Piers Courage : le drame qui marqua la vie et le management de Frank Williams en F1

A l’origine de sa froideur supposée avec les pilotes ?

Par Alexandre C.

30 novembre 2021 - 09:03
Piers Courage : le drame qui marqua la

Piers Courage : tel est le pilote qui aura peut-être le plus compté dans la carrière et le parcours de Frank Williams en F1. Pourquoi donc celui qui était surnommé « Porridge » ? Pourquoi lui et non Senna, Jones ou Hill ?

Parce que Courage fut le premier pour Frank Williams : le premier dans son estime, dans son amitié ; le premier de ses pilotes aussi, dans la carrière du directeur d’écurie, à subir un accident mortel. Après Courage, tout fut différent pour Frank Williams.

Le natif de l’Essex n’était pas qu’un des tout premiers pilotes que Frank Williams a pu diriger en F1 : c’était aussi un copain, un véritable ami de Frank. Une amitié qui remontait aux temps où Frank lui-même pilotait ; puis il comprit assez vite que mieux valait essayer de prendre du recul, plutôt que de tenter l’impossible sur piste.

Née en F2 et F3 l’amitié entre Piers et Frank s’est ensuite logiquement concrétisée en F1 : lors de la première saison de Williams en F1 (l’équipe avait alors acheté une Brabham BT26A motorisée par un Ford-Cosworth DFV V8), c’est tout naturellement que Frank confia le volant à son ami Piers. Une première saison d’ailleurs plutôt réussie, avec 2 podiums à la clef et une 8e place au championnat pilote.

Mais l’année d’après, le drame allait arriver : au Grand Prix des Pays-Bas 1970, au volant d’ailleurs non d’une Williams mais d’une De Tomaso préparée par Williams, Courage se tua dans un accident terrible.

Un accident qui allait durablement marquer Frank Williams, qui perdait bien plus qu’un bon pilote : aussi un ami très cher.

« C’était une personnalité formidable » se souvenait Frank Williams bien des années plus tard, au Grand Prix du Royaume-Uni en 2019. « Il avait des manières exquises. Sa disparition fut une perte majeure. A l’enterrement, tous les pilotes, sauf un, étaient présents, et tout le monde pleurait. »

Un décès à l’origine de la réputation de directeur d’équipe froid ?

Cette disparition brutale et subite allait conduire Frank Williams à quelque peu modifier sa relation avec les pilotes : alors qu’il était très chaleureux, amical avec Piers, Frank Williams se montrerait plus distant, parfois froid, avec ses pilotes. Bien sûr il s’agit d’un point de vue à relativiser : les relations entre Piers et Frank étaient anciennes ; et Frank a eu aussi ses moments très amicaux.

Comme par exemple avec Alan Jones, l’un des pilotes ayant peut-être le plus compté dans l’histoire de Williams, avec ce premier titre en 1980. « Il était incroyablement rapide et aussi très amusant en dehors de la voiture » se remémorait Frank Williams, qui appréciait aussi le côté « James Hunt » (alcool et belles filles) de Jones.

Cependant il est vrai aussi que Frank Williams se montrerait plus cassant ou dur avec d’autres pilotes, provoquant l’incompréhension de ceux-ci.

Sans doute sont-ce les cas Reutemann ou Hill qui illustrent le mieux cette réputation, parfois imméritée.

Reutemann, la tête de turc de Frank Williams ?

Le cas de Carlos Reutemann est ainsi emblématique. L’Argentin avait été recruté en 1980 pour être le second, le wingman dirait-on aujourd’hui, d’Alan Jones, qui était donc plus proche de Frank Williams. Carlos s’acquitta de sa tâche sans broncher, secondant l’Australien dans sa course réussie vers le titre.

Cependant tout se gâta en 1981 : contre les évidences du chronomètre, Reutemann était toujours prié par Frank Williams de seconder Alan Jones. Il consentit la première course ; mais à Rio, Reutemann refusa de relaisser passer Jones malgré les consignes du panneautage, et la rupture était consommée, non seulement entre les deux pilotes, mais encore entre Reutemann et (Frank) Williams.

Au Grand Prix à Las Vegas en 1981, Reutemann était, malgré tout, en lice pour le titre, face au seul Nelson Piquet ; Jones était hors-jeu. Logiquement on se dit que Williams aurait dû favoriser Reutemann sur Jones. Il n’en fut rien. Pire, aux limites de l’absurde, c’est Jones qui demanda et reçut les nouveaux moteurs ou nouvelles pièces de l’équipe, et à Las Vegas, Reutemann partait ainsi avec une boîte de vitesses très usée. Et cela ne manqua pas : elle explosa en course, donnant le titre à Piquet dont la 5e place suffit.

Comble de l’injustice pour Carlos : alors que le titre avait été perdu à la dernière course par une négligence coupable de Grove… Williams fêta la victoire de Jones, comme s’il n’y avait que cela qui comptait !

Hill, le champion évincé

Un autre cas, quinze années plus tard, illustre aussi cette potentielle froideur clinique de Frank Williams. Celui de Damon Hill en 1996. Le Britannique se retrouva évincé de l’équipe après avoir pourtant raflé un titre de champion du monde, un cas de figure qui peut étonner. Le mode de management de Frank Williams était ainsi sans état d’âmes parfois…

Pourquoi ? Car Williams avait déjà choisi ses deux pilotes pour l’année d’après, Villeneuve qui resterait, et Frentzen qui arriverait.

« La victoire finale au Japon [en 1996] a été teintée de tristesse, parce que lorsque je suis sorti de la voiture, j’ai su que c’était la toute dernière fois que je conduirais pour Williams. » évoquait ainsi Damon Hill en pensant à cette période paradoxale.

« Je ne pouvais pas le croire. Je me suis juste demandé comment ce monde fonctionnait. »

« Je pense que ce qui s’est passé, c’est qu’ils cherchaient un nouveau contrat pour les moteurs. Ils ont fini par choisir BMW, donc ils cherchaient à se défaire de Renault et ils voulaient qu’un pilote allemand puisse conclure cette affaire. Je pense que Frank a posé une option sur Frentzen en 1995, puis Villeneuve est apparu. Il a signé Jacques et Frentzen en pensant qu’en 97, ce serait Frentzen et Jacques - et il n’a pas pu se défaire de ces contrats. »

« Et en 1996, je me suis senti en bonne forme, et c’était comme si Frank Williams s’était demandé : "Oh, mon Dieu, que dois-je faire maintenant ?’ Je pense qu’il a essayé de changer ces contrats, mais il n’a pas pu » concluait-il néanmoins. En tout état de cause, Frank Williams n’avait tout de même pas mis tout en œuvre pour revenir sur sa décision, se montrant inflexible et sûr de ses choix.

Tel était peut-être le paradoxe Frank Williams : inflexible et froid, il était aussi un pur racer, que la course faisait vibrer. Un homme dans lequel la chaleur du sport cohabitait aussi avec une certaine conscience du tragique. Un homme de la course automobile des années 70, en somme.

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