Le Mans : Les gentlemen drivers une nouvelle fois montrés du doigt

Le crash de Davidson relance les débats

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20 juin 2012 - 08:41
Le Mans : Les gentlemen drivers (...)

Samedi soir, l’accident entre la Toyota d’Anthony Davidson et la Ferrari F458 de Giueseppe Perazzini a une nouvelle fois mis les gentlemen drivers au piquet. C’est du moins l’avis de beaucoup. Après Rob Kaufmann l’an passé, c’est maintenant un autre pilote AF Corse qui d’être pointé du doigt. Les pilotes professionnels vous diront que certains gentlemen n’ont pas le niveau et les gentlemen vous diront que les pilotes professionnels sont trop impétueux. La vérité est très certainement entre les deux. Cette année, une quarantaine de pilotes ont été obligés de faire leurs dix tours réglementaires à l’occasion de la Journée Test. Comme en 2011 avec Mike Rockenfeller, l’accident de samedi ne devrait pas laisser de séquelles aux deux pilotes impliqués. Au fil des ans, les gentlemen sont montrés du doigt. Maintenant qu’est ce qu’un gentleman driver ? Quelqu’un qui paie pour courir ? Alors on doit avoir 90% de gentlemen drivers au sein du plateau. Quelqu’un qui a un « vrai » métier la semaine ? Alors 80% du plateau doit être dans ce cas. Vu la conjoncture actuelle, si les gentlemen ne sont plus là, le plateau deviendrait rachitique, et on ne peut pas s’en passer. C’est comme se passer des équipes privées.

Suite à son accident, Anthony Davidson raconte : « J’avais quasiment passé toute la voiture après le point de corde du virage. J’ai doublé une Corvette et une Ferrari avec un sticker « Pro ». Elles se battaient entre elles et je pensais que la Ferrari devant faisait partie de ce groupe, et qu’il s’agissait donc d’un pro au volant. L’auto était complètement sur la gauche, comme ce que vous pouvez attendre d’un pilote pro. C’est seulement quand je suis arrivé juste derrière que j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un amateur. Je n’étais toutefois pas inquiet : je continuais de penser que la manœuvre était légitime et qu’il resterait sur la gauche. C’est ce qu’il semblait se passer. J’ai pris la corde, commencé à freiner et j’étais presque à la sortie du virage quand j’ai senti un contact à l’arrière gauche. »

La suite, on la connaît. Une LMP1 pourtant équipée d’un aileron de requin et d’ailes découvertes qui décolle et une Ferrari qui se retrouve sur le toit. Là aussi il faudra se poser les bonnes questions. Certes, l’aileron de requin a certainement empêché la Toyota de tourner encore plus en toupie et d’aller atterrir plus loin. On peut faire ce que l’on veut, mais une auto lancée à pleine vitesse peut faire n’importe quoi et ce n’est pas un règlement qui va empêcher les lois de la physique. On a beau faire des prévisions, mais chaque accident est différent. On cherche tellement à réduire la puissance des autos qu’il faut travailler sur l’aérodynamisme à outrance. Peut-être trop... On ne compte plus les envols de protos ces derniers temps et on ne peut que se féliciter qu’à présent tout se soit (à peu près) bien terminé pour eux. On sent que les pilotes absorbent de plus en plus les chocs et une voiture de course n’est pas un char d’assaut.

Sur les hybrides, il est prévu qu’un voyant vert soit allumé pour que l’on puisse toucher l’auto et rouge pour ne rien faire. Ceci est valable pour les mécaniciens, mais aussi pour les commissaires en bord de piste. On nous dit timidement que le système électrique se déconnecte en cas d’accident. Imaginez qu’il faille extraire un pilote de toute urgence de son baquet et que la lumière soit rouge. Les commissaires font quoi ? Appeler le stand pour envoyer un technicien ? Oui mais le temps presse... Lors de l’accident d’Anthony Davidson, les commissaires ont attendu un moment avant de toucher l’auto. On a bien vu que lors de certains accidents routiers, l’airbag ne se déclenche pas du fait de l’angle du point d’impact. En revanche, on ne peut que se féliciter d’avoir des autos fermées. On regrettera tout de même qu’il ait fallu attendre un sérieux accident au Virage du Karting lors de la Journée Test pour ôter cette p**** de moquette synthétique qui n’avait rien de sécuritaire.

On ne peut pas comparer les 24 Heures du Mans à une autre course : la durée, la longueur du circuit, l’ambiance, la pression et surtout les différentiels de vitesse. Un pilote nous disait la semaine passée qu’un volant au Mans ne devait pas s’acheter avec un simple carnet de chèques. Des gentlemen, on en trouve en LMP1, LMP2, GTE-Pro et GTE-Am, soit dans les quatre catégories. Pour certains, il est vrai qu’on ne sait plus trop où les mettre, vu leur niveau de compétitivité. On citera Raymond Narac et Ludovic Badey. Ces deux-là sont à mi-chemin et il ne serait pas illogique de les classer dans la catégorie Pro. Donc évitons tout amalgame quand on parle de gentleman.

Il est vrai qu’arriver au Mans sans avoir roulé dans une course où sont présents les LMP1 est illogique. Imaginez quelqu’un qui vient d’avoir son permis depuis deux jours aller à Paris Place de l’Etoile un soir à 18 heures. Faites lui faire la conduite accompagnée et là c’est déjà plus sécurisant. Cet exemple est peut-être un peu fort, mais il reflète la réalité. Pourquoi ne pourrait-on pas obliger les pilotes voulant rouler au Mans à se familiariser avec les écarts de vitesse lors d’une course préparatoire, par exemple à Spa. La cohabitation a toujours existé, tout comme les écarts de vitesse. Certes, des « amateurs » font des conneries, mais lorsqu’un pilote professionnel vient harponner un « Am », personne ne dit rien. On a encore quelques exemples en tête, notamment chez Peugeot. La loi du plus fort l’emporte. Lors du briefing pilotes, il a été dit que lorsqu’un proto rattrapait une GT bien moins rapide, le pilote GT pouvait mettre son clignotant pour indiquer la direction qu’il allait prendre. Stéphane Sarrazin se demandait s’il ne fallait pas faire comme au Dakar, c’est-à-dire mettre une alerte au pilote le moins rapide lorsqu’une LMP1 arrive tambour battant. De là à dire comme on l’a entendu samedi que l’accident n’était qu’un « racing incident » il ne faut pas exagérer non plus. Et on ne va quand même pas peindre les autos roulant en « Am » d’une couleur spécifique. Allez hop elle seront toutes fluo... N’est-ce pas en GTE-Am que la course a été la plus disputée ? Il est vrai qu’avec un Pedro Lamy dans une Corvette et un Nicolas Armindo dans une Porsche, on est loin du niveau amateurs.

Alors trop impatients les pilotes P1, ou trop novices les pilotes GTE-Am ? Comme on vous l’a dit plus haut, la réponse est sans doute entre les deux, mais il va falloir régler le problème, et vite...

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