Un sombre présage : Elliott raconte le premier roulage de la Mercedes F1

Une météo terrible avait en partie caché l’ampleur du désastre

Par Alexandre C.

26 décembre 2022 - 18:12
Un sombre présage : Elliott raconte le

On le sait, le début de saison, si ce n’est la saison toute entière, de Mercedes F1, fut comme empoisonnéepar le marsouinage… un problème que l’équipe allemande put cependant détecter tôt, mais dans des circonstances potentiellement trompeuses.

En effet dès le 18 février, lors du déverminage (roulage promotionnel) de la Mercedes à Silverstone, la voiture argentée rebondissait de manière inquiétante...

Cependant il était possible, durant « ce jour le plus venteux de toute ma carrière » (dixit George Russell, qui était au volant), de penser que la Mercedes rebondissait non pas à cause d’un vice aérodynamique fondamental, mais tout simplement en raison de la météo anglaise.

Mike Elliott, le directeur technique, se souvient de cette première mauvaise impression… et hésitation.

« Nous savions, après cette journée très humide à Silverstone, qu’il y avait un certain rebondissement sur la voiture, mais pas assez pour obtenir une image vraiment claire. »

« Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette journée était assez horrible, avec des vents violents et des pluies torrentielles. Et puis, après les premiers essais hivernaux à Barcelone, et nous avons pu prouver que le rebond était bien présent. Nous savions qu’il y avait des problèmes à résoudre, mais nous savions aussi qu’il y avait une évolution assez importante à venir, et il est difficile de savoir ce que vous amènerez sur le premier kit d’évolutions par rapport à ce que vous faites sur le deuxième kit, etc. Cela faisait donc partie du défi. »

La Mercedes a certes reçu ensuite des évolutions, notamment aux essais hivernaux de Bahreïn, avec l’apparition d’une F1 zéro pontons.

Ce choix radical, qui a été largement commenté, pour son aspect visuel spectaculaire, aurait-il en réalité empiré les problèmes de Mercedes ? Mike Elliott décorrèle en tout cas le marsouinage de ce choix de pontons.

« Ce concept zéro pontons n’a rien créé d’inattendu. Malheureusement, il n’a pas résolu nos problèmes, il n’a jamais été prévu pour. Quand les gens regardent la voiture, il y a cette tendance à parler de concepts de voitures en disant que vous avez un concept, vous le mettez sur la piste et ça marche ou ça ne marche pas. »

« Je pense que la réalité de ce que nous faisons est une évolution constante, il s’agit de prendre ce que vous avez et de dire, "comment pouvons-nous l’améliorer ?". Et vous le faites en regardant les voitures de vos concurrents, vous le faites en regardant vos propres simulations, vos mesures sur la piste, vos mesures en soufflerie, vos mesures CFD et vous vous dites "quelle est la prochaine étape à franchir ?". »

« Et bien que les pontons soient visuellement très différents des autres voitures, quand vous regardez ce qu’ils font aérodynamiquement, ils ne sont pas si différents des autres voitures. Il s’agit simplement d’une géométrie différente. La réalité, c’est que si vous deviez échanger le concept des pontons entre les voitures… je ne pense pas que cela aurait fait une très grande différence pour nous. »

Le directeur technique raconte la suite de la lutte de Mercedes contre le marsouinage ; le package évolué de Barcelone avait fait apparaître de grands espoirs, vite déçus.

« Je ne pense pas qu’aucune des équipes ait vraiment prédit le marsouinage. Nous étions tous conscients de ce qui s’était passé autrefois avec les voitures à effet de sol et nous avions tous entamé la saison en pensant qu’il y avait un potentiel pour cela. Lorsque vous regardez les limites de ce que vous pouvez faire en CFD et en soufflerie, en raison des restrictions des tests aérodynamiques, il est assez difficile d’avoir une idée de ce que vous pourriez voir ou non. »

« Donc, une fois que vous avez commencé les essais hivernaux et que vous avez vu les rebonds, pour nous en particulier, il s’agissait vraiment de savoir comment développer rapidement les outils pour comprendre exactement ce qui se passe. Vous pouvez faire diverses corrections sur la piste et des expériences... nous en avons vu beaucoup sur la grille. Mais en fait, il s’agissait de savoir à quelle vitesse on pouvait comprendre le phénomène sous-jacent et à quelle vitesse on pouvait le corriger. »

« À Barcelone, nous avions déjà une bonne maîtrise de la situation. Mais cela a introduit certaines contraintes dans la façon dont nous faisions fonctionner la voiture, ce qui signifie que nous n’étions pas en mesure d’en tirer le meilleur parti. »

Une Mercedes trop rigide… et trop basse

La Mercedes souffrait aussi d’un autre vice, qui s’avèrerait fatal à Monaco : elle roulait avec une faible hauteur de caisse, avec donc peu de marge au niveau des suspensions arrière pour rouler plus haut – et ainsi diminuer le marsouinage.

La voiture devait aussi rouler avec une certaine rigidité, provoquant des rebondissements d’origine mécanique (différents du marsouinage ) ; conséquemment aussi, la Mercedes devait prendre la piste avec des ailerons assez larges, compromettant la traînée, l’autre gros point faible de Mercedes cette année… ce qui a donné de nouvelles migraines à Mike Elliott.

Le nouveau règlement aérodynamique de 2022 posait en résumé des contraintes en cascade, que détaille le directeur technique.

« Il s’agissait de choisir à quelle distance du sol rouler, pour se défaire de nos problèmes. Il y a donc deux problèmes. »

« Le problème aérodynamique est qu’il y a effectivement une mise en phase, un petit décalage entre la force aérodynamique dans l’air et le mouvement de la voiture effectif. Et ce petit décalage entre les deux signifie que vous avez un apport d’énergie. Ainsi, lorsque vous heurtez une bosse et que vous déclenchez une oscillation, l’aérodynamique est telle qu’elle ajoute de l’énergie à l’oscillation au lieu de l’amortir. »

« Il est intéressant de noter que si vous regardez les générations précédentes de voitures, l’aérodynamique participait à amoindrir, à amortir l’oscillation de la voiture. Donc, l’aérodynamique contribuait à, en quelque sorte, amortir les voitures, ce ne que ne font pas les voitures de 2022. Donc, même si vous avez corrigé l’aérodynamique, le fait que vous ayez moins d’amortissement, avec le nouveau règlement, signifie que vous avez du mal à faire rouler les voitures aussi rigides que vous le voudriez – vous avez du mal quand vous les faites rouler près du sol. »

Mercedes F1

Recherche

Info Formule 1

Photos

Vidéos