilise la F1 ont la capacité à absorber les chocs d’une F1 sans la renvoyer dans l’autre sens. Reste à savoir néanmoins si elles seraient suffisamment efficaces lors d’un choc à 300 km/h.

Le fait qu’aucune modification en ce sens n’ait été faite après le décès de Hubert est surement un premier élément de réponse. En attendant une édition 2022 qui permettra de constater le gain de sécurité, espérons que tout se déroulera sans encombre pour les courses de F3 et F1 restantes ce week-end.

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