Panique, frisson, instinct… dans les coulisses des stratèges de Red Bull F1

Les chefs stratèges dévoilent beaucoup de choses

Par Alexandre C.

14 août 2021 - 14:40
Panique, frisson, instinct… dans (...)

Les Grands Prix ne se gagnent pas qu’en piste, mais aussi dans les stands et par conséquent sur le fameux « pitwall », là où prennent place les chefs stratèges de l’équipe. A bien des reprises cette année, la stratégie s’est avérée décisive pour la victoire finale : en Espagne notamment, Lewis Hamilton a pu, avec un arrêt supplémentaire, dépasser la Red Bull de Max Verstappen qui lui faisait « bouchon ». Mais que cela n’y tienne, au Grand Prix de France, au Paul Ricard, Red Bull a effectué avec succès la même stratégie pour dépasser, au finish, le pilote britannique.

Will Courtenay est à la tête du département « stratégie » à Milton Keynes et était ainsi sur le muret des stands au Paul Ricard. C’était lui – avec Hannah Schmitz, ingénieure stratège « senior » - qui a ainsi décidé du deuxième arrêt aux stands de Max Verstappen, à 20 tours de l’arrivée. Le Néerlandais était ressorti à 18 secondes de Lewis Hamilton. Le pari était risqué, il s’est avéré aussi beau que payant au Castellet – avec un dépassement à deux tours de la fin.

Outre Courtenay et Schmitz, il faut aussi bien sûr mentionner l’équipe stratégique qui reste à la base de l’équipe, au Royaume-Uni à Milton Keynes, et qui simule et calcule un grand nombre de données.

Comment alors se construit une stratégie pour un Grand Prix ? Tout commence bien avant le dimanche, raconte Courtenay.

« Nous avons un rapport préliminaire et nous examinons toutes les stratégies que nous pourrions suivre et à partir de là, nous pouvons dire quelle sera la stratégie probable. Mais une fois sur le circuit, nous prenons les données des essais libres du vendredi, nous voyons comment sera la météo, comment les pneus se comportent, quel est le rythme de la voiture et cela fera évoluer notre stratégie pour les qualifications et peut-être pour la course. »

« Donc s’il y a une voiture de sécurité, si nous avons un bon ou un mauvais départ, ou s’il y a un incident, nous aurons toujours une idée de ce que nous prévoyons de faire, mais ce plan évoluera toujours et sera soit une réaction aux choses qui se produisent, soit une tentative d’anticiper les choses qui pourraient se produire, donc nous savons toujours ce que nous allons faire. »

« Nous passons généralement en revue les données des trois dernières années pour ce circuit afin de pouvoir déterminer comment les pneus se comporteront » explique Hannah Schmitz, de son côté.

« Ensuite, nous avons toutes nos analyses de courses récentes qui nous donnent une idée des rythmes et où nous pensons que le reste du peloton est comparé à nous, ce qui peut évidemment affecter votre stratégie. Nous allons réfléchir au moment où nous pourrons faire nos premiers arrêts aux stands d’ici là. »

« Mais si la dégradation est bien pire que ce que nous avions prévu, nous aurons déjà travaillé sur la manière de modifier notre plan. Et nous devons le faire le plus tôt possible afin de savoir quels pneus nous allons utiliser pour le vendredi et quels pneus il nous restera pour le samedi et ensuite la course. »

Mais rien ne se passe tout à fait comme prévu en GP…

Cette préparation en amont a bien sûr un but final : réduire la quantité de stress dans la chaleur du Grand Prix et ainsi éviter le risque de mauvaise prise de décision, comme l’explique très bien Courtenay. Cependant peut-on vraiment tout maîtriser ?

« Dans une certaine mesure, mieux on est préparé, plus on a de chances de prendre les bonnes décisions et moins on est stressé parce qu’on a davantage confiance dans le fait qu’on prend la bonne décision. »

« Mais il y aura toujours des choses dont on n’est pas sûr et il y aura toujours des inconnues. Il y aura toujours une certaine dose d’incertitude, donc la pression est déjà là, surtout si vous êtes en train de gagner ou de vous battre pour une victoire, vous ne voulez pas faire d’erreur. Plus vous vous préparez, plus votre vie est facile. »

Hannah Schmitz confirme : rien ne se passe tout à fait comme l’auront prévu les ordinateurs lors d’un Grand Prix le dimanche... D’où l’importance de l’instinct qui prend parfois le pas sur les froids calculs des processeurs.

« Je pense que le problème avec la stratégie, c’est qu’il y a souvent des zones grises - il n’y a pas toujours une bonne ou une mauvaise réponse - comme si vous deviez absolument faire ceci ou cela. Il y a toujours des choses que vous observez pendant la course et c’est toujours un peu de calcul mental, même si nous avons des logiciels. Donc, malgré toute la préparation, il y a toujours l’instinct et l’expérience qui influencent vos décisions et vos pensées tout au long de la course. Je pense toujours que la course est le moment où vous avez l’adrénaline et où vous vous sentez dans le feu de l’action. »

« Vous pouvez sentir la panique pendant le Safety Car, vous devez certainement paraître confiant même si vous ne le sentez pas. »

Sur les épaules des stratèges repose une immense responsabilité, qui peut décider de l’issue de la course et peut-être du championnat - ainsi que nous l’avons vu par exemple en Hongrie. Courtenay se sent-il parfois dépassé par le poids des responsabilités ?

« Si vous dites que nous allons rentrer aux stands si la voiture de sécurité sort, vous ne pouvez pas tergiverser, vous devez décider oui ou non ce que vous allez faire, vous devez vraiment être confiant même si ce n’est que 80/20% de chance que ce soit la bonne chose à faire, mais vous devez prendre cette décision. »

A la recherche de la course parfaite

Alors, dans ces conditions, à quoi ressemble la course idéale selon les stratèges de Red Bull ? Pour Courtenay, "tout dépend du résultat final."

« Si nous nous qualifions en pole et que nous disparaissons au loin sans avoir à prendre de décisions stratégiques difficiles, c’est très bien. Je pense que pour nous, faire une bonne stratégie, c’est tirer le meilleur parti des opportunités et obtenir une meilleure position à l’arrivée que nous l’aurions fait autrement. »

Quant à Hannah Schmitz, elle retient la joie d’avoir contribué à la victoire de l’équipe avant tout.

« C’est agréable de sentir que vous avez contribué à la victoire. Donc, si vous avez fait un bon choix sous une voiture de sécurité ou avez pris une bonne décision stratégique qui, selon vous, a contribué à assurer la victoire, alors cela rend la course encore meilleure. »

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