Coulthard et les questionnements de Hamilton à la radio
Lors du deuxième arrêt pendant le Grand Prix du Mexique
Le week-end dernier, le 48e tour du Grand Prix du Mexique a probablement paru durer une éternité à Mercedes. Voyant ses pilotes confortablement installés aux deux premières places, l’écurie avait en effet jugé préférable d’observer par sécurité un arrêt aux stands de plus qu’initialement prévu afin d’assurer le doublé.
Mais si Nico Rosberg, alors en tête de la course, a rapidement obtempéré, Lewis Hamilton s’est quant à lui montré un peu plus récalcitrant et a questionné la décision, estimant probablement avoir une chance de rejoindre l’arrivée avec des pneus usés et par là même décrocher la victoire. Une attitude évidente dans l’esprit d’un champion comme Hamilton, selon l’ancien pilote David Coulthard.
« Hamilton comprend instinctivement ce qui se passe en course. Il a vu Rosberg s’arrêter aux stands, se sentait bien avec ses pneus et savait que Mercedes était partie pour suivre une stratégie à un seul arrêt. Tout à coup, ils lui ont dit qu’ils déclenchaient le plan B et il s’est mis à penser ‘attends une seconde, pourquoi le plan B ? Je peux continuer comme prévu au départ, je suis maintenant en tête et si je reste là, j’ai une meilleure chance de victoire’. Il a donc remis la décision en question, laissé son équipe dans le doute pendant tout un tour, et il a fallu l’intervention ferme de son ingénieur pour que la situation rentre dans l’ordre. Chapeau à Peter Bonnington d’ailleurs, parce que c’était délicat. »
La manœuvre de Mercedes avait cependant pour but d’assurer les deux premières positions à ses pilotes, pas de favoriser l’un d’entre eux.
« De l’extérieur, on a bien vu que Mercedes ne voulait prendre aucun risque afin d’assurer le doublé en appliquant clairement la même stratégie à ses deux pilotes. S’ils avaient permis à Hamilton de n’observer qu’un seul arrêt et qu’il avait ensuite été décrocher la victoire, le risque de détériorer les relations entre les deux hommes aurait été réel. »
Rosberg l’ayant finalement emporté, Hamilton avait ensuite suggéré que l’attitude de Mercedes envers son coéquipier avait changé après Austin, estimant qu’elle s’était montrée plus chaleureuse avec l’Allemand. Des déclarations certainement pas sans fondement, à en croire Coulthard.
« Je n’ai pris connaissance des commentaires de Hamilton que mardi mais, dans ce contexte, il est très intéressant de se pencher sur le comportement de Mercedes après la course. Quand Suzi Perry et moi-même étions dans leur garage pour interviewer Rosberg, certains membres du personnel l’entouraient et l’acclamaient : ‘Nico ! Nico ! Nico !’. Je n’avais jamais vu de telles manifestations pour Hamilton, à part la joie affichée de faire partie de l’équipe gagnante, évidemment. »
« Au moment des faits, j’ai pensé que c’était l’équipe de Rosberg qui lui envoyait des fleurs. Mais à la lumière des déclarations de Hamilton, je me suis demandé si l’équipe avait reçu des instructions pour manifester son contentement de façon particulièrement appuyée dans le cas où Rosberg venait à l’emporter. On m’a cependant détrompé, et je doute de toute façon qu’ils soient cyniques à ce point. »
« Je doute également que Hamilton ait lancé ce genre de déclarations si elles n’étaient pas basées sur un quelconque fait. Il n’est pas du genre alarmiste et agit selon ses instructions ou ses connaissances, ce n’est pas un affabulateur comme certains pilotes célèbres ont pu l’être. »
Les relations entre Mercedes et Hamilton risquent-elles d’évoluer après cet épisode ? Peut-être, à en croire Coulthard, qui tente d’imaginer les propos que les deux parties pourraient échanger en privé.
« Hamilton devait faire confiance à son équipe au Mexique, mais il avait tout autant le droit de remettre en question la stratégie. Mercedes et lui tiendront des discussions franches où seront exposées toutes les informations disponibles, notamment s’il était possible ou non de rallier l’arrivée avec train de pneus abîmés. S’il se trouve que leur usure était critique, Hamilton dira ‘ça me va, vous avez fait le bon choix.’ Mais s’il s’avère qu’il aurait pu boucler la course sans en changer, il pourrait très bien rétorquer ‘d’accord, mais la prochaine fois, prévenez-moi que vous voulez que je m’arrête parce que vous souhaitez que nous en restions là, faute de quoi je déciderai moi-même de ce qui doit être fait et assumerai les conséquences’. Car Hamilton a pertinemment fait remarquer que le championnat n’était plus en jeu, alors pourquoi ne pas prendre le risque ? »
« De son côté, Mercedes pourrait très bien répliquer alors : ‘écoute, nous te fournissons une voiture capable de gagner et t’employons pour que tu termines premier ou deuxième derrière ton coéquipier, et nous ne sommes pas disposés à récolter des retombées négatives en prenant des risques inutiles. Alors tu vas obéir.’ »
« Et il se trouve que la plupart des contrats stipulent que les pilotes doivent se plier à des instructions ‘acceptables’ de la part de leur directeur d’écurie ou des cadres de la direction. Mais Hamilton pourrait très bien dire ‘je prends les choses en main et vous pourrez m’incendier si ça se passe mal, mais de l’autre côté, si j’ai bon, je gagne’. Et si l’équipe lui répète ‘nous ne sommes pas disposés à prendre des risques’, il pourrait objecter : ‘OK, si c’est tout ce qu’on peut risquer, pourquoi ne pas ralentir le développement du châssis et du moteur parce que quelque chose pourrait mal se passer ?’. »
« Comme toujours, la frontière est mince mais fondamentale entre créer, inventer sans limites et se contenter des connaissances de base acquises en ingénierie. Et si vous êtes dans le deuxième cas, il est peu probable que vous parveniez à prendre l’avantage sur vos rivaux. »