Entretien avec Stéphane Chosse, géniteur des Lotus T128 LMP1 et LMP2
"Nous voulions créer l’effet de surprise"
Basée en Allemagne à Munich, la société Adess AG est plus connue dans le monde de la Formule 1 que de l’Endurance. C’est à eux que l’on doit notamment l’aéro de la HRT vue cette saison. Pourtant, l’Endurance va prendre une part nettement plus importante chez Adess AG avec la Lotus T128 commandée par Kodewa. Dès 2013, cette nouvelle auto roulera en Championnat du Monde d’Endurance, des contacts étant en cours pour en aligner dans les autres séries badgées Le Mans. On a connu Kodewa GmbH & Co. KG du temps des Audi R10 TDI. Le team allemand a été lancé par Romulus Kolles et son fils Colin au début des années 2000. Le team Kodewa s’est illustré en German Formula 3, F3 Euroseries, DTM, puis en Formule 1 avec HRT. Cette saison, deux Lola étaient alignées en FIA WEC sous la bannière Lotus LMP2. Les deux prochaines saisons seront cruciales pour Kodewa et Adess AG avec le développement de la Lotus T128 dont la première esquisse a été présentée lors de la semaine des 24 Heures du Mans. Depuis, les nouvelles étaient rares, si ce n’est une photo de l’auto en soufflerie. Adess AG travaille d’arrache pied pour que la Lotus T128 prenne la piste en janvier prochain. Derrière Adess AG se cache Stéphane Chosse, Français expatrié en Allemagne. Le géniteur de la Lotus T128 nous en dit plus sur l’auto et nous donne les derniers détails.
Laurent Mercier : Stéphane, tout d’abord peux-t-on en savoir plus sur Adess AG ?
Stéphane Chosse : « Nous avons travaillé cette année sur l’aéro de la HRT avec les moyens du bord. L’année passée, nous avons œuvré sur la partie aéro de la Peugeot 908. Personnellement, j’ai un background à forte dominante Formule 1 : Ligier, Sauber, Toyota. J’ai passé huit ans à Cologne dès le début du projet Toyota F1. Fin 2009, le programme a été arrêté et j’ai décidé de me mettre à mon compte et de rester en Allemagne. Le sport automobile est bien ancré dans le pays et j’ai cherché vers quelle ville me diriger. Munich s’est imposée avec la proximité de Audi, BMW, Mercedes ou Porsche. »
Comment s’est fait le lien avec Kodewa ?
« Kodewa travaillait pour HRT en Formule 1 et c’est là qu’a débuté notre relation. Ils nous ont passé commande d’un prototype. Le projet a démarré il y a maintenant un an et demi avec quatre personnes : un ancien de chez Pescarolo, deux autres personnes et moi-même. On a une année de CFD derrière nous. L’étude a débuté avant l’arrivée de Kodewa car c’était déjà quelque chose que nous souhaitions faire. Nous leur avons montré le projet et cela leur a plu. Ils ont alors passé commande. Il a fallu que Adess AG se renforce avec plusieurs personnes recrutées chez Peugeot. »
La communication sur le projet se fait au compte-goutte. C’est une volonté ?
« Nous voulions créer l’effet de surprise. Les gens ont commencé à nous contacter lorsqu’il y a eu la photo prise dans la soufflerie Mercedes F1. Nous sommes restés discrets pour travailler en toute sérénité. »
Quelle est l’implication de Lotus dans le programme ?
« Kodewa a une licence d’utilisation du nom Lotus à partir de 2013 pour les LMP2 et 2014 pour les LMP1. Kodewa peut exploiter le nom. Il n’y a pas d’implication de Lotus. Le projet est d’origine Kodewa pour l’étude et la construction de l’auto. Ce sont eux les donneurs d’ordre. Il est prévu de vendre au moins cinq LMP2 sachant que Kodewa en prend déjà deux. Nous avons de bons contacts avec d’autres teams de premier choix. »
Les premières esquisses montrent une inspiration de l’Audi et de la Toyota. C’était un souhait de prendre le meilleur des deux ?
