Révolution ou procession ? Les qualifications sprint en F1 attendues au tournant
Un format bouleversé voire chaotique ?
C’est lors du week-end à venir à Silverstone que le format des qualifications sprint sera testé pour la première fois en F1, après une longue période de négociations entre les promoteurs, la FIA, la FOM et les équipes.
Il s’agit potentiellement d’une véritable révolution pour la F1, encore supérieure au bouleversement des formats de qualifications ayant eu lieu à diverses reprises lors des dernières années ou décennies.
Mais comme toute révolution, ce format n’est pas sans provoquer des débats parfois enflammés… Par exemple, à l’origine, les équipes notamment de pointe étaient absolument opposées à l’idée des grilles inversées, idée de base de Ross Brawn, le manager des sports mécaniques pour Liberty Media. Les qualifications au format « normal » le vendredi apparaissent ainsi comme une concession nécessaire. Avant une prochaine offensive de la FOM ?
Un accueil mitigé ?
Ce format a donc été vendu et promu par la FOM afin de redonner un intérêt à chaque jour du Grand Prix – et au grand plaisir des promoteurs qui pourront plus écouler de billets le vendredi et le samedi notamment.
C’est l’argument principal brandi par le promoteur commercial de la F1 : il s’agit de rendre encore plus attractif un Grand Prix sur sa durée en sacrifiant notamment une séance d’essais libres.
« Lorsque nous avons annoncé publiquement que nous voulions essayer une qualification sprint comme celle-ci, les organisateurs éligibles pour le test ont immédiatement reçu beaucoup plus de demandes de billets. Et les diffuseurs TV étaient ravis. Ce format apporte de nombreux avantages » se vantait ainsi récemment Stefano Domenicali. « Moins il y a de temps pour les séances d’essais libres, plus il y a d’action sur la piste. Avec les essais libres et les qualifications, l’organisateur peut vendre un meilleur vendredi aux fans. C’est une plate-forme supplémentaire pour les médias et pour les sponsors. Et tout devient un peu plus imprévisible, ce qui rend la course à venir plus intéressante. »
Les qualifications sprint sont cependant accusées de dévaloriser la « véritable course », celle du dimanche et du Grand Prix. C’est en réponse à ces critiques que la FOM a décidé de nommer ce format « qualifications sprint » et non « course sprint », car il n’y a qu’une course…
Ross Brawn s’en défendait encore récemment, critiquant les fans trop « traditionalistes » : « Nous ne voulons pas cannibaliser la course, mais peut-être que les qualifications Sprint pourraient, selon nous, avoir plus d’avantages et plus de récompenses quant à la place à laquelle vous finissez, et donc rendre la course plus intéressante. »
Le manque d’essais libres inquiète aussi les équipes, qui arriveront dans les « qualifications normales » du vendredi dans l’inconnu, avec peu de données. Ce que redoute déjà Mattia Binotto : « Nous allons devoir parcourir beaucoup de choses dans la séance d’essais du vendredi, et nous aurons également les nouveaux pneus Pirelli à tester sur un circuit très différent de l’Autriche. Nous savons donc que nous entrerons dans les qualifications avec très peu de données. Après cela, c’est le parc fermé, donc cela pourrait être un week-end plutôt chaotique. »
La question des compensations financières et du spectacle : procession ou non ?
Une autre critique des qualifications sprint porte sur le spectacle qui sera proposé en piste. Les pilotes voudront-ils prendre tous les risques sur une course de 30 minutes simplement pour une place sur la grille ? Au risque de casser leur voiture, ce qui est d’autant plus dommageable en période de budgets plafonnés.
D’ailleurs les écuries de pointe ont demandé et obtenu des compensations. Au Portugal, des indiscrétions ont fuité sur le compromis qui a été trouvé : aux 145 millions de dollars accordés s’ajouteront 150.000 dollars par qualification sprint pour chaque équipe. Soit 450.000 dollars en tout. En cas d’abandon ou de dégâts assez mineurs dans une qualification sprint, le budget plafonné pourra être augmenté de 100.000 dollars par qualification sprint et par voiture touchée.
