Pour trouver 2 milliards en urgence, Renault va-t-elle sacrifier son projet F1 ?

Sacrifier l’équipe de F1, un choix impensable ou inévitable pour Renault ?

Par Alexandre C.

21 mai 2020 - 18:11
Pour trouver 2 milliards en urgence, (…)

Renault plus que jamais dans la tourmente

Alors que le confinement avait déjà provoqué une chute drastique du nombre d’automobiles vendues, la crise économique qui a succédé à la crise sanitaire plongera, pour de longs mois encore, les constructeurs dans la tourmente.

Parmi ces constructeurs, un se retrouve en plus mauvaise posture encore que les autres : Renault. L’ancienne Régie payait déjà, avant les crises, les soubresauts de l’affaire Ghosn, et devait gérer des bénéfices en chute libre, tandis que dans le même temps, l’alliance avec Nissan était entourée de nuages.

La crise du coronavirus a donc achevé de plonger Renault dans la crise (« Avis de tempête » a ainsi titré Le Figaro). Selon les informations du Canard Enchaîné, le groupe devrait trouver 2 milliards d’économies rapidement. Le plan d’économies en préparation, dès lors, inclurait la fermeture de quatre usines en France, dont une récente à Dieppe, ainsi que l’abandon de plusieurs modèles (Scénic, Mégane, Espace…).

Renault devrait également obtenir un prêt garanti par l’État, à hauteur de plusieurs milliards d’euros (5 probablement), pour lui permettre d’assurer sa survie.

Renault F1 : les raisons possibles d’un retrait

Or il s’agira de voir les conditions attachées à ce prêt. L’État est actionnaire à 15 % de Renault et le Premier Ministre a déjà assuré qu’il serait « intransigeant » avec l’entreprise. On se doute que le gouvernement fera tout pour sauver le maximum d’emplois en France. Mais quid du projet F1 ? Sera-t-il aussi remis en doute ?

Si les discours s’annoncent pour le moment rassurants chez Renault, on peut en effet se demander si l’arrêt du projet F1 ne serait pas une décision envisageable pour trois raisons principales aux yeux du CA de Renault.

La première raison tient bien sûr dans la nécessité de faire des économies. Sans compter son programme moteur, le projet F1 avale près de 200 millions d’euros annuels. Soit au total, plus de 15 % des économies à trouver.

La deuxième raison serait sportive : depuis son retour en F1, Renault progresse à pas lents et n’a pas tenu son ambition de viser les podiums en 2019. Pire, la saison dernière a vu une régression, puisque Renault a perdu la 4e place du classement des constructeurs au profit de McLaren. Et la courte saison 2020 ne s’annonce pas radicalement différente avec la percée attendue de Racing Point. Ajoutons à ce tableau le fait que Renault ait perdu son unique client moteur, McLaren, qui repartira chez Mercedes – et le V6 Renault aura ainsi moins de retours d’expérience et de données pour progresser. Un retrait de la F1 serait donc facilité.

La troisième raison serait enfin médiatique : alors que des milliers d’ouvriers pourraient perdre leur emploi, comment justifier, aux yeux de l’opinion, la poursuite d’une dépense de 200 millions d’euros par an ?

Les budgets plafonnés vont-ils sauver le projet F1 ?

Cependant Cyril Abiteboul a des arguments à faire valoir au CA de Renault. Tout d’abord, la réglementation 2022, sur le plan de la performance, devrait aider à niveler les performances entre les équipes. Les progrès seront donc très probables. La performance est d’ailleurs déjà là sur le plan du moteur où le V6 Renault est presque au niveau des meilleurs.

Surtout, sur le plan financier, l’introduction et l’abaissement des budgets plafonnés (vers les 140 millions de dollars) limiteront et stabiliseront les coûts à l’avenir, donnant ainsi de la lisibilité et de la visibilité pour les dépenses futures. Le développement des moteurs pourrait également être gelé ou fortement encadré à l’avenir. Et la redistribution des revenus s’annonce plus équitable avec la refonte des Accords Concorde.

Sur le plan médiatique et marketing, le besoin de communication à l’échelle mondiale, de sponsors, la nécessité de montrer que Renault survit malgré la crise, pourrait également donner des arguments positifs pour Cyril Abiteboul. Gageons qu’un éventuel retour de Fernando Alonso en 2021 attirera la lumière d’autant plus vers Enstone.

Enfin, rappelons que le Brexit et ses inconnues pourraient aussi compliquer la situation de l’équipe de F1, basée à cheval entre Enstone et Viry.

Quelle issue possible ?

Il serait aussi possible que le groupe Renault se concentre finalement sur la Formule E (en rebaptisant l’écurie actuelle « Renault-Nissan »), qui a l’avantage d’être un championnat moins cher, en pleine expansion, et bien sûr tourné vers ce qui pourrait être l’avenir de l’industrie, l’électrique. D’ailleurs, selon Le Figaro, l’État demandera dans le cadre de ce prêt, en contrepartie à Renault, de s’engager davantage vers la réduction des émissions. Un même débat agite d’ailleurs en ce moment l’Allemagne.

Renault est un symbole de l’industrie française, mais Renault F1 n’a pas une aura équivalente dans le monde du sport dans l’Hexagone. Les arguments pour et contre un retrait s’équilibrant quelque peu, la décision ne sera pas facile à prendre pour le CA de l’ancienne Régie. Elle pourrait potentiellement attendre un mois et demi et l’entrée en fonction de Luca de Meo, le nouveau Directeur général. Pour le moment, aucune déclaration concernant l’engagement de la marque dans le sport n’a été publiée. Ce qui est certain, c’est qu’un plan d’économie drastique se prépare chez Renault. A quel point le sera-t-il, là est la question.

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