« Déjà il faut savoir que l’auto coûtera le même prix que celles (ndlr : LMP2) qui sont actuellement sur le marché. Elle sera facile à piloter et à utiliser pour les gentlemen. Nous avons étudié le règlement LMP2 de fond en comble. Pour ce qui est de la Toyota, je connais bien ses points forts. L’Audi a un nez assez bas pour limiter l’entrée d’air. On a vite vu les directions qu’il fallait prendre. Le travail en CFD donne des directions. De toute façon, les LMP2 sont étalonnées un peu à l’instar des GT3. On ne s’est pas concentrés sur la performance pure. On a tenu à prendre en compte les critères de stabilité de l’auto, notamment sur le plan aéro, la stabilité au tangage, en lacet pour les courbes Porsche au Mans. Tout a été pris en compte. On veut une auto facile pour les gentlemen. La base des autos actuelles est tout de même assez anciennes, sachant que la plupart sont issues de près ou de loin de la Courage. On veut montrer que l’auto fonctionne et que les clients en aient pour leur argent. »
Le règlement 2014 a été pris en compte ?
« L’auto reprend les critères de visibilité du règlement LMP1 2014. Là aussi, c’est très positif pour les gentlemen. Cependant, nous n’allons pas homologuer l’auto pour le nouveau règlement pour le moment même si la monocoque l’est. »
L’étude LMP1 débutera à quel moment ?
« Elle a débuté début novembre sachant que la base est identique. Il y a quelques changements à apporter au niveau de la monocoque et nous allons utiliser notre expérience de la LMP2 pour cela. Nous avons l’avantage d’avoir une auto fermée. La LMP1 est aussi à l’initiative de Kodewa sachant qu’elle sera disponible pour des clients. Suite au problème de Lola, il n’y a plus de LMP2 fermées disponibles sur le marché sachant que les protos actuels connaissent des problèmes de visibilité. Nous, on part d’une feuille blanche, ce qui intéresse l’ACO. »
La LMP1 pourrait être hybride ?
« Nous étudions toutes les possibilités. Pour 2014, le poids des Hybrides passe de 850 à 870 kg, contre 830 aux privés. Il y a un ratio de 40 kg, ce qui fait qu’il faudra voir si cela vaut le coup ou pas. Nous discutons avec différents motoristes susceptibles de nous aider. Il faudra voir car un V8 ou V10 permet une vitesse de rotation faible et très peu de friction. Avec un V6 turbo, cela permet d’avoir un moteur d’un volume plus petit. Nous faisons de la simulation. La première séance de soufflerie débutera en janvier. Le règlement 2014 apporte quelques différences. Les LMP1 feront 1m90 au lieu de 2 mètres. L’avant ressemblera plus à une Formule 1 avec un vrai aileron, ce qui permettra de régler aussi bien l’avant que l’arrière. La charge de l’auto pourra être adaptée aux circuits. Le splitter que l’on connaît actuellement sera de plus en plus remplacé par un aileron. Pour nous, le travail ne manque pas pour les quinze prochains mois. »
Le premier roulage de la LMP2 est prévu pour quand ?
« Il était prévu initialement que la Lotus T128 prenne la piste la troisième semaine de décembre, mais je pense que ce sera pour la troisième ou quatrième semaine de janvier. James Rossiter sera le pilote de développement. Plusieurs teams roulant en Championnat du Monde d’Endurance ou European Le Mans Series ont montré de l’intérêt. Le nom de l’auto est Lotus T128, mais elle pourrait rouler sous un autre nom selon les souhaits d’un team. Il suffira alors de modifier quelque peu le look, notamment au niveau des optiques. Pour ce qui est de la motorisation, le moteur Lotus (Judd) sera utilisé par Kodewa, et il sera tout à fait possible d’y mettre le Nissan. Il y a aussi des contacts avec Honda. Le Judd et le Nissan sont atmosphériques avec une longueur quasiment identique. L’entretoise est la même avec deux usinages différents. Le moteur Honda est un bi-turbo, et compte tenu de l’échangeur il y a un peu plus de travail. La motorisation Judd est bonne. Certes il a un peu moins de couple que le Nissan mais la puissance est supérieure. »
C’était une volonté pour Adess de se diriger vers l’Endurance ?
« En parallèle au projet F1, nous avons débuté ce programme en prototype. J’ai seize ans de Formule 1 derrière moi et le prototype est ce qui se rapproche le plus de ce qui se fait en Formule 1. Nous avons d’autres projets pour l’avenir en sport automobile. Ce qui nous intéresse, ce sont les projets sur le long terme. Nous sommes aussi capables de faire rouler une GT3 si un constructeur est intéressé. On peut se placer aussi bien comme constructeur que comme partenaire d’un constructeur. »
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