« Il y a des points très importants à gagner - 3, 2, 1, donc ce n’est pas négligeable. Personnellement, je crois que ces gars-là vont se faire la course comme avec des caddies dans un supermarché - ils ne veulent tout simplement pas perdre ! » veut croire Ross Brawn. « Nous l’avons vu avec le point du meilleur tour, nous l’avons vu pendant les courses - ils peuvent être en 11ème ou 12ème position dans une course et ils ne vont pas marquer un point mais ils ne veulent pas perdre, ils veulent montrer qu’ils sont meilleurs. Et je pense que nous aurons cela le samedi. »
Mais de son côté, Lewis Hamilton imagine plutôt des pilotes très conservateurs et prudents : « Je m’attends plutôt à une procession, à ce que tout le monde fasse attention, plutôt qu’à la folie des deux derniers tours à Bakou. Il y a 17 tours je crois à faire. Donc on pourra voir peut-être quelques dépassements, mais pas de prise de risques majeure. Ce ne sera pas très excitant selon moi, c’est le plus probable. »
Carlos Sainz est lui un peu plus optimiste, redoutant cependant l’usure et la chauffe des Pirelli : « 17 tours seulement, cela doit nous permettre d’attaquer un peu plus, d’avoir plus de fun. Mais vous savez aussi que plus vous poussez, plus c’est difficile de dépasser à un moment et plus vous vous exposez ensuite. Ce n’est pas un secret, les Pirelli permettent ça sur 2 ou 3 tours maximum. Nous verrons bien. »
Les leçons du passé tirées
Reste que la F1 a su tirer les leçons du passé et notamment de 2016 : le format de qualifications par élimination devait être généralisé pour toute la saison. Il avait été testé à deux reprises seulement avant d’être abandonné, tant il était calamiteux – le suspense n’était pas du tout au rendez-vous et les équipes patientaient de longues minutes au garage.
Cette fois, la FOM a décidé de tester sur 3 circuits différents (sur un calendrier de 23 courses) ce format, afin de savoir s’il fallait le démocratiser à l’avenir. Ross Brawn parle d’ailleurs déjà de 6 qualifications sprint dans le futur avec peut-être plus de points octroyés.
Et si les qualifications sprint sont une procession ? Alors elles pourront être abandonnées… à moins que la question des grilles inversées ne fasse son retour !
La jeunesse dans le viseur
Enfin, notons qu’on ne peut comprendre l’introduction des qualifications sprint si on ne perçoit pas l’intérêt commercial et marketing porté par la FOM : non seulement il faut soutenir les promoteurs en offrant de l’action à chaque jour du week-end de course, mais encore faut-il continuer à reconquérir le marché des jeunes, essentiel pour le futur du sport.
Or les jeunes sont justement plus friands de formats courts. Des discussions similaires en tennis ou en foot existent d’ailleurs pour raccourcir les matchs (passer à 3 sets, suppression des prolongations…). La F1 s’inscrit ainsi dans un mouvement de fond qui la dépasse.
« C’est un fait que les choses changent. Les jeunes ne veulent pas forcément regarder deux heures de course un dimanche après-midi. Nous pourrions découvrir que les courses au format court sont plus attrayantes pour eux » confiait ainsi Ross Brawn.
Représentant de cette jeune génération connectée, Lando Norris chez McLaren pense aussi que les jeunes pourraient, à terme, consommer plus de qualifications sprint que de Grands Prix traditionnels : « Si l’on parle de ceux qui regardent la télévision, je pense que les gens de notre époque ont tellement de choses à faire dans leur vie. Il y a tellement plus de choses à faire qu’il y a probablement 10 ou 20 ans. Il y a tellement de choses que les gens aiment faire et c’est si facile de sortir et de faire quelque chose, de rencontrer ses amis, de jouer à des jeux, d’aller sur Internet, peu importe. C’est si facile de passer à autre chose très rapidement si on perd l’intérêt pour quelque chose. Donc de mon côté, je dirais que c’est logique. »
Ne manquez pas ’Grand Prix’, le Talk F1 par Nextgen-Auto, lundi soir à 20h30 : il sera question notamment des qualifications sprint !
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