Interview – Schumacher : Tous les chemins semblent mener à Spa

« Le rêve est devenu réalité »

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26 août 2011 - 16:36
Interview – Schumacher : Tous les (...)

Ce week-end, plus que le leader du championnat ou Bruno Senna, Michael Schumacher est l’homme au centre de toutes les attentions. Il faut dire qu’on ne fête pas tous les jours les 20 ans de ses débuts en Formule 1.

25 août 1991. Grand Prix de Belgique. Spa-Francorchamps. C’est votre première course en Formule 1. Comment cela est-il arrivé ?

A l’époque, ce fût un concours de circonstances. Bertrand Gachot, le pilote Jordan, a été envoyé en prison (suite à l’agression d’un chauffeur de taxi à Londres, ndlr). Son baquet était donc vacant pour le Grand Prix de Belgique. On était en discussion pour que je grimpe en Formule 1 mais, il n’était nullement certain que je serai au volant de cette F1 ce week-end là. C’est seulement le jeudi soir avant le week-end de course que j’ai appris que je prendrai part à la séance d’essais du lendemain et donc, que je ferai mes débuts en F1. Ce fut mon ticket d’entrée. A l’époque, il a été mis en place pour moi par Mercedes-Benz. D’un point de vue actuel, je peux donc dire que je suis de retour dans la famille qui m’a donné l’opportunité de lancer ma carrière.

Vous aviez déjà roulé pour Mercedes en sport prototype et en DTM. A quel point cette expérience acquise dans ses séries vous ont servi dans votre carrière ?

Ce fut extrêmement important pour mon développement. Pour moi en tant que personne mais aussi pour savoir comment rendre une voiture plus rapide. C’est ce qui compte vraiment. La plupart des pilotes de course sont capables de rouler vite. Le facteur crucial est donc de tirer 100% d’une voiture et de l’adapter à vos points forts. C’est ce que la concurrence m’a appris dans ces séries qui étaient presque au niveau de la Formule 1. Du coup, je suis arrivé en F1 très bien préparé et j’ai rapidement appris ce que j’avais besoin de savoir pour régler une voiture.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez quitté la voie des stands pour la première fois au volant d’une Formule 1 ?

Ce fut un moment merveilleux et fascinant. Je m’en souviens encore très bien. C’était lors d’un test à Silverstone, le mardi avant le GP de Belgique. Lors du premier tour, j’ai dû vérifier que tout fonctionnait. Je suis rentré dans les stands pour qu’on vérifie la voiture et je suis retourné en piste pour mon premier tour lancé. Lorsque j’ai été autorisé à pousser à fond pour la première fois, j’ai été totalement surpris. Malgré mon expérience des voitures de sport, je n’étais jamais allé aussi vite de ma vie. C’était une expérience inhabituelle et j’ai donc surtout pensé à ce que je devais faire. Je me suis même dit : « Peut être qu’on a eu les yeux plus gros que le ventre ». Mais dès le deuxième tour, j’étais déjà plus détendu. Au troisième, j’avais oublié mes doutes et je me suis senti à l’aise dans la voiture. A la fin de la journée, j’étais peut être une seconde plus rapide que le gars qui était assis dans la voiture avant moi.

Votre première course à Spa fut relativement brève alors que vous vous étiez qualifié 7e...

Malheureusement oui. En y repensant, je suis d’ailleurs assez contrarié à ce sujet. J’ai dû abandonner après 500 mètres de course à cause d’une panne d’embrayage qui aurait pu être évitée puisqu’il était déjà cassé le matin lors du warm-up. Donc malheureusement, j’ai dû regarder la course depuis le bord de la piste. Mon coéquipier Andrea de Cesaris a également dû abandonner à trois tours de l’arrivée alors qu’il était à la 2e place. A l’époque, j’étais une seconde au tour plus vite que lui, alors vous pouvez imaginez vous-même à quelle place j’aurais pu terminer ma première course...

Quand avez-vous réalisé que, pour vous, la Formule 1 était comme « gagner à la loterie » ?

Il ne s’agissait pas pour moi de "gagner à la loterie ». J’ai plutôt réalisé assez rapidement que nous sommes tous des êtres humains - même Ayrton Senna, Alain Prost et Nigel Mansell. Jusqu’à ce que j’y sois, ces pilotes étaient si loin de moi. Je ne pouvais même pas imaginer me comparer à eux. Au cours de ce week-end, j’ai réalisé que cela était parfaitement possible, et que je pouvais rivaliser avec les meilleurs d’entre eux.

