Prost : Arrêter la F1 en 1993 n’était ’pas difficile, j’en avais assez’
Senna lui a dit "reviens, je ne serai plus motivé"
Alain Prost est revenu sur le week-end du Grand Prix du Portugal, durant lequel il a annoncé sa retraite qui s’est avérée définitive. Le quadruple champion du monde de F1 se souvient qu’il était sûr de lui, car les discussions avec Williams traînaient pour 1994.
Frank Williams voulait absolument Ayrton Senna pour 1994, mais Prost refusait de rouler avec le Brésilien, ne souhaitant pas revivre des tensions similaires à celles de la fin des années 80 et du début des années 90.
"Cela n’a pas été difficile du tout. La seule difficulté était que, mathématiquement, je n’étais pas champion du monde et, évidemment, j’ai annoncé ma retraite avant la course et avant d’être champion du monde" se souvient Prost.
"Mais je devais assurer mon titre. J’ai pris la décision, je pense que c’était environ un mois avant. J’étais dans le sud de la France, dans une maison avec des amis. Et j’ai dit au gars de mon service de communication que j’en avais assez."
"Parce que j’ai dit à Frank ’la discussion avec Ayrton est close et tu arrêtes d’en parler parce que j’ai un contrat et je ne veux plus entendre ça, ou bien je peux proposer que vous me payiez le contrat que j’ai pour 1994 et que je prenne ma retraite, c’est l’un ou l’autre’. Et ils ont accepté la deuxième option."
"Je ne prenais plus aucun plaisir"
Prost se souvient qu’il ’a pas ressenti de soulagement lors de la prise de décision ni lors de l’annonce, tout simplement parce que le contexte était compliqué dans l’équipe, et qu’il était alors mal vu par une grande majorité de la presse.
"Cela a été fait au moment où nous avons rassemblé tous les documents, c’est-à-dire au mois d’août, au début du mois d’août. Je crois que je l’ai annoncé en septembre. Je n’ai pas ressenti une sorte de liberté en prenant une décision comme celle-là."
"On ne se lance pas dans une course avec ce genre d’ambiance. Et j’étais déjà en position de faiblesse, surtout que les médias n’étaient pas très gentils. En fin de compte, même d’un point de vue humain, il faut savoir faire ce genre de choses et en profiter. Et je ne prenais plus autant de plaisir."
Senna lui a demandé de revenir
Il se souvient qu’Ayrton Senna ne lui a rien dit à ce sujet, jusqu’au podium d’Adélaïde en fin de saison : "Rien, parce que nous n’avons pas parlé et la seule chose qu’Ayrton a dite la première fois qu’il m’a reparlé, sur le podium d’abord, mais surtout après le podium, c’est qu’il m’avait déjà demandé de revenir."
"A Adélaïde, il m’avait déjà demandé de revenir, et peut-être une heure plus tard, il m’a dit que j’allais grossir et m’a demandé pourquoi ne pas revenir. Une semaine plus tard, il m’a appelé et lorsqu’il a appris que Ron [Dennis] m’avait demandé de tester la voiture, et que j’avais répondu ’oui’, il m’a dit ’reviens, je serai plus motivé’. Je ne m’attendais pas à cela."
Le Français réfute que les débordements entre eux aient été dus à une trop grande similarité entre leurs personnalités. Selon lui, c’est même tout l’inverse, avec des philosophies de vie trop éloignées, en piste comme en dehors.
"Nous étions très différents. Nous avions un style de pilotage très différent, surtout au début, peut-être pas à la fin. Une façon très différente de travailler au sein d’une équipe, une pensée très différente, une éducation différente, une mentalité différente, donc non, je dirais que ce n’était pas la raison, nous étions très différents."
Un besoin de prendre du plaisir en F1
Alain Prost révèle qu’en 1993, comme en 1989, il a effectué des changements dans sa vie car il ne voulait plus s’y impliquer autant qu’avant. Il nie avoir pris sa retraite en 1993 en pensant revenir plus tard en Formule 1.
"Je n’ai jamais pensé de cette façon. Il fallait que j’arrête. En 1989, Ron m’a proposé un contrat de trois ans, un nouveau contrat, lorsque nous étions ensemble avec Ayrton. L’année 1989 a malheureusement été l’une des pires périodes. Et j’ai dit non, j’ai décidé de dire non et d’annoncer que je ne piloterais plus pour McLaren."
"Tout le monde savait dans le paddock, à l’époque, que je n’avais pas de contrat. Je n’avais aucune garantie de pouvoir piloter à nouveau en Formule 1. C’est un peu ma façon d’être. Je n’étais pas heureux. Je ne voulais pas être à nouveau malheureux, je ne ressentais plus que je pouvais continuer à faire cela et apprécier ce que je faisais."
"Je suis un passionné de course automobile, de course, mais pas seulement de course, aussi de travail dans une équipe, de travail avec les ingénieurs. Je m’amusais beaucoup quand je pouvais faire cela, mais je n’aimais plus cela."
"J’ai donc arrêté. J’étais prêt à prendre un congé sabbatique d’un an ou à arrêter complètement. En 1993, je ne me souciais pas de savoir si j’étais là. Vous avez différentes opportunités."
"McLaren avec le moteur Peugeot était une opportunité, avec beaucoup d’argent en fait, beaucoup d’argent. Et j’ai dit non. Et puis j’ai été très proche d’une autre opportunité à un moment donné avec McLaren, quelques années plus tard. Et même chez Ferrari, quand j’ai parlé avec Jean."
Finalement, Adélaïde en 1993 a donc été son 199e et dernier Grand Prix. À quel point cela a-t-il été difficile de quitter la F1 pour de bon ?
"Je pense que c’était plus ou moins la même chose pour tout le monde. Tu es très heureux, déjà d’en sortir en un seul morceau."
"Vous vous sentez libre. Mais après les premières semaines, je dirais que tu te réveilles à 9 ou 10 heures et puis tu réalises que tu es très jeune et que tu ne veux pas avoir ce genre de vie. Et vous devez, quand vous avez un projet, une cible, ou peu importe comment vous l’appelez, le réaliser. Mais c’est bien d’avoir quelque chose en tête quand tu quittes la F1. J’ai eu environ trois mois très bons. Et j’ai commencé à réfléchir... tu as besoin de faire une pause et puis j’ai recommencé autre chose. Et je ne me suis jamais senti malheureux d’avoir arrêté. Jamais, jamais, jamais."
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