Maylander, le ‘Monsieur Safety Car’, revient sur 25 ans de F1
Un poste privilégié mais parfois sous pression ?
Au Grand Prix du Canada 1973, il y a donc 50 ans, la voiture de sécurité faisait sa première apparition en F1 (elle était alors dénommée « Pace Car »). Une Porsche 914 faisait alors office de voiture régulatrice.
Au fur et à mesure des années, Porsche 911, Lamborghini Countach, Opel Vectra, Honda Prelude, Fiat Tempra ou encore Ford Escort RS ont officié dans ce rôle de voiture de sécurité. Jusqu’à l’arrivée de l’iconique Mercedes-Benz C36 AMG, en 1996.
Depuis presque 25 ans, c’est Bernd Maylander qui est au volant de cette voiture de sécurité. Ancien pilote de DTM et de Porsche Supercup (où il avait remporté une course), Maylander avait commencé en F3000 en 1999 avant d’être promu comme pilote de la voiture de sécurité en F1, en 2000.
A l’occasion de son quart de siècle au volant de la voiture de sécurité, Maylander s’est souvenu de cette première course pour lui dans le grand bain, en Australie…
« La pression... C’est sûr, j’étais nerveux. J’ai également été déployé pendant la course. Mais vous devez faire votre travail. Du point de vue de la conduite, ça va, parce que j’étais habitué à conduire une voiture à la limite - c’était juste une situation différente. »
En 25 ans, Maylander, qui a été présent à chaque Grand Prix de F1, à quelques exceptions près, a vu bien sûr son rôle et celui de la voiture de sécurité franchement évoluer. Il raconte.
« Cela a beaucoup changé, pas [tant] du point de vue de la conduite - il est certain que nous sommes plus rapides maintenant, nous avons des voitures complètement différentes - mais du point de vue de la communication. Aujourd’hui, nous disposons d’une technologie utilisée à la perfection. Vous recevez toutes les informations par radio, par les ingénieurs, par les écrans à l’intérieur de la voiture de sécurité. »
« Il y a la cartographie GPS, où se trouve l’accident, et vous pouvez voir l’ampleur de l’impact en fonction des forces G. Vous vous déployez sur la piste avec beaucoup plus d’efficacité. Vous vous déployez sur la piste avec beaucoup plus d’informations, parce qu’elles sont disponibles. »
« En termes d’ingénierie et de technologie, ce que nous avons aujourd’hui dans la voiture est complètement différent de ce qu’il était il y a 25 ans. Tous les concepteurs et ingénieurs ont fait des progrès et cela nous aide beaucoup, nous, la FIA, à prendre de meilleures décisions, à travailler plus rapidement et de manière plus sûre, à mieux coordonner les choses. »
Piloter la voiture de sécurité est un "job à plein temps" selon Maylander : il s’agit de préparer, de s’entraîner sur le circuit du mercredi au dimanche, pour "tout couvrir à 100 %".
Désormais que Maylander doit aussi conduire une Aston Martin aux côtés d’une Mercedes, cela change-t-il beaucoup de choses pour lui ?
« Nous avons deux marques maintenant, ce qui est fantastique pour moi. »
« La Mercedes est la dernière édition de la génération GT. Elle a une puissance de 730 ch, un moteur V8 de quatre litres à double turbo, ce qui en fait une voiture de piste phénoménale. On peut quand même la conduire sur la route, mais elle est plus ou moins conçue pour les circuits. »
« L’Aston Martin est la Vantage F1 Edition. Je suis heureux qu’ils aient rejoint la FIA [pour fournir également] la voiture de sécurité et la voiture médicale. C’est une belle marque, une marque fantastique. Quand je saute dans la voiture verte, l’Aston, je me sens un peu comme James Bond ! »
Maylander lui aussi ressent-il la pression du dimanche de Grand Prix, quelques minutes avant le début de la course ? Un moment où il sait qu’il pourrait être appelé plus qu’à d’autres ?
