Pagenaud : Une victoire ’méritée’ aux 24 Heures de Daytona
Acura a bien travaillé avec sa "mini F1" qu’est l’ARX-06
Simon Pagenaud est revenu en détail sur sa deuxième victoire aux 24 Heures de Daytona. Le Français, qui a remporté le Rolex 24 pour la deuxième année consécutive avec Acura et Meyer Shank Racing, a aussi inauguré la toute nouvelle catégorie GTP de l’IMSA, similaire au LMDh que l’on trouve en catégorie Hypercar en WEC. Il détaille les différences entre ses deux succès.
"La première victoire en 2022, c’était vraiment particulier parce que c’était la première à Daytona et que ça faisait un paquet d’années que j’essayais, donc c’était un soulagement. Cette année, ça a été la confirmation, et on a dominé la course en plus" a déclaré Pagenaud dans une interview exclusive accordée à Nextgen-Auto.
"Il y a eu des inquiétudes, il y avait beaucoup d’inconnues car on n’avait pas fait de test de fiabilité, donc chaque heure était difficile à vivre car on était dans une position tellement dominante qu’il était difficile d’imaginer que ça puisse s’arrêter."
"Ca n’a pas été un soulagement, ça a été une confirmation des progrès de l’équipe, qui est en train de devenir une équipe de très haut niveau, de notre line-up de pilotes qui était solide avec Colin Braun qui nous a rejoints cette année."
"On a très bien géré au niveau de stratégie et il y a eu de belles batailles en piste, donc pour moi on la méritait. C’était surtout le début des GTP avec cette Acura qui est une arme de course incroyable."
Un stress qu’il a fallu mettre de côté
Le directeur de l’équipe, Michael Shank, a révélé après l’arrivée que la boîte de vitesses du prototype numéro 60 menaçait de casser depuis le début de la course. Le pilote français révèle avoir entendu parler de ce problème, mais il a décidé de ne pas en tenir compte... au moins au début de course.
"On ne s’est pas focalisé dessus, nous les pilotes. On n’était pas au courant de ce qui se passait car on est dans la course, on nous donne des informations sur l’économie d’énergie pendant le relais, sur l’économie des pneumatiques, et on ne savait pas la fiabilité de la voiture, donc on l’économisait beaucoup."
"J’ai entendu de loin qu’il y avait des soucis de boîte de vitesses tôt dans la course, mais on s’y attendait, donc il n’y avait pas trop de déception. Puis après 15 heures de course, on dominait la situation, ça a commencé à m’inquiéter un peu !"
"Mais je n’ai pas trop voulu le savoir pour ne pas perdre ma concentration. Et à cinq heures de l’arrivée, on était en tête et c’était le moment d’attaquer, donc c’était sout ça tenait, soit ça ne tenait pas. Mais du côté des pilotes, on n’était pas trop au courant car ça ne fait pas partie de notre travail, et l’écurie a bien géré la situation."
Le prototype LMDh est plus proche d’une "mini F1"
Pour la première fois, les anciennes DPi étaient abandonnées au profit des toutes nouvelles GTP. Il s’agit d’une base de châssis similaire, répondant au règlement LMP2, mais avec un ensemble aéro revu, un tout nouveau moteur, et surtout une partie hybride dans celui-ci, qui change drastiquement le comportement des voitures, comme l’explique Simon Pagenaud.
"C’est une voiture qui est beaucoup plus sophistiquée. C’est la voiture que j’ai vu en catégorie GTP qui est la mieux assemblée au niveau du moteur, de l’hybride et des suspensions. Il y a eu un travail très poussé avec Acura et Oreca pour rendre la voiture la plus compacte et la plus aboutie possible."
"A l’origine, on a l’impression que c’est une mini Formule 1 quand on la regarde, de par le travail sur l’aérodynamisme, sur les suspensions, tout a été poussé au maximum. D’autres voitures, on a l’impression qu’elles ont été conçues de manière plus robuste, alors que celle-ci, au premier coup d’oeil, on a l’impression qu’elle est faite pour la performance."
"Et c’était une super surprise de voir que la fiabilité était là. La voiture est plus lourde, on a 100 kilos de plus, mais ça ne se sent pas vraiment. La voiture est plus agile, et les systèmes qui travaillent ensemble, avec l’hybride, le moteur et les freins, ont bien été bien assemblés pour donner une voiture qui se comporte super bien."
Le défi physique n’est pas plus important selon lui, mais le changement vient majoritairement du moteur, bien plus performant : "Non pas forcément. C’est un moteur qui est très différent de la DPi. Le moteur de la DPi est un moteur de production à l’origine avec un temps de réponse assez long."
Ce n’est pas un moteur de course, il y avait de vrais défauts à ce niveau, il était lourd aussi. Là on a un vrai moteur de course, qui est le futur qu’il y aura en IndyCar, avec un temps de réponse très rapide et des capacités électroniques très abouties. On est au tout début, et la voiture est déjà très aboutie et plus agréable à conduire que la DPi."
"Un boulot monstre" de la part d’Acura
Les craintes étaient nombreuses au début de ce projet, qui a débuté tardivement. Mais Simon Pagenaud explique que le travail d’Acura a payé, avec un gros pas en avant effectué cet hiver, qui a permis d’avoir une voiture très aboutie et nettement supérieure à la concurrence à Daytona.