Vous avez souvent dit que Spa-Francorchamps était comme votre « salon ». Qu’est-ce qui rend cette piste si spéciale pour vous ?

J’ai vécu beaucoup de choses merveilleuses et intéressantes à Spa. C’est un endroit où il m’est pratiquement tout arrivé. Ma première course, ma première victoire, mon 7e titre de champion du monde... C’est ce qui rend Spa si spécial pour moi. Et c’est pourquoi que je l’appelle maintenant mon « salon ». Et puis il y a les énormes défis que la piste donne au pilote : l’Eau Rouge, Blanchimont – cette piste apporte des émotions très spéciales. A l’époque, c’était le point culminant de la saison que de passer l’Eau Rouge dans une Formule 1. Les voitures étaient regroupées à l’entrée et l’instant d’après, elles allaient presque décoller sur la crête. Faire face à cette situation à la limite de la voiture, c’est comme jongler sur une corde raide. Si vous y parvenez parfaitement, c’est le meilleur sentiment qu’une pilote peut éprouver dans une voiture.

30 août 1992. Votre première victoire, et encore une fois à Spa, bien sûr...

Ce fut la cerise sur le gâteau parce qu’à l’époque, on ne s’attendait pas à gagner avec notre voiture. Bien sûr, nous avons eu un peu de chance et la météo a joué son rôle. Cette combinaison a fait que soudainement j’ai été en tête et que j’ai franchi la ligne d’arrivée en vainqueur. Pour moi, le rêve est devenu réalité.

En 1998, nous vous avons vu un Michael Schumacher particulièrement énervé après sa collision avec David Coulthard, sous la pluie, à Spa...

Je me souviens de cette course comme si c’était hier. Je roulais sur la ligne droite dans les projections d’eau de David et je n’avais aucun moyen de juger la distance. Soudain, il lâche le pied de l’accélérateur juste devant moi. C’est tout simplement comme faire un arrêt d’urgence avec une voiture de route, mais je ne pouvais pas le voir à cause des projections d’eau. Tout d’un coup, j’étais dans la voiture de David et je me suis retrouvé au volant d’une F1 à trois roues.

Accélérons jusqu’à l’année 2000 et à la célèbre manœuvre de dépassement de Mika Hakkinen avec Ricardo Zonta coincé entre vous deux. Comment était-ce pour vous depuis le cockpit ?

Eh bien, c’était vraiment dommage, parce que jusque là j’avais été capable de défendre ma position. Mais une fois Zonta arrivé au milieu, je n’avais aucune chance de garder Mika derrière. Ce dépassement avait l’air très spectaculaire et lui a valu la victoire. Ce sont des moments comme ça qui transforment la course automobile en quelque chose de très spécial pour les fans.

Vous avez obtenu votre 7e titre assez tôt dans la saison à Spa. Comment avez-vous vécu ce moment ?

C’est justement l’une de ces expériences qui font de Spa ce circuit si spécial pour moi. Dans ma carrière, tous les chemins semblent mener à Spa, encore et encore. En 2004, j’ai terminé à la deuxième place mais cela a suffit pour que je remporte mon 7e titre. Donc pour moi, c’était comme revenir à mes racines.

Qui a été le plus grand de vos coéquipiers ?

Sans aucun doute, Felipe Massa et Nico Rosberg aujourd’hui. Nico n’a peut être que 26 ans mais il a déjà disputé une centaine de Grands Prix. Donc il a beaucoup d’expérience, il est très rapide et il a la même approche que la mienne. Ceci est très utile pour aider l’équipe à avancer.

Comment vous sentez-vous dix-huit après votre retour en Formule 1 ?

Je suis en bonne forme physique et mentalement prêt. Et j’aime le défi. Après une telle pause, vous avez besoin de beaucoup travaillé pour revenir au haut niveau. Cela a pris un certain temps. Mais je remarque que les choses arrivent petit à petit et continuent de s’améliorer. Je suis très confiant quant au fait que nous atteindrons notre objectif. Peut être un peu plus tard que prévu, mais c’est la vie parfois. Un titre avec Mercedes vaut la peine d’attendre.

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