Dans la tête de Daniel Ricciardo

"Une heure avant la course, j’aime être dans mon coin"

Par Franck Drui

11 juin 2015 - 17:02
Dans la tête de Daniel Ricciardo

Que se passe-t-il sous le casque du pilote Infiniti Red Bull Racing pendant une course ?

Observer Daniel Ricciardo pendant tout un week-end, c’est voir 90% du temps un grand sourire et des blagues dans la bouche d’un garçon qui vit à fond son rêve en Formule 1.

Espionnez-le avant la course et vous vous rendrez compte que l’Australien sait aussi se concentrer sur ses objectifs. Le casque audio sur les oreilles crachant du heavy metal, le joyeux drille qu’est Ricciardo se transforme en son alter ego : le Honey Badger (le blaireau étant devenu son emblème et figure à l’arrière de son casque).

Dans son costume de Honey Badger, le pilote Infiniti Red Bull Racing a remporté trois Grand Prix la saison dernière, des victoires d’autant plus savoureuses qu’elles lui ont valu les éloges de Fernando Alonso – un homme qui, d’habitude, est avare en compliments à l’égard de ses concurrents.

Comment Daniel arrive-t-il à réveiller le Honey Badger qui sommeille en lui ? On en a discuté avec lui pour percer ce mystère…

Daniel, comment vis-tu les moments qui précèdent la course ?

Une heure avant la course, j’aime être dans mon coin, dans ma bulle, à mon rythme. Au pire, il n’y a que mon entraîneur Stuart qui peut rester avec moi. Écouter de la musique est ma façon de me motiver. Quand la course approche, l’intensité augmente. Après une promenade, je fais un vrai échauffement, où j’augmente progressivement ma fréquence cardiaque. C’est comme ça que j’arrive à me mettre en condition.

Je n’ai pas de coach mental ou quelqu’un qui me dit de visualiser ceci ou de faire cela. Stu et moi travaillons ensemble depuis plusieurs années, on se connaît par cœur et on fait le point sur le week-end, mais je n’ai pas besoin d’avoir une discussion psychologique profonde.

Calcules-tu ceux qui t’entourent sur la grille ?

Tu sais qui est autour de toi. Quand je vais à mon emplacement sur la grille, je suis les procédures, je trouve le point d’embrayage et je m’assure que tout est en place. Après, je regarde dans le rétro pour voir quand le dernier pilote est en place sur la grille, puisque ensuite tu sais que tu as environ 10 secondes avant de partir. C’est là que je déclenche mon compte-à-rebours. Ensuite, j’enclenche la première vitesse et c’est là que le cœur commence à battre plus fort – mais il faut essayer de contrôler ta respiration, parce que c’est quand tu arrives à être relaxé que ta réactivité au départ est bonne.

Est-ce excitant d’être dans la position du chasseur avant de dépasser ?

Oui. Quand tu te rapproches d’une autre voiture, ton état d’esprit va changer avec une approche plus offensive et tu commences rapidement à te demander ‘Où est-ce que je vais l’avoir ? Comment je vais préparer mon coup pour l’avoir à cet endroit ? Quelle trajectoire prendre ? Quel rapport de vitesse vais-je adopter pour essayer de me rapprocher de lui ?’

Il y a un autre moment qui te permet de ressentir cette intensité : l’arrêt au stand. Le tour d’avant, je me dis ‘Comment je vais faire pour gagner du temps ? Est-ce que je dois être le plus agressif possible avant de rejoindre les stands ou plutôt ménager la mécanique pour faire un arrêt bien propre ?’

La meilleure attitude dans le cockpit est de rester calme ou d’être agressif ?

Je pense que c’est mieux d’être agressif si tu dois être offensif avant de dépasser. Je ne crois pas qu’être trop calme te permette d’arriver à dépasser quelqu’un. Il faut avoir cette flamme en soi. Une fois entré sur la ligne des stands, il faut en revanche savoir retrouver son calme pour ne pas dépasser la limite de vitesse autorisée. Il faut en profiter pour remettre de l’ordre dans ses pensées. Mais quand il faut dépasser, il faut mettre beaucoup d’intensité.

Est-ce qu’il y a plus d’excitation quand tu es sur un circuit prestigieux et exaltant comme Spa ou Silverstone par rapport à des circuits plus récents comme Bahreïn ?

Un circuit comme Bahreïn n’a pas de caractéristiques marquantes mais on peut quand même s’y amuser. Mais quand tu te retrouves sur des circuits légendaires, comme dans les virages de Monaco où tu sais que ta trajectoire va vraiment faire la différence, ton taux d’adrénaline est bien plus élevé et tu es mentalement plus stimulé. Sur des virages comme celui de Pouhon à Spa, il y a toujours un petit plus. Et des fois, ce petit plus est aussi une pression à supporter !

Quand il y a moins d’adhérence sur la piste à cause de l’huile ou de la pluie, que se passe-t-il dans ta tête ?

Je pense qu’on peut avoir deux approches qui dépendent du temps que tu fais. Si c’est sur un tour de qualification, tu dois prendre des risques. Il ne faut pas avoir peur de se planter. Mais en course, je pense qu’il faut être plus prudent et patient pour progresser petit à petit.

Si tu as un accident sur un Grand Prix, est-ce que ça va jouer sur ton état d’esprit quand tu reprends la voiture sur la course suivante ?

Le seul moment où ça peut toucher ton mental, c’est quand tu ne comprends pas pourquoi ça t’es arrivé. Si je me crashe tout seul sans savoir pourquoi, ça va me faire cogiter. Mais à 99,99% du temps, on arrive à cerner l’erreur commise et c’est plus facile de repartir de l’avant. Si tu te plantes à cause d’un freinage trop tardif, ou pour avoir braqué trop tôt et ensuite accrocher la bordure et se prendre le mur, ce n’est pas la peine d’avoir peur de reprendre le volant, parce que tu sais ce que tu ne dois pas faire et pourquoi. Il faut seulement ne pas refaire la même bêtise !

Est-ce que tu ressens de la culpabilité après un crash ?

Je crois qu’après chaque accident, tu as ce sentiment de culpabilité. Mais je pense que si tu te plantes parce que tu as essayé de repousser tes limites au maximum, tu ne peux pas t’en vouloir. Mais si c’est à cause d’un manque de concentration, alors oui, il y aura beaucoup de culpabilité.

Est-ce que c’est plus dur de gérer les accidents quand tu es un jeune en phase d’apprentissage ?

Quand j’étais gamin, c’était probablement plus difficile, notamment en karting ou en Formule Ford. Surtout que si je bousillais la voiture, c’était mon père qui devait payer les pots cassés ! Mon père essayait (et y arrivait) de me rassurer et me disait des trucs du genre ‘Ne t’inquiète pas, il faudra juste travailler plus dur pour faire mieux la semaine prochaine !’. Mais c’est mieux de savoir aujourd’hui que l’équipe s’occupe de ce genre de choses… même si je pense que j’ai moins d’accident depuis. En fait, j’avais plus d’accidents quand c’était mon père qui devait payer… Pauvre papa !

Source : Red Bull

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