"On a reçu la voiture en août, elle a commencé à rouler en septembre... c’est tard ! La course est fin janvier et ici aux Etats-Unis, il y a Noël, Thanksgiving, donc l’équipe Meyer Shank s’est jamais arrêtée de travailler."
"Pour les mécaniciens, c’étaient des journées de 15 heures, ça a été extrêmement dur pour eux, pour les ingénieurs également. Je dois avouer que jusqu’en décembre, on avait beaucoup d’inquiétude sur les 24 heures et sur la performance."
"On sentait que la performance était bonne, mais on n’avait pas réussi à faire les calibrations entre l’hybride et le moteur thermique, donc il y avait des inquiétudes. Puis après Noël, il y a eu une ouverture de rideau, Acura et les ingénieurs ont fait un boulot monstre et la voiture s’est révélée, donc c’était chouette."
Le duel contre Bourdais, un "moment charnière"
Durant la matinée en France, la fin de nuit en Floride, Simon Pagenaud et Sébastien Bourdais ont offert un duel exceptionnel. Les deux Français étaient en tête, la Cadillac n°2 de ce dernier menant devant l’Acura de Pagenaud. Le gros rythme imprégné par Simon Pagenaud a été crucial pour la fin de course, et le principal intéressé en a conscience.
"Clairement, c’était un moment charnière pour moi, j’en ai eu conscience car je commence à avoir beaucoup d’expérience de ce genre de course, et surtout à Daytona. J’ai appris que quand on a une opportunité, on doit la saisir car on ne sait pas comment est faite la course après cela."
"C’était à moi de faire le boulot et de rendre la voiture en tête, car on avait la performance et j’ai tout fait pour, et c’était le créneau horaire où il fallait rouler. Quand on arrive à 5 ou 6 heures de la fin, il faut commencer à dérouler."
"On avait créé une stratégie qui nous permettait de faire des arrêts aux stands courts, donc c’était un petit avantage. Mon boulot à ce moment-là était de prendre la tête et de rester dans cette position pour donner la voiture à Tom dans de bonnes conditions à la fin."
"J’ai roulé un peu plus longtemps que prévu car je me sentais bien, j’étais à l’aise dans la voiture, je me suis régalé dans la bataille avec Sébastien, et j’ai dit à l’équipe que s’il y avait besoin de rouler plus, je pouvais, et ils ne se sont pas gênés pour me faire rouler plus !"
L’adrénaline pour alimenter la concentration
Un long relais dans la dernière partie de la course qui a mis la concentration de Simon Pagenaud a rude épreuve, même s’il ne l’a pas senti sur le moment. Il explique comment un pilote peut commencer à se déconcentrer puis parvenir à se reconcentrer en quelques dizaines de seconde, et comment cela lui a permis d’enchaîner, malgré une fatigue très importante qu’il n’a ressentie qu’après avoir rendu le volant.
"J’ai dû avoir une bonne préparation physique cet hiver car ça allait, mais c’est au niveau de la concentration qu’il faut faire attention. On est tellement à l’affût tout au long de la course, toujours en train de doubler, et il est facile de faire une erreur avec 60 voitures en piste."
"A la fin d’un relais, il y a un petit moment de détente quand on nous dit qu’il va y avoir un changement de pilote. Et quand je leur ai annoncé que j’étais capable de continuer, j’étais sur cette phase de détente justement."
"Ils m’ont dit que si je pouvais continuer, c’était top, donc il faut se remettre à avoir de l’adrénaline, car on tient sur l’adrénaline avec peu de sommeil. J’ai dormi deux heures en plus de 30 heures au total. Dans la voiture ça allait, mais 10 minutes après la sortie, j’ai senti que la fatigue s’était installée."
Une "surprise" de voir Porsche en difficulté
La grande surprise de cette course a été de voir une fiabilité globalement bonne pour deux marques, et très délicate à gérer pour les autres. En effet, Acura et Cadillac n’ont presque pas connu d’avaries, contrairement à Porsche et BMW.
Une surprise pour le premier cité, qui avait énormément roulé, et une déception pour le second, qui a vite été ralenti dans la course, avec un problème dès la première heure pour un des deux prototypes BMW.
"C’était un peu triste de voir BMW avoir un souci après une heure. C’est chouette de les voir revenir en compétition à ce niveau-là, mais on s’y attendait. On s’attendait tous à voir toutes les voitures avoir des problèmes, parce que ce sont des prototypes et qu’il y a eu peu d’essais."
"Ceux qui m’ont surpris le plus, c’était Porsche, parce que ce sont eux qui ont le plus roulé. Porsche n’est pas n’importe qui, ils ont beaucoup d’expérience en endurance, Penske également, donc c’était un peu plus surprenant mais ils étaient dans la course à la fin."
"C’est l’avantage de l’IMSA, quand il y a un drapeau jaune à la fin, ça permet de rattraper son tour de retard, de tout relancer et d’avoir de belles fins de course. Mais globalement, je tire mon chapeau à Acura car les deux voitures font 1 et 2, la fiabilité était la meilleure de toute, mais il y a aussi beaucoup d’expérience."
"J’ai commencé à rouler avec Acura au début des prototypes récents en 2008, et ils ont tiré avec Oreca toute cette expérience depuis plus de dix ans, ce qui leur a permis d’avoir cette fiabilité."
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