« Le dimanche, avant de partir, je me change, je mets mes chaussures, d’abord la droite, puis la gauche - c’est une chose que je fais habituellement - puis je marche vers la grille. »
« Je fais un contrôle radio lorsque je suis sur la grille et que Niels [Wittich, le directeur de course] est sorti de la voiture, puis je vérifie la voiture et j’attends le signe des 10 minutes pour le tour de formation et le tour du drapeau vert. Ensuite, vous êtes dans la voiture. Lorsque les feux s’éteignent et que la course commence, on ne sait jamais ce qui va se passer - il faut être prêt à toutes les situations. »
Maylander rend aussi hommage au rôle de son co-pilote, Richard Darker.
« C’est sûr, mon copilote est très important. Il est le guetteur, il s’occupe de toutes les communications [avec la direction de course]. Quatre yeux et quatre oreilles permettent de voir et d’entendre plus de choses, et dans la voiture de sécurité, c’est comme dans un cockpit d’avion [avec la technologie]. »
« Vous devez prendre les bonnes décisions au bon moment et vous devez tout comprendre et voir ce qui se passe, et c’est très utile si vous avez quelqu’un à côté de vous. Même si vous avez une course normale et que vous n’avez rien à faire, c’est bien de ne pas être seul dans la voiture. »
Quelles relations avec les pilotes ?
Le nom de Maylander est parfois cité en Grand Prix quand les pilotes, qui suivent la voiture de sécurité, se plaignent qu’elle ne va pas assez vite. Lewis Hamilton, Sebastian Vettel ou Max Verstappen s’en sont plaints par le passé…
Mais l’ancien pilote de Porsche Supercup l’assure, aucun pilote n’est franchement désagréable avec lui.
« J’ai de bonnes relations avec tous les pilotes. Bien sûr, on parle toujours à l’un ou à l’autre plus qu’à deux autres, mais je pense que c’est une chose tout à fait normale. »
« Si les pilotes ont quelque chose à me dire directement, ils peuvent toujours me parler. Nous nous voyons de nombreuses fois au cours d’un week-end de course et le vendredi soir, lors de la réunion des pilotes, ils peuvent toujours poser des questions sur une voiture de sécurité, mais ils parlent aussi à Niels. »
« Je préférerais aller toujours aussi vite que possible dans la voiture de sécurité, je pense que c’est dans l’ADN d’un pilote de course, mais la voiture de sécurité ne peut parfois pas aller à la vitesse maximale - parce qu’il y a quelque chose sur la piste, la piste est presque bloquée, ou des commissaires sont sur la piste ou autre chose. »
« Ma porte est totalement ouverte pour tout le monde s’ils veulent comprendre certaines situations. Il s’agit de travailler ensemble, d’expliquer les situations, de dire pourquoi la voiture de sécurité était lente. Il y a une communication et j’essaie juste d’expliquer la situation, pourquoi c’était comme ça. »
Quant à ses souvenirs les plus marquants, Maylander se souvient avoir conduit des tours interminables au Japon en 2007 (un épisode sur lequel nous reviendrons en détail demain dans un article dédié) ou au Canada en 2011, dans des conditions dantesques ! Lui a aussi a mené des tours de F1, et pas qu’un peu…
« Disons que si vous avez une course comme Fuji en 2007, où vous meniez 25 tours, puis Montréal en 2011, où nous avons mené pendant près de 30 tours - l’une des plus longues courses jamais réalisées... Si vous conduisez dans des conditions très difficiles et que vous ne faites pas d’erreurs, ce sont certainement les grands moments. »
« Je ne veux pas dire que j’ai participé à ces courses, mais je les ai vues en direct, je les ai vues dans le rétroviseur, et je pense que c’est quelque chose que vous n’oublierez jamais de votre vie. Ce sont les bonnes choses, les choses spectaculaires, et il y a bien sûr des courses avec de gros accidents. »
Quant à son avenir, Maylander le voit toujours en F1, même à moyen terme.
« Je suis absolument prêt pour encore plus d’années, je n’ai pas l’impression d’avoir 52 ans dans mon cerveau. Je suis toujours en feu, je suis toujours nerveux sur la grille, je suis toujours plein de passion. Au cours des 24 dernières années, j’ai trouvé passionnant de voir les progrès que nous avons accomplis. Chaque année, à chaque déploiement, nous continuons à apprendre - ce n’est jamais un pas en arrière, c’est toujours un pas en avant. »
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