Les enjeux ont changé chez Red Bull et Toro Rosso

Kvyat pourrait ne pas être la seule victime

Par Emmanuel Touzot

8 mai 2016 - 17:43
Les enjeux ont changé chez Red (...)

Daniil Kvyat aura donc payé au prix fort ses erreurs du Grand Prix de Russie, malgré un podium obtenu quinze jours auparavant en Chine. Bien évidemment, que son équipier ait été une victime collatérale n’a pas arrangé l’énervement de ses dirigeants, mais il y a eu de nombreux précédents dans l’histoire de la Formule 1 sans pour autant déboucher sur une éviction du pilote concerné.

Très clairement, ces excuses ne sont qu’une façade au problème interne de Red Bull, à savoir l’évolution des pilotes au sein de deux écuries qui ne peuvent pas donner leur chance à tous les jeunes formés dans la filière. Kvyat l’a été et avait bénéficié du départ soudain de Vettel chez Ferrari en étant nommé aux côtés de Daniel Ricciardo de manière un peu précipitée, mais n’a pas démérité depuis. Malheureusement pour Kvyat, Max Verstappen a été recruté et non formé en interne et ne possédait donc pas de contrat à long terme avec l’équipe autrichienne. Plutôt que de risquer le départ de son joyau, convoité par les plus grandes équipes, Red Bull a profité de la moindre faiblesse de Kvyat pour le punir, sous couvert de lui enlever de la pression, et promouvoir Verstappen tout en lui faisant signer un contrat à long terme !

Une stratégie douteuse qui assure à Red Bull de garder Verstappen mais qui sacrifie Kvyat en le renvoyant chez Toro Rosso dans ce qui apparaît comme étant une voie de garage. Helmut Marko assure que le Russe pourra reprendre ses esprits et se mettre moins de pression dans la petite équipe italienne, mais il est difficile d’accepter ces raisons alors que le pilote rétrogradé était dans une bonne dynamique et n’a pas à rougir face à un très bon Daniel Ricciardo.

Une vraie redistribution des cartes

Cette décision prise, la situation est maintenant différente et les enjeux sont totalement nouveaux au sein des deux équipes supervisées par Helmut Marko. C’est Daniil Kvyat qui voit sa situation bouleversée, tant à court qu’à long terme. Non seulement il ne disposera plus de la troisième meilleure monoplace du plateau, mais il sera en plus confronté au manque d’évolutions moteur que va subir Toro Rosso. Bien que le châssis de la STR11 soit très réussi, l’utilisation du bloc propulseur Ferrari de 2015 va très vite poser problème, notamment lorsque Renault, Honda et Ferrari apporteront des nouveautés sur les moteurs 2016 et que Toro Rosso stagnera. Il y a fort à parier qu’en fin de saison, les points seront très difficiles à aller chercher pour Kvyat et Sainz qui font désormais équipe.

Le Russe aura donc une fenêtre de tir très courte pour impressionner d’autres équipes puisque malgré les déclarations rassurantes de Helmut Marko, il parait évident que Kvyat sera gentiment remercié en fin de saison. Il n’est pas dans les habitudes de Toro Rosso ou Red Bull de s’embarrasser avec les sentiments de leurs pilotes, comme l’atteste la longue liste de noms sortis plus ou moins vite du giron autrichien. On se rappelle que Christian Klien et Vitantonio Liuzzi avaient été nommés en duo sur une seule voiture en 2005, aux côtés de David Coulthard, et devaient faire leurs preuves sans aucune logique d’attribution de leur volant et sous une pression infernale. La génération suivante, composée notamment de Neel Jani et Brandon Hartley avait subi l’ascension de Sebastian Vettel alors que plus récemment, Sébastien Buemi, Jaime Alguersuari ou encore Jean-Eric Vergne ont été licenciés sans ménagement.

Kvyat sera de toute évidence le prochain nom sur cette longue liste et doit déjà savoir qu’il devra trouver un autre employeur en 2017. Les candidats seront nombreux pour les rares très bons baquets qui se libèreront mais Kvyat pourra envisager de rebondir dans une équipe comme Renault, en pleine reconstruction, ou Williams qui essaie de s’installer durablement dans le quatuor de tête. Il n’a que 23 ans et mérite une autre chance, mais le temps presse pour marquer les esprits et s’assurer une place. Il faudra avant tout accepter ce camouflet et faire bonne figure afin de montrer qu’il joue avant tout pour son équipe et qu’il pourra être un vrai atout dans une autre structure.

