Pourquoi l’enthousiasme autour du V6 Honda doit être tempéré malgré le Brésil

Plusieurs facteurs l’expliquent

Par Alexandre C.

24 novembre 2019 - 18:16
Pourquoi l'enthousiasme autour du

L’image restera comme l’un des moments forts de l’année : dans la dernière ligne droite du circuit d’Interlagos, Pierre Gasly, et son V6 Honda, réussirent à résister au V6 Mercedes de Lewis Hamilton, malgré l’aspiration dont avait pu profiter la monoplace allemande. Ce fait d’armes, doublé bien sûr de la pole et de la victoire de Max Verstappen au Brésil, ont ainsi mis en lumière les progrès du V6 japonais cette année.

Sebastian Vettel s’est même publiquement amusé de ces performances en hausse, en trouvant « suspicieuse » cette augmentation rapide de performance.

Indubitablement, le V6 Honda a nettement progressé par rapport aux saisons précédentes. Pour autant, ne faut-il pas quelque peu modérer l’enthousiasme qui a suivi le Grand Prix du Brésil ? Le V6 japonais a-t-il déjà rejoint voire dépassé les performances du V6 Mercedes ? Plusieurs éléments tendent ainsi à relativiser l’élan de louanges autour de l’unité de puissance Honda.

Tout d’abord, Interlagos, comme d’ailleurs Mexico, est un circuit situé en altitude (800 mètres pour l’un, 2200 pour l’autre). Or, dans ces conditions, en raison de la moindre densité de l’air, et particulièrement avec les V6 turbo hybrides, les performances des moteurs tendent à quelque peu s’équilibrer, se niveler. C’est ce qui explique pourquoi Red Bull, malgré une unité de puissance Renault moins puissante ces deux dernières saisons, avait d’ailleurs réussi à briller à Mexico. Les mêmes facteurs ont joué pour les Grands Prix de cette année. La vérité d’Interlagos n’est ainsi pas celle d’ailleurs…

Ensuite, il faut bien prendre garde à ne pas amalgamer performance brute de l’unité de puissance et vitesse de pointe en lignes droites. En effet, la vitesse de pointe elle-même dépend des réglages aérodynamiques, de la trainée du châssis : le couple moteur / châssis ne peut ainsi plus être isolé, et cette interdépendance s’est encore accrue depuis 2014. A Interlagos, Red Bull aurait ainsi choisi des réglages privilégiant plutôt la vitesse de pointe au détriment du deuxième secteur, le plus sinueux. Ferrari, comme d’ailleurs à Austin, aurait adopté l’approche inverse.

C’est ce que rappelait Mattia Binotto en marge du Grand Prix du Brésil : « Si nous avons gagné par rapport eux en virages, ils ont certainement gagné par rapport à nous en lignes droites maintenant. » James Allison a d’ailleurs confirmé le point de vue de l’Italien : « En aucune façon, vous pouviez dire qu’ils étaient forts seulement à cause du moteur. » Enfin, de son côté, Sebastian Vettel se montrait tout aussi dubitatif sur les progrès réels de la seule unité de puissance Honda : « On ne peut trouver tant de progrès d’une course à l’autre puisque c’est le même moteur. Je ne sais pas, je ne pense pas qu’ils aient introduit une nouvelle spécification. Ce fut un peu une surprise. D’habitude, nous avons vu, lors de bien de sessions de qualifications, que nous étions un peu plus rapides que tout le monde en lignes droites, et que nous perdions en virages ; mais en qualifications les Red Bull étaient aussi rapides que nous en lignes droites. »

Troisièmement, il est important de se rappeler que les Red Bull et les Toro Rosso pouvaient bénéficier, au Brésil, de moteurs bien moins usagés et fatigués que la concurrence. Lewis Hamilton en était ainsi à son 3e moteur à combustion interne de l’année seulement (ICE) ; le pilote Mercedes reste ainsi dans la limite du règlement ; en cette fin de saison, il était tout à fait normal que son unité de puissance soit plus fatiguée en lignes droites. Et la défaillance moteur sur l’unité de puissance de Valtteri Bottas montre combien, en effet, les moteurs Mercedes sont usés par cette longue saison.

Or, alors que Mercedes a respecté les limites réglementaires, on ne peut pas en dire autant des Toro Rosso ou des Red Bull. Max Verstappen (au 14 novembre) en est ainsi à 5 ICE, comme Alexander Albon (qui a récupéré l’héritage de la voiture de Pierre Gasly). C’est pire du côté de Toro Rosso : Pierre Gasly et Daniil Kvyat en sont à 7 ICE. Au niveau des MGU-K, Alexander Albon en a déjà utilisé 5, Daniil Kvyat 6, contre seulement 2 pour les deux Mercedes, les deux Williams et les deux Ferrari. Avec des pièces plus fraiches, il est ainsi plus facile à Honda de prouver ses progrès.

Enfin, le dernier point montrant que l’enthousiasme autour de Honda mérite d’être quelque peu atténué, concerne justement la fiabilité. Même avec ces nombreux changements de pièces, l’unité de puissance Honda ne se retrouvait pas assez fiable et ce lors du dernier Grand Prix du Brésil. En essais libres, Daniil Kvyat et Pierre Gasly avaient tous deux essuyé de sévères problèmes moteurs qui avaient fortement perturbé le roulage prévu.

L’ensemble de ces points ne doit pas masquer le fait que le motoriste japonais, après des années de souffrance, semble enfin récolter le fruit de ses (lourds) investissements. Mais voir Honda déjà devant Mercedes, au vu de ces éléments, apparaît certainement comme une conclusion prématurée – en attendant l’an prochain…

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