Ocon chez Manor : un triple pari plein de promesses

Faute de financements, Rio Haryanto ne pourra conserver son baquet chez Manor jusqu’à la fin de la saison. Dès le prochain Grand Prix de Belgique, c’est comme pressenti le Français Esteban Ocon qui prendra la relève. Comme deux autres jeunes pilotes français ces dernières années (Charles Pic et Jules Bianchi), l’opportunité lui est donnée de commencer dans une écurie où la pression des résultats ne se fera pas sentir... mais où les chances de marquer des points sont évidemment très modestes. Même si Ocon devra apprendre à truster le fond de grille, son arrivée chez Manor est un triple pari gagnant : pour lui-même, pour Manor et pour Renault et Mercedes.

Un pari gagnant pour Ocon

Le pari est d’abord gagnant pour Esteban Ocon. A seulement 19 ans, il s’apprête à engranger de l’expérience en Formule 1, même si c’est en fond de grille. L’atout sera de taille au moment où Renault aura à choisir sa paire de pilotes pour l’an prochain. On se souvient par exemple que Daniel Ricciardo, grâce à sa demi-saison passée chez HRT, dans l’anonymat le plus total, avait pourtant parfaitement su mettre en valeur cette expérience supplémentaire en F1 face à son coéquipier chez Toro Rosso, Jean-Eric Vergne.

Du côté des résultats attendus, Esteban Ocon n’a pas non plus pas la pression. Il fera face à Pascal Wehrlein, qui dispose d’une sérieuse réputation dans le paddock (surtout depuis qu’il a marqué un point en Autriche) et d’une demi-saison d’expérience supplémentaire. Si Esteban Ocon est battu de relativement peu par son coéquipier, alors il pourra invoquer, en toute légitimité, cette demi-saison d’expérience en moins. Si Esteban Ocon parvient à devancer régulièrement son coéquipier, alors les louanges du paddock – de Mercedes en particulier, puisque Wehrlein est comme Ocon un pilote de son programme de jeunes pilotes – ne feront que redoubler envers le Français.

Ocon n’a donc rien à perdre dans les deux cas. Il devra cependant ne pas être trop distancé, et montrer plus de choses que Rio Haryanto chaque week-end. Le défi est peut-être de taille ; cependant le Français – mais ne le disons pas trop fort ! - pourra aussi s’appuyer sur ses séances d’essais libres effectuées avec Renault et ses séances d’essais privés avec Mercedes.

Un pari gagnant pour Manor

Le pari est de même gagnant pour Manor. Le petit poucet, on le sait, a sans cesse besoin de liquidités. Si Rio Haryanto ne peut plus les apporter, alors l’écurie ne doit avoir aucun scrupule à le remercier. L’arrivée d’Esteban Ocon permet à Manor d’alléger sa facture moteur, grâce à la générosité intéressée de Mercedes. Sur le plan financier, l’opération n’est pas mauvaise. Et cela, sans compromettre les performances futures.

Sur le plan sportif, l’affaire paraît en effet excellente. Rio Haryanto est un pilote moins en verve, moins prometteur, et probablement moins talentueux qu’Esteban Ocon. Le Français a été champion d’Europe de Formule 3 et champion en GP3 Series, en battant des grands espoirs, dont un certain Max Verstappen. Avec deux jeunes pilotes très prometteurs et très talentueux, qui devraient encore progresser lors de la prochaine demi-saison, Manor se paie donc le luxe d’une paire de pilotes qui n’a rien à envier à d’autres de ses concurrents : Sauber (Nasr/Ericsson) ou Renault (Palmer/Magnussen) ne peuvent pas en dire autant.

L’arrivée d’Esteban Ocon montre une fois encore l’heureuse réussite avec laquelle les affaires de Manor sont menées ces derniers temps. Accord avec Mercedes, partenariat technique avec Williams, et maintenant recrutement d’Esteban Ocon, Manor multiplie les bons coups. On ne saurait parler de débrouillardise, mais c’est tout comme.

Un pari gagnant pour Renault et Mercedes

Le pari est enfin gagnant pour Renault et Mercedes, qui n’ont rien à perdre (si ce n’est quelques millions pour Mercedes) d’une arrivée d’Ocon chez Manor. La présence de Rio Haryanto n’était d’aucun intérêt pour l’une ou l’autre écurie.

Du côté de Renault, le bénéfice est entier. On sait qu’Esteban Ocon est pressenti pour succéder à Jolyon Palmer ou à Kevin Magnussen. La concurrence est néanmoins rude (Felipe Massa, Sergio Perez, Sergeï Sirotkin). Grâce à Manor, Esteban Ocon est sur le point d’acquérir une expérience notable en F1 qui ne fera pas de lui un rookie la saison prochaine, avec tous les désavantages que ce statut inclut. Ocon ne pourra être que meilleur en 2017. Dans l’hypothèse la plus défavorable (Ocon serait largement distancé par Wehrlein), alors Renault serait au moins fixé sur le véritable niveau du Français et pourrait se tourner sans regrets vers un autre pilote.

Le pari est enfin gagnant pour Mercedes, avec qui Esteban Ocon est toujours sous contrat. Nico Rosberg et Lewis Hamilton arriveront en fin de bail en 2018, et la direction des Flèches d’Argent ne peut pas ignorer le futur à moyen terme. La perspective de voir Esteban Ocon éclore chez Manor est donc un pari placé pour l’avenir. Comme le disait Toto Wolff récemment, Esteban Ocon "est promis à un grand avenir. J’espère que mes collègues de chez Renault, Frédéric Vasseur et Cyril Abiteboul, s’en rendent compte… sinon c’est nous qui le prendrons !". Dans l’hypothèse où Esteban Ocon éclot, il ne sera pas difficile à Mercedes de lui faire une promesse alléchante pour 2018.

En parallèle, l’écurie allemande pourra avoir une opinion, à voitures égales, sur le potentiel de ses deux pilotes, Wehrlein et Ocon. Manor est en somme devenue une sorte de Toro Rosso pour Mercedes... qui n’a pas dépensé autant d’argent que la maison-mère Red Bull dans l’affaire.