Sainz et Ricciardo jouent aussi leur avenir

L’arrivée de Kvyat va changer la donne pour Carlos Sainz Jr aussi puisqu’il découvrira seulement son deuxième équipier en Formule 1. Kvyat est rapide et retrouve une équipe qu’il connaît déjà, ce qui sera un vrai avantage dans son adaptation face à Sainz, mais ce dernier pourrait profiter de l’état d’esprit dans lequel le Russe va négocier ce virage important de sa carrière. Si Sainz prend l’avantage, il pourra au moins s’assurer une année de plus chez Toro Rosso, à défaut d’être promu chez Red Bull où il n’y aura pas de place. Comme la plupart des pilotes issus de la filière, l’objectif passe très rapidement de la promotion à la recherche d’emploi vu que les places chez Red Bull sont réservées aux plus prometteurs et que la composition de l’équipe s’inscrit souvent dans la durée.

Justement inscrite dans la durée, la présence de Daniel Ricciardo chez Red Bull pourrait-elle souffrir de l’arrivée de Max Verstappen ? On serait tenté de répondre positivement à cette question tant le jeune Néerlandais n’affiche aucun scrupule depuis qu’il a commencé son ascension dans les sports mécaniques. Le débat sur la précocité de son arrivée en Formule 1 a fait rage l’année dernière et en seule réponse, Verstappen a enchaîné des performances les plus réussies, faisant fi de toute critique et de tout reproche. Il est probable que cette nouvelle étape franchie ne représentera pas une peur particulière pour lui, et c’est précisément de cela que doit se méfier Ricciardo.

Ce dernier est bien installé chez Red Bull depuis 2014, lorsqu’il a remporté trois victoires et battu Sebastian Vettel, mais Verstappen représente une menace plus importante que celle que constituait Kvyat à son arrivée début 2015. Très constant et très rapide, Daniel Ricciardo pourra surtout profiter d’une dynamique qui est positive, malgré le mauvais résultat en Russie, puisqu’il a terminé trois fois au pied du podium lors des trois premières manches cette saison. Cependant, son statut de numéro 1 au sein du quatuor de pilotes Red Bull pourrait être remis en cause puisque Verstappen dispose d’une préférence évidente auprès de Marko et de sa hiérarchie. Et si Ricciardo n’a plus les faveurs de son équipe à la fin de l’année, il faudra au moins avoir battu Verstappen pour garder une cote intacte dans le paddock et attirer encore, comme c’est le cas aujourd’hui, les cadors de la discipline.

Verstappen, maillon fort ?

Heureusement pour l’Australien, Verstappen n’est pas encore arrivé et le scénario d’une domination de sa part est loin d’être réalisé. Pour le pilote de 18 ans, cette promotion subite assortie d’un contrat à long terme représente le plus gros défi depuis son entrée en Formule 1. Battre Sainz s’est fait sans trop de mal et malgré quelques coups d’éclat, l’Espagnol subit désormais la loi de Verstappen pour qui la partie est devenue plus facile. Mais après seulement quatre courses, ce confort s’évanouit et il va passer un test très important en affrontant Ricciardo. Tout autant que ce dernier, Verstappen pourrait voir sa cote descendre s’il n’arrivait pas à suivre le rythme ou que le poids de l’enjeu le faisait plier.

Un scénario toutefois peu probable compte tenu de son mental très fort, mais c’est surtout son rythme qui va devoir être à la hauteur car même si Verstappen est l’un des meilleurs au niveau des dépassements, son nouvel équipier n’est pas en reste et a pour l’instant fait plier tous les pilotes qu’il a affrontés au sein de la même équipe. Une caractéristique dont peut se vanter également le fils de Jos, et c’est là que résidera l’enjeu principal de leur duel, car celui qui le perdra subira son premier affront.

Habitué des chaises musicales plus ou moins douteuses et du passage en revue de nombreux pilotes, Helmut Marko a encore frappé d’une manière inédite en jouant allègrement avec ses deux équipes et ses quatre pilotes dans le simple but d’assurer un contrat à long terme à Verstappen. L’échange entre les deux pilotes donne une nouvelle dynamique à leur carrière et bien que Kvyat soit celui qui joue le plus son avenir, ils sont quatre à pouvoir pâtir de cette décision.

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