Pour Brawn, revenir aux V10 ou V12 serait comme régresser de la voiture au cheval
Il défend l’hybride et les carburants durables face à l’électrique
Le débat est en cours en F1 pour définir les contours de la prochaine unité de puissance, à partir de 2025. La F1 devrait cependant garder l’essentiel de l’architecture des V6 actuels, pour des raisons de coût, mais aussi de pertinence.
Comme il l’a confié pour Autocar, Ross Brawn, le manager des sports mécaniques pour Liberty Media, ne croit pas en effet que le moment soit venu pour que la F1 fasse le grand saut vers le tout-électrique… L’électrification n’est pas une technologie assez mature selon lui, pour la F1 comme pour le monde de l’automobile en général.
« Aucun d’entre nous ne sait vraiment comment les solutions évolueront à l’avenir, mais l’électrification complète n’est pas gratuite et il y aura un point idéal en termes de volume et d’utilisation. »
« Les véhicules à émissions nulles ont certainement une application, mais [seulement] les véhicules où le cercle de carbone est complet, c’est-à-dire où le carbone retiré de l’environnement est égal au carbone utilisé par le véhicule. Si nous y parvenons, nous aurons une autre solution qui sera très pertinente. »
« La facilité de transport du carburant comme source d’énergie est extrêmement précieuse, car il y aura un nombre massif de cas dans lesquels un véhicule uniquement électrique ne sera pas viable, et nous devons trouver une solution, sinon nous n’aurons pas d’impact sur l’environnement. Il y aura un point de saturation des véhicules électriques pour toutes sortes de raisons. »
Pour avancer vers la voie de l’écologie, la F1 devrait privilégier les carburants durables (biocarburants), avec un objectif à terme de 100 % d’utilisation dans le sport (10 % en 2022). Ross Brawn explique cette stratégie.
« La F1 veut être l’exemple de l’utilisation des carburants synthétiques à l’avenir. Cette unité de puissance utilisera des carburants synthétiques avec un système hybride avancé qui réduira considérablement la consommation de carburant d’une voiture de F1 et démontrera que ces technologies sont viables. »
« Grâce à la vitesse de développement intense de la F1, ces technologies peuvent être viables et promues plus rapidement que dans tout autre environnement. Nous sommes donc optimistes quant à l’avenir et pensons que nous pouvons avoir un impact sur les solutions nécessaires pour parvenir à un avenir sans carbone. »
Les V6 actuels sont pourtant déjà très économes, avec 50 % d’efficience énergétique. Mais qui le sait vraiment dans le grand public ? Ross Brawn regrette ce manque de communication.
« C’était l’un de nos secrets les mieux gardés. Pour être juste, je ne suis pas sûr que le monde fût aussi raisonnable qu’il l’est aujourd’hui lorsque ce moteur a été conçu il y a 12 ans. Les ingénieurs ont reconnu l’attrait de ce nouveau moteur et sa pertinence. Mais compte tenu de l’environnement, il n’était pas à l’avant-garde et n’a pas été promu comme il aurait dû l’être. »
« Je pense qu’aucun d’entre nous n’aurait prédit où nous en sommes aujourd’hui il y a 10 ans. Nous pourrions constater que dans 10 ans, nous sommes à nouveau dans une autre situation. Je me souviens avoir lu des prédictions sur l’électrification où l’on parlait de chiffres de progression de l’électrique bien supérieurs à ceux auxquels nous sommes arrivés. Donc le moteur à combustion interne, la technologie hybride : tout cela est relativement mature et prévisible. Nous devons couvrir un certain nombre de bases pour l’avenir. »
Une autre solution pour 2025 serait radicale : revenir aux V10 ou V12 stridents, pour retrouver le son monstrueux des moteurs précédents. Bernie Ecclestone a encore milité en faveur de cette solution ! Qu’en pense Ross Brawn ? Cela reviendrait à perdre de vue les jeunes générations selon lui...
« On cite souvent les courses de chevaux : on utilisait les chevaux comme moyen de transport, mais quand cela s’est arrêté, les gens ont continué à les faire courir. Les courses de chevaux sont assez populaires, les gens aiment ça, et je le comprends. Mais elles n’ont pas l’envergure et la profondeur de la F1. »
« Pour en revenir aux V12 qui hurlaient, dont nous avons tous de très bons souvenirs, je pense que notre public serait très limité. Nous plafonnerions le nombre de personnes intéressées à suivre la F1 si nous faisions cela. »
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