Retour sur 10 années d’hybridation en Formule 1
Un bon bilan pour le sport
À l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement de l’ONU, qui s’est tenue hier, retour sur plus d’une décennie d’innovation dans le domaine de la propulsion hybride F1. Au cours de cette période, des progrès technologiques remarquables ont conduit à la création de certains des moteurs les plus efficaces jamais vus sur route ou sur piste.
Il y a deux ans, quatre saisons seulement après le début de l’ère hybride de la Formule 1, l’équipe championne de la discipline, Mercedes, a publié une déclaration selon laquelle lors d’un test de dynamomètre dans son usine High Performance Powertrains à Brixworth, au Royaume-Uni, son moteur M08 EQ Power+ F1 a enregistré un rendement thermique supérieur à 50%.
Pour les non-initiés, la mesure peut sembler obscure, mais elle est le produit de la guerre technologique menée par les constructeurs des nouveaux moteurs hybrides très complexes de la F1. Pour ceux qui s’y connaissent, cependant, cette annonce a été marquante. Pour la première fois, un moteur de course produit plus d’énergie utile que d’énergie perdue. Et au terme de presque 10 ans de lutte autour de la règlementation, la vision de la FIA en matière d’innovation dans le sport automobile, berceau d’une technologie durable et pertinente pour la route, atteint ses buts au-delà de toute attente.
Si cette réussite est directement liée à l’introduction en 2014 d’un moteur hybride turbocompressé d’1,6 litre, l’origine de la recherche d’une puissance durable en Formule 1 remonte à 2009 et à l’introduction des premiers systèmes hybrides.
Afin d’augmenter les références environnementales du sport, le règlement technique de la F1 FIA pour la saison 2009 prévoyait l’utilisation de systèmes de récupération d’énergie cinétique (KERS) qui capteraient l’énergie libérée lors du freinage. L’énergie récupérée, limitée à 60 kW et ne dépassant pas 400 kJ d’énergie autorisée, pourrait alors être déployée sous la forme d’une suralimentation d’environ 80 ch supplémentaires pendant environ 6,7 secondes par tour. Les plans du système prévoyaient d’augmenter la capacité de stockage à 100 kW en 2011 et à 200 kW en 2013.
Les premiers résultats obtenus avec cette technologie n’étaient pas encourageants. Lourdes, complexes à emballer et souvent peu fiables, les voitures équipées du KERS ont été régulièrement éclipsées par leurs rivales moins avancées technologiquement, les gains de performance ayant été fortement compensés par des problèmes de répartition du poids et de refroidissement. En effet, grâce à une innovation aérodynamique, le double diffuseur, la Brawn GP non équipée du KERS a dominé la première moitié de la saison.
À mi-saison, cependant, les systèmes de récupération d’énergie commençaient à porter leurs fruits et dans la 10ème course de la saison 2009, le Grand Prix de Hongrie, la première victoire hybride d’une F1 équipée du KERS est remportée par Lewis Hamilton (McLaren-Mercedes), devant la Ferrari de Kimi Räikkönen, également équipée et la Red Bull non-hybride de Mark Webber.
Au Grand Prix d’Europe de Valence, McLaren se retrouve en première ligne de la grille et un mois plus tard, en Belgique, le système est à nouveau victorieux et Räikkönen offre sa première victoire hybride à Ferrari. L’avenir de la technologie s’annonce prometteur et bien que 2010 ait vu le sport s’éloigner du KERS, le système fait son retour en 2011, apportant de nouveaux gains de performance et une meilleure acceptation. Pour la saison 2012, seules deux équipes courent sans KERS, et en 2013, toutes les équipes sur la grille F1 en sont équipées.
Les premiers pas de la Formule 1 vers une véritable hybridation sont souvent perçus avec un certain cynisme, les premiers systèmes étant considérés comme trop lourds, mais pour Andy Cowell, Directeur Général de Mercedes HPP, il y a un réel intérêt à ce que la FIA s’accroche à cette technologie.
« Quand on voit le chemin parcouru avec le KERS depuis son lancement en 2009, le développement - initié par plusieurs fabricants de batteries - a transformé les batteries lithium-ion d’un dispositif de stockage d’énergie pur en un dispositif de redistribution d’énergie », a-t-il déclaré au magazine AUTO de la FIA, en 2017. « Et c’est ce développement technologique qui donne tous ces excellents résultats que nous observons avec les voitures électriques haute performance. »
Mais la FIA, sous l’impulsion du nouveau Président Jean Todt, visait déjà des gains encore plus importants. Répondant à la tendance de l’industrie automobile vers des moteurs plus économiques et plus petits, la FIA s’est positionnée à la pointe de la technologie et pour la saison 2014 a placé l’innovation et la pensée créative en matière d’efficacité énergétique au cœur du développement des courses.
Le résultat ? Sans doute la plus grande révolution technique de toute l’histoire de la Formule 1 avec le passage au V6 de 1,6 litre, turbocompressé et hybride encore en service aujourd’hui.
Bien avant la technologie utilisée à l’époque dans les voitures routières, les moteurs hybrides de F1 utilisaient non seulement une minuscule combustion interne produisant autant de puissance que les V8 de 2,4 litres qui les ont précédés, mais aussi deux systèmes de récupération d’énergie - un système de récupération d’énergie cinétique beaucoup plus efficace et un turbocompresseur couplé à une unité moteur génératrice pour récupérer la chaleur des gaz d’échappement.
« Le message de la FIA était très clair. Ils voulaient que nous travaillions sur l’efficacité énergétique et sur la façon de faire en sorte que le développement technologique de la Formule 1 contribue réellement à ce qui se passe dans le monde de l’automobile routière », explique M. Cowell.
« Donc, au lieu de se concentrer sur la capacité du moteur et la vitesse à laquelle il peut tourner, il faut se concentrer sur la quantité de carburant à utiliser, car c’est l’efficacité de conversion qui permet d’obtenir un bon rendement. Les prouesses réalisées sur l’efficacité de conversion font gagner des courses. Et l’efficacité de la conversion est utile dans toutes les industries qui transforment les combustibles fossiles en énergie utile. »
Au cours des six dernières saisons, les gains d’efficacité réalisés dans la phase actuelle de l’ère hybride de la F1 ont été stupéfiants et ce, dans tous les domaines du développement.
Rien qu’en termes de stockage d’énergie, Mercedes estime qu’au cours des 12 années qui se sont écoulées depuis le début des recherches initiales sur les systèmes KERS utilisés en 2009, elle a réussi à réduire son poids de 81%. L’efficacité du stockage a été améliorée de 56 %, tandis que la densité de puissance, c’est-à-dire la quantité d’énergie qui peut être produite à partir de la masse de stockage, est 12 fois plus importante qu’il y a 12 ans.
Les améliorations exceptionnelles en matière de récupération et de stockage de l’énergie sont des technologies hautement transférables, mais c’est le perfectionnement du minuscule moteur à combustion interne qui a produit les gains les plus importants.
« Les moteurs à aspiration naturelle [les V8 qui ont précédé la génération actuelle] ont démarré à un rendement thermique d’environ 29% », a déclaré M. Cowell en 2017. « Où en sommes-nous maintenant ? Nous sommes à 50 % d’efficacité thermique. Cela se traduit simplement par la possibilité d’aller plus loin avec le même réservoir de carburant. Il y a donc eu un gain de 20% en quelques années seulement. »
Et pour Cyril Abiteboul, le patron du team Renault F1, les progrès réalisés ont un impact direct sur la recherche automobile routière.
« Chez Renault, cela nous a permis de créer davantage de synergies entre l’ingénierie automobile routière et l’ingénierie course. Un dialogue s’est mis en place. »
« Au début, c’était à sens unique. Renault était leader dans le déploiement des véhicules électriques et les gens qui ont développé la Zoe [véhicule électrique], ont apporté leur aide à la Formule 1. Aujourd’hui, c’est la Formule 1 qui apporte des solutions aux programmes de voitures routières. Il y a donc une grande synergie. »
Et la synergie est appelée à se développer davantage. Le nouveau règlement sur la Formule 1 pour 2021 devrait être présenté plus tard ce mois-ci et l’ère hybride devrait se poursuivre. Cyril Abiteboul a récemment avancé une piste d’innovation intéressante pour les brillants ingénieurs de la F1.
« La prochaine génération de moteurs n’est pas forcément ce qu’il y a de plus intéressant. Ce qui peut vraiment l’être en revanche, c’est la prochaine génération de carburant, » a-t-il déclaré lors du Grand Prix de Monaco. « La Formule 1 restera sans doute sur une base de technologie hybride, et nous avons besoin de plus d’énergie et d’une énergie durable, alors il y aura de nouvelles formes de carburant dans les prochaines années, qu’il s’agisse de plus de biocarburants, de compositions différentes, voire de carburants synthétiques, provenant de sources non fossiles, qui pourraient être attractifs et qui exigeraient un nouveau développement. C’est donc probablement la voie à suivre si nous voulons être pertinents, non seulement après des constructeurs automobiles, mais aussi des utilisateurs. »
Au cours de la dernière décennie, la FIA s’est donné pour mission d’utiliser la capacité inégalée du sport automobile à servir de banc d’essai pour apporter des innovations sur les routes dans des délais incroyablement rapides, pour stimuler l’innovation qui influencera l’industrie automobile et rendra meilleur le monde dans lequel nous vivons, monde plus évolué, plus efficace et plus durable.
Source : FIA
